L’affichage environnemental des aliments à l’heure des choix

Actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, la loi Climat ouvrira la voie à l’affichage environnemental des produits alimentaires. Si les critères scientifiques tiennent le haut du pavé, la prise en compte de certains critères relèvera du politique.

« Après avoir alerté en décembre dernier sur les limites de la méthode ACV et d’Agribalyse, ainsi que sur les risques qu’elle fait peser sur le projet d’affichage environnemental et les modes de production les plus durables, Interbev annonce le lancement de travaux spécifiques pour les viandes bovines et ovines », annonce l’interprofession des viandes bovines et ovines Interbev dans un communiqué.

L’interprofession a décidé de s’immiscer dans le dispositif expérimental prévu à l’article 1 de la future loi Climat et résilience. Pour mener à bien ses propres travaux, Interbev s’appuiera sur l’Institut de l’élevage et notamment sur l’outil de diagnostic Cap’2er, à la base de la Labellisation bas carbone (LBC) en filière bovine.

Les trois objectifs de l’affichage

L’expérimentation menée par les pouvoirs publics répond à l’article 15 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire (Agec) adoptée en février 2020. Elle vise à définir une méthode pour construire un score environnemental pour les produits alimentaires, sur la base d’informations fondées scientifiquement, opérationnelles et aisément contrôlables. Cette expérimentation est réalisée sous l’égide de l’Ademe (Agence de la transition écologique) et de l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

Actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, la loi Climat et résilience complètera la loi Agec sur le volet étiquetage et information des consommateurs, avec là encore un caractère expérimental, à l’issue duquel l’affichage pourrait éventuellement devenir obligatoire. L’objectif est d’éclairer les choix des consommateurs, de favoriser les substitutions bénéfiques et d’inciter les filières et les entreprises à opérer la transition.

Eco-score

En septembre 2020, l’Ademe et l’Inrae avaient dévoilé une nouvelle version de la base de données Agribalyse, mise au point en 2009 en collaboration avec une dizaine d’organismes. Agribalyse permet d’évaluer l’impact environnemental d’un produit alimentaire du champ à l’assiette sur la base de 16 indicateurs : émissions de gaz à effet de serre, destruction de la couche d'ozone, émissions de particules fines, oxydation photochimique, acidification, radioactivité, épuisement des ressources en eau, pollution de l'eau douce, épuisement des ressources non renouvelables, eutrophisation (terrestre, eau douce et marine), utilisation des terres, toxicités (eau douce et humaine), perte de biodiversité.

La base de données recense plus de 2.500 produits agricoles bruts et transformés prêts à être consommés (baguette de pain, burger...). Elle est à l’origine de l’éco-score, mis en œuvre par l’application Yuka et discriminant les produits alimentaires en cinq classes et codes couleurs (A à E, vert à rouge), le pendant du nutri-score jaugeant la qualité nutritionnelle, institué par la Loi de santé 2016 mais à usage facultatif.

Des feed-lots mieux lotis que le pastoralisme

Le projet d’éco-score avait déclenché une levée de boucliers auprès de plusieurs organisations, dont la Fnab, l’Itab, le Synabio ou encore Interbev, au motif que la méthode ACV (analyse du cycle de vie) ne prend pas en compte les externalités positives des systèmes de production les plus vertueux (infrastructures agroécologiques, biodiversité, stockage de carbone...) tout en faisant l’impasse sur les impacts négatifs des systèmes les plus critiques (pesticides, antibiotiques, effondrement de la biodiversité, qualités des sol..).

L’ACV ignorerait les effets de seuils et de saturation locaux, notamment le dépassement de la capacité d’un écosystème à absorber des pollutions concentrées à l’échelle d’un territoire. En outre, l’ACV privilégierait les systèmes d’agriculture intensive qui génèrent des rendements plus élevés et pénaliseraient les systèmes extensifs, bio, et les territoires à faible potentiel productif. « Si l’on suit ce système de notation, il s’avère qu’une viande issue d’un élevage industriel américain type feedlot serait mieux notée d’un point de vue environnemental qu’une viande bio ou issue d’une production herbagère en France », relève Interbev.

Ces critiques ont été pointées par l’Inrae dont l’un des chercheurs est associé à une étude, parue dans Nature Communications en 2019, démontrant que la mise en œuvre de l’ACV est trop simpliste et passe à côté d’avantages majeurs de l’agriculture biologique.

Des critères scientifiques, des choix politiques

En présentant à l’automne dernier la nouvelle version d’Agribalyse, l’Ademe et l’Inrae reconnaissaient que les impacts d’une diversité de modes de production dont l’agriculture biologique, la territorialisation des productions et le recyclage, le développement de l’agroécologie et de la bioéconomie, et enfin les incertitudes liées à l’agrégation des données étaient autant de pistes de recherche qui permettraient in fine de répondre à l’ensemble des enjeux posés.

« Si le rôle de l’expertise scientifique est ici d’identifier les diverses variables environnementales à prendre compte et de mesurer comment varient les effets sur les consommateurs selon les critères mis en avant, il reste que les pondérations à donner à chacun des critères pour la construction d’un score agrégé ne peuvent à ce stade être basées sur des données scientifiques et relèvent clairement de choix politiques », soulignent l’Ademe et l’Inrae.

Il est à noter que l’éco-score, outre l’ACV, intègre un système de bonus-malus tenant compte d’un certain nombre d’indicateurs complémentaires tels que les labels, l’origine des ingrédients, le pays de provenance, la recyclabilité des emballages etc.