« La sécheresse météorologique est presque enrayée mais la sécheresse hydrologique reste importante »

Les épisodes pluvieux survenus en mars ont globalement permis de réhumidifier les sols, mais la sécheresse hydrologique reste importante, en particulier sur le pourtour méditerranéen. Et les prévisions météo pour les semaines à venir annoncent une nouvelle récurrence anticyclonique. Le point avec Nicolas Le Friant, météorologue.

Les épisodes pluvieux survenus en mars ont-ils changé la donne concernant la sécheresse des sols ?

Malgré le retour d’un flux d’ouest océanique, favorisant les passages pluvieux depuis la toute fin février, la sécheresse reste très importante en France. En effet, il semble que nous nous dirigeons vers un mois de mars « normalement » arrosé, ce qui a eu comme conséquence une bonne humidification des sols. Néanmoins, les nappes phréatiques ont toujours des niveaux modérément bas à très bas pour 80% d’entre elles.

En revanche, à des niveaux plus superficiels, comme les sols de surface, les précipitations de ce mois de mars ont été profitables et les ont plutôt bien réhumidifiés. Au niveau national, le contexte est globalement normal mais avec de fortes disparités. En effet, le sud de l’Occitanie, le Languedoc-Roussillon, l’Auvergne, la région Rhône-Alpes et la Provence-Alpes-Côte d’Azur accusent encore un déficit plus ou moins important.

Nous pouvons donc affirmer que la sécheresse météorologique a été presque enrayée à l’échelle du pays mais que la sécheresse hydrologique reste importante. Cela a comme conséquence la persistance de façon durable de la sécheresse plus en profondeur, au niveau des nappes phréatiques.

En cette fin mars, 90% de cours d'eau sont dans un état un peu plus satisfaisant, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les semis de printemps et le fourrage.

En résumé, le retard pris depuis l’été 2021 dans la recharge des nappes phréatiques n’a pas été du tout enrayé au cours de cet hiver 2022/2023. En outre, l’absence de pluies significatives, entre le 21 janvier et le 21 février 2023, a encore accentué cette sécheresse hydrologique !

Quelle est la situation hydrique sur le pourtour méditerranéen ? 

La saison de recharge des nappes phréatiques, débutant en septembre et se terminant en mars, se clôture sur un maigre bilan sur le plan national. Mais la situation la plus critique est celle des régions méditerranéennes qui sont, globalement, peu impactées par les précipitations océaniques. En effet, le Languedoc-Roussillon et la Provence-Alpes-Côte d’Azur sont des régions protégées par les reliefs des Alpes, du Massif-Central et des Pyrénées, qui bloquent l’humidité sur les versants septentrionaux et occidentaux. Résultat, l’occurrence des vents tels que le Mistral et la Tramontane devient plus important. Ces vents créent l’effet de foehn qui assèche la masse d’air tout en la réchauffant.

En cette fin mars, le nombre d’arrêtés préfectoraux se multiplient sur les départements méditerranéens, sur le reste du pays aussi d’ailleurs, comme nous pouvons le constater sur la carte ci-dessous, compte-tenu de l’absence de précipitations au cours des derniers mois. La situation la plus préoccupante est celle du Roussillon et notamment du département des Pyrénées-Orientales où le climat devient de plus en plus aride (170 mm de précipitations seulement depuis 1 an).

Enfin, petite note d’espoir, au cours de ce mois de mars 2023, il a beaucoup neigé au-dessus de 2000 mètres d’altitude sur les Alpes et de nouvelles chutes de neige sont prévues entre le jeudi 30 mars et le dimanche 2 avril. C’est une bonne nouvelle, car la fonte nivale, intervenant au cours des prochaines semaines, va alimenter de façon bénéfique les cours d’eau des régions Rhône-Alpes et de la Provence-Alpes-Côte d’Azur.

La situation hydrique actuelle est-elle comparable à celle de l’an dernier à la même époque ?

En comparant ces deux dernières années, les cumulus pluviométriques sur la période de recharge 2022/2023 est plus importante que celle de 2021/2022 (11% de déficit contre 19%). Néanmoins, c’est le niveau des nappes qui est nettement plus bas en septembre 2022 par rapport à septembre 2021. La conséquence est que si l’année climatologique 2023 est similaire à celle de 2022, alors la sécheresse risque d’être nettement plus aggravée, notamment pour l’arrosage estival des cultures.

Quelles sont les prévisions météo en France pour les semaines à venir ?

Après un début de semaine plus frais et sec, la grande douceur s’est imposée mercredi 29 mars avec de très nombreux records mensuels battus en Aquitaine et Midi-Pyrénées, comme du côté d’Orthez (64) avec 30,4°C (précédent record de 29°C, du 31 mars 2021) ou encore à Dax (40) avec 30,1°C (précédent record de 29,9°C, du 21 mars 1990) et Mont-de-Marsan (40) avec 30,1°C (précédent record de 29,2°C, du 21 mars 1990).

Jeudi 30 mars, les conditions météorologiques se sont nettement dégradées avec la mise en place d’une météo perturbée et qui va se poursuivre jusqu’au dimanche 2 avril. Le vent soufflera même en tempête sur le nord-ouest de la France avec le passage de la dépression « Mathis ».

Pour la suite, du 3 au 17 avril, les modèles envisagent une période davantage conditionnée par les hautes pressions, ce qui signifie une nouvelle récurrence anticyclonique très possible favorisant ainsi du temps sec. Cela signifie que nous pourrions nous retrouver dans une situation de nouveau délicate en termes de précipitations avec des déficits pluviométriques attendus. Quant aux températures, elles devraient se situer dans les moyennes.

Anomalies des températures et des précipitations prévues par le modèle européen (ECMWF) entre le 3 et le 17 avril 2023 (Source : https://www.ecmwf.int/)