La vie du sol est-elle votre tasse de thé ?

Des chercheurs néerlandais ont mis au point une méthode consistant à enterrer des sachets de thé dans le sol et à en évaluer le pourcentage de dégradation au bout de trois mois. C'est le même principe que les slips enterrés, mais c'est un peu plus scientifique. Les deux méthodes ont toutefois le même but : sensibiliser les agriculteurs à la vie de leurs sols.

Moins médiatique et moins « divertissant visuellement » que le slip en coton blanc, le test du sachet de thé (tea bag index en anglais) est une autre manière de mesurer l'activité biologique d'un sol. Son avantage par rapport au test du slip : il est normé et international. Il a fait l'objet de plusieurs publications scientifiques et symposiums.

Le Tea bag index (TBI) a été imaginé par des chercheurs néerlandais en écologie du sol en 2010. Leur méthode complète a été publiée en 2013 et a reçu un bon accueil de la communauté scientifique. Comme il est accessible à tout le monde, le TBI a fait l'objet, à partir de 2014, d'un projet de « science participative » permettant à des particuliers et à des écoliers de rejoindre la communauté des chercheurs pour donner leurs références. Ce projet intitulé Tea time for science (teatime4science.org)  a été développé par les chercheurs néerlandais avec le concours du conseil de la recherche suédois.

Les sachets Lipton ont été choisis du fait de leur diffusion internationale, favorisant la reproductibilité des tests (Crédit photo : CDDM 44)
Les sachets Lipton ont été choisis du fait de leur diffusion internationale, favorisant la reproductibilité des tests (Crédit photo : CDDM 44)

Du Lipton sinon rien

Comme le test du slip, le TBI est simple et peu coûteux (en tout cas beaucoup moins qu'une analyse de sol). Les seuls matériels à acheter sont des sachets de thé de la marque Lipton (thé vert et thé rooibos)  et une balance (si possible de précision). Les inventeurs de la méthode assurent « ne pas être sponsorisés par la marque Lipton », mais avoir choisi cette référence pour avoir des données comparables partout à travers le monde. Le test consiste à peser et référencer ces sachets de thé (non infusés), puis à les enterrer à 8 cm de profondeur et à 15 cm l'un de l'autre.

Au bout de 90 jours environ (parfois moins selon les situations), les sachets sont déterrés, séchés (par exemple, au soleil pendant 3 à 4 jours), puis pesés. Le rapport entre le poids final du sachet et son poids de départ donne un coefficient de dégradation des thés.

Les deux types de thé se décomposent à des vitesses différentes : le thé vert se décompose rapidement, tandis que le rooibos, plus ligneux, le fera plus lentement. « Le thé vert correspond globalement à un engrais vert jeune, avec un  C/N à 12, et donc une fourniture rapide d’éléments nutritifs dans le sol , décrit Solenne Faul Godec, conseillère en vie du sol au Comité départemental de développement maraîcher (CDDM) de Loire-Atlantique. Le rooibos, avec un C/N de 42,  correspond à des matières organiques enfouies à un stade plus tardif et donc des éléments nutritifs disponibles sur une plus longue durée ».

TBI et protocole moutarde sont-ils pertinents ?

La conseillère utilise cette méthode depuis près d'un an et elle la juge pertinente pour comparer des parcelles entre elles. « Cependant, nous n'avons pas encore vraiment de références » décrit-elle, à partir d'une simple mesure, il est difficile de donner un avis à un producteur sur la vie de son sol ».

Ces références, justement, sont en train d'être construites pour les sols maraîchers de la région des Pays de la Loire, dans le cadre du programme de recherche « Clef de sol » (Caractériser les LEviers d’amélioration de la Fertilité DEs SOLs ), conduit par l'Arelpal (Association régionale d’expérimentation légumière des Pays de la Loire) et financé par la région des Pays de la Loire.

L'un des volets de ce programme est la construction d'indicateurs pertinents sur la vie des sols maraîchers. Le TBI y est étudié, tout comme le « protocole moutarde » (arroser 1 m2 avec une eau moutardée et compter des vers de terre)  ou encore le slake test (immerger des mottes de terres dans de l'eau pour en évaluer la cohésion et la stabilité).

Les sachets de thé après 70 jours dans une parcelle maraîchère du bassin nantais (Crédit photo : CDDM 44)
Les sachets de thé après 70 jours dans une parcelle maraîchère du bassin nantais (Crédit photo : CDDM 44)

A partir des résultats du TBI, exprimés en pourcentages de dégradation de thé vert et de thé rooibos l'une des ambitions est de pouvoir extrapoler des paramètres plus scientifiques, tels que S et k, (S = degré de persistance de la fraction labile de la matière organique = facteur de stabilisation ; k = indicateur de la vitesse de dégradation de la fraction labile de la MO = le facteur décomposition).

Les chercheurs néerlandais ont mis au point des formules de calculs pour S et k. Toutefois, dans le cadre du programme Clef de sol sur les sols maraîchers des Pays de la Loire, lors de la première année de mesures, les résultats extrapolés des TBI ne semblent pas corrélés à ceux des analyses de sol. «  Nous poursuivons nos travaux », décrit Solenne Faul Godec, qui reconnaît que pour l'instant « on ne remplace pas une analyse de sol. La méthode des sachets de thé reste néanmoins plus scientifique que celle des slips. Les agriculteurs s'en sont encore peu emparés. A nous de la démocratiser ! »