« Le lac de Caussade est plein et la digue n’a pas pété »

Dans le Lot-et-Garonne, la récente crue de la Garonne a fait remonter à la surface les eaux « troublées » du lac de Caussade, dont les 900 000 m3 cubes n’ont pas, ou plus exactement, n’ont plus, de fondement légal.

Dans un jugement rendu le 10 juillet 2020, le président et le vice-président de la Chambre d’agriculture, maitre d’ouvrage de la retenue, ont été condamnés à de la prison ferme. Le jugement en appel est attendu dans les prochains mois. Le point avec Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne.

D’un point de vue administratif, où en est le lac ?

Serge Bousquet-Cassagne : le lac avait été autorisé, puis non autorisé, suite à l’intervention des environnementalistes qui meublent le ministère de l’Écologie.  Dans un grand élan de solidarité des paysans du département, après moult péripéties, on l’a bâti, il est fini, il est plein, il déborde par son déversoir comme tout lac et il a fait office d’écrêteur de crue lors de ces crues mais aussi celles de l’an passé dans le bassin versant de la Garonne. Après moult arrêtés de saisie des comptes de la Chambre, qui n’ont pas été efficaces et pas suivis d’effet, après la venue d’une commission d’enquête comptant des membres des ministères de l’Intérieur, de l’Agriculture et de l’Écologie, la volonté de l’État est peut-être, de sortir par le haut de cette affaire mais cela prendra des années.

Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne
Serge Bousquet-Cassagne, président de la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne

Comment expliquez-vous cet imbroglio ?

Serge Bousquet-Cassagne : après l’autorisation par la préfète du département, et avant que les écologistes ne contestent l’autorisation devant un tribunal, les deux grands disparus que sont  les ex-ministres Stéphane Travert et François de Rugy lui ont demandé de rendre un avis contraire. Entre parenthèses, nous, on est toujours là et le lac aussi, on voit la futilité des choses, sauf en agriculture. On en a référé au Préfet d’Aquitaine, aujourd’hui Préfet de police de Paris, qui nous a répondu que le dossier était politique, temporellement et géographiquement trop proche de Sivens. Dans la foulée, avec mon vice-président Patrick Franken, on a décidé de construire le lac. De bout en bout, on a respecté toute la procédure, la concertation, le débat public, l’enquête publique. J’ai forcé mes techniciens à passer sous les fourches caudines de la DDT et de la Dreal qui ne nous ont pas ménagés mais je savais que l’autorisation serait au bout. Au final, tout ce travail a été battu en brèche comme un fétu de paille par le politique. L’Etat a changé le jeu de cartes en milieu de partie. C'était un jeu de belote, on nous a mis du tarot.

Que répondez-vous aux allégations concernant la solidité de la digue ?

Serge Bousquet-Cassagne : l’Administration a agité ce chiffon rouge, au motif que l’ouvrage n’était pas fait dans les règles de l’art, par des hommes de l’art et des bureaux d’études agréés. L’ancienne préfète prédisait l’engloutissement de 70 maisons et la mort de 150 personnes en cas de rupture. Lors des intempéries de mai 2020, elle voulait faire évacuer un village situé 100 mètres au-dessus du lac. Depuis, le nouveau préfet a ramené le risque à trois granges inondées par 10 centimètres d’eau si la digue rompait. Mais la digue du lac de Caussade n’a pas pété, ce qui n’est pas le cas de certaines digues réalisées dans les règles de l’art sur la Garonne.

Combien a coûté le lac et quels sont ses usages ?

Serge Bousquet-Cassagne : le projet initial très réglementaire et très réglementé, en passant par tous les bureaux d’étude de la Création, c’était 4 millions d’euros. Au final, il a coûté 1,2 millions d’euros, financés par la Chambre d’agriculture. On en train d’établir un bail de 30 ans à l’Asa de Caussade pour récupérer l’argent des irrigants. Pour 4000 m3 d’eau, ça va leur coûter 100 euros par an, voire moins. En 2020, le lac a permis d’irriguer 24 exploitations, dont 7 en bio, avec, à l’image du département du Lot-et-Garonne, une agriculture de taille moyenne et très diversifiée.

Pourquoi ne pas s’engager sur un Projet de territoire pour la gestion de l’eau ?

Serge Bousquet-Cassagne : un projet de territoire, c’est l’enterrement en grandes pompes et officiel de tout projet. Vous l’avez mesuré à l’aulne de Sivens, des bassines des Charentes, de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres. A Caussade, on a respecté toute la procédure propre à un PTGE sauf qu’il n’en avait pas le nom.

Avez-vous des projets de création de nouvelles retenues ?

Serge Bousquet-Cassagne : il y a des projets dans les tuyaux. Ils seront menés officiellement avec les services de l’Etat mais quand ces derniers auront épuisé toutes les voies de recours pour faire un lac avec toutes les autorisations, on se substituera à eux. Ce qui nous a sauvé à Caussade, c’est que la Chambre avait eu l’excellente idée préalable d’acheter les terrains correspondant à l’emprise du lac. Je pense que la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne est la mieux gérée de France.

Qu’en est-il du curage des fossés et des cours d’eau dans votre département ?

Serge Bousquet-Cassagne : l’instruction administrative d’une demande de curage d’un fossé dure quatre ans. Après les inondations de 2020, la Gemapi, les techniciens de rivières, les communautés de communes nous ont dit : « on va faire ». On en est toujours aux études. La réglementation permet de curer des fossés et les cours d’eau, mais il suffit qu’il y ait deux ou trois maires condamnés, ce qui a été le cas, pour que personne ne demande plus rien. Résultat : ça déborde. L’argument, c’est la continuité écologique et la remontée des salmonidés et des aloses. Les salmonidés, il y a longtemps qu’ils ne remontent plus. Quant aux aloses, les silures les bouffent presque toutes et celles qui en réchappent s’arrêtent au niveau de la centrale nucléaire de Golfech où elles finissent bouillies.

Quels sont les dégâts subis par les exploitations suite aux inondations ?

Serge Bousquet-Cassagne : on comptabilise 600 exploitations touchées par les passages d’eau dus à la crue mais il faut dire que l'on a été très mal prévenu par l’Administration et Vigicrue. On a eu par ailleurs 30 000 ha sous l’eau sous l’effet des pluies parce que les fossés et les rivières ne sont pas curés. Il y a 20 ans, avec autant de pluie, on n’avait pas de parcelles sous l’eau.