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Les récoltes françaises en berne dans un marché du blé mondial équilibré
Bien que les agriculteurs aient souffert de la météo qui a réduit les rendements à peau de chagrin, les échanges à l’exportation sont à l’équilibre. Comment expliquer ce paradoxe ?
Pour les agriculteurs, 2024 sera marquée dans les mémoires comme une année noire. Les récoltes françaises sont descendues à 25.17 millions de tonnes, soit -27,3 % par rapport à la moyenne de ces 5 dernières années. Un triste record qui ne s’était pas produit depuis 1983. Moins de récoltes dit aussi moins de potentiel exportable. La France risque donc de perdre 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires, selon Argus Média. Les exportations en blé tendre depuis la France vers les pays tiers étaient de 10,2 M/t pour la période 2023-2024 contre 4,10 M/t estimées pour la campagne 2024-2025. Une funeste performance jamais atteinte depuis 2001-2002.
Les échanges mondiaux à l'équilibre
Les besoins d’importation et les disponibles exportables sont à peu près stables grâce aux bonnes récoltes dans le reste du monde, comme les États-Unis, le Canada, l'Argentine, l’Australie et le Kazakhstan qui viennent compenser les pertes de l’Europe occidentale. En revanche, les faibles rendements français ne vont pas perturber les échanges internationaux. Bien au contraire. Si l’Allemagne et l’Angleterre ont également eu de petites récoltes, les autres pays d’Europe, notamment la Roumanie, la Bulgarie, l’Espagne, l’Italie et les pays baltes équilibrent les baisses par des rendements satisfaisants. Ce n’est pas forcément le cas de l’Ukraine. Toujours en guerre contre la Russie, elle a également subi une météo difficile avec des sécheresses et des gelées. Sa récolte reste correcte à 21,7 M/t, mais le pays a moins de blé exportable car ses stocks accumulés lors du blocage maritime de 2022 sont écoulés.
Exploration de nouveaux marchés pour nos partenaires
De plus, les pays d’Afrique du Nord - de gros importateurs de blé - diversifient les offres pour s’approvisionner. Rassurons-nous, la France, l’un de ses principaux partenaires, restera toujours dans la course. Cependant, cette année très difficile fragilise les échanges commerciaux avec le Maghreb et favorise l’arrivée de nouveaux partenaires. C’était déjà le cas de l’Algérie qui a massivement acheté du blé russe. La Russie lorgne de plus en plus sur Tunisie. Le pays compte dans ses habitudes alimentaires et sa gastronomie énormément de pâtes et de pain. Ses habitants consomment annuellement environ 265 kg de céréales, dont 50 % en blé tendre par personne. En comparaison, les Français consomment à 116 kg 2021-2022.
Un repli des importations pour certains pays
Mais cette année, la demande mondiale à l’importation devrait reculer. La Russie accuse notamment une baisse de -5 Mt car ses trois principaux clients ont drastiquement limité leurs échanges. Le Pakistan a réalisé une bonne récolte, le Bangladesh connaît une crise économique et la Turquie a, quant à elle, mis un frein à l’importation
pour des raisons de protectionnisme jusqu’au 15 octobre. Avec le réchauffement climatique, de nombreux pays pourraient dorénavant développer leurs propres cultures comme l'Algérie qui s'est engagée sur cette voie en signant un accord avec l'Italie. Mais l'autosuffisance reste un rêve pour certains, difficilement atteignable.
Rien ne pourra enrayer la perte de revenus des agriculteurs français
Si le marché international du blé est équilibré, les prix mondiaux sont bas. Une très mauvaise nouvelle pour nos agriculteurs. Depuis mai dernier, l’effet ciseau entre le prix de vente des céréales et les charges des exploitations tendait à s’inverser. Les coûts engendrés par la production étaient passés de 240 € la tonne de blé à 205 €/t de blé (d’après les chiffres de Piloter sa ferme). Ils restent néanmoins très hauts. Malheureusement avec la mauvaise météo, l’écart coût/vente s’est à nouveau creusé. La marge par hectare pour le blé tendre, l’orge fourragère et le colza était de 2022 à 2 200 € (prix de vente moyen sur la campagne). Elle a pu permettre de compenser la perte de revenus de 2023 à environ -200 €. Cette année, sans trésorerie, les agriculteurs ne parviendront pas à se payer. On estime que c’est environ -800 € de revenus par hectare. À cela s'ajoute la déclaration de revenus pour l'année 2023, qui était bien meilleure qu'aujourd'hui. Encore un coût supplémentaire pour les agriculteurs.
La France, pays producteur, semble isolée des échanges internationaux. Le paradoxe est là. Il est difficile en effet d'entendre pour nos agriculteurs que le marché mondial est équilibré après des récoltes aussi catastrophiques ! Espérons que la météo sera meilleure pour la future campagne.