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Blé tendre français : après le chaos de 2024, l'ombre plane sur 2025
Malheureusement, 2025 s’annonce être encore une année très difficile pour les agriculteurs. Il est rare de voir, avant la moisson, une situation aussi problématique se dessiner, avec des prix proches des coûts de production. La situation apparaît particulièrement délicate.
La moisson 2024 restera dans l’histoire comme l’une des pires jamais connues. La production de blé tendre s’est effondrée à environ 25,6 millions de tonnes, soit une chute vertigineuse entre 15 à 27 % par rapport à l’an dernier, atteignant un niveau historiquement bas. Les rendements en céréales ont enregistré une baisse d’environ 15 % à 19 % selon les régions comparé à 2023.
Quand le ciel et le marché se liguent
Jamais la filière n’avait connu pareils déboires. Les pluies incessantes et les maladies ont semblé se liguer contre les agriculteurs.
Et pour couronner le tout, le marché n’a pas répondu à la crise : la tonne de blé oscille entre 215 et 240 €, alors que le seuil de rentabilité dépasse désormais les 240 €/t pour de nombreux exploitants en raison de la baisse des rendements. Les charges, elles, continuent de grimper : engrais, énergie, matériel, tout pèse plus lourd sur des trésoreries déjà exsangues. Le compte est vite fait : des récoltes amputées, des prix sous pression, et des revenus agricoles en chute libre. Il peut manquer de 150 à 200 €/ha de recettes pour couvrir l’ensemble des charges et assurer la rémunération du travail de l’exploitant. Seules les exploitations qui ont le mieux résisté aux chocs économiques des récoltes 2016 et 2024 sont celles qui maîtrisent leurs coûts de production et disposent d’une trésorerie solide. Ainsi, pour beaucoup d’agriculteurs, il ne s’agit plus de dégager un bénéfice, mais simplement de limiter les pertes et d’éviter la cessation d’activité.
La France rate le coche des exportations
Mais le vrai coup de massue est venu de la chute des prix et de l’effondrement des débouchés à l’export. La concurrence internationale est plus féroce que jamais. Les exportations de blé tendre vers les pays tiers, autrefois fierté de la filière française ont plongé à leur plus bas niveau depuis des décennies, moins de 4 M/t de tonnes attendues sur la campagne 2024-2025, soit un recul de 66 % par rapport à l’an dernier. La Russie, l’Ukraine, mais aussi l'Argentine raflent désormais la mise sur les marchés du Maghreb et du Moyen-Orient, imposant leurs prix et leurs volumes, pendant que la France peine à écouler sa récolte, dont une partie n’a pas été de bonne qualité. Seul le Maroc, bien qu’il ait significativement diversifié ses fournisseurs, est resté l’un des principaux acheteurs de blé français parmi les pays tiers lors de la campagne 2024-2025, malgré une baisse de ses volumes d’achat habituels.
Incertitude et esprit morose
La hausse récente de la parité euro/dollar n’arrange rien : elle pèse sur la compétitivité du blé français à l’export, alors que les prix mondiaux restent orientés à la baisse. Même les rebonds ponctuels des cours n’ont pas suffi à combler les trous de trésorerie dans les fermes. Les charges augmentent, les prix stagnent, et les revenus s’érodent.
Alors, 2025 ? Les perspectives ne sont guère plus rassurantes. Certes, la sole de blé progresse légèrement, avec une hausse d’environ 9 à 10 % des surfaces semées à l’automne. Mais les sols encore humides après les excès pluvieux de 2024, ne laissent rien présager de bon… Ce rebond reste modeste au regard des surfaces. Rien n’indique que les prix repartiront à la hausse ou que la France regagnera ses parts de marché perdues face à la concurrence de la mer Noire. La diversification – énergie, circuits courts, nouvelles cultures – apparaît comme une planche de salut, mais elle ne saurait compenser la défaillance du modèle exportateur qui a longtemps fait la force des grandes cultures françaises.
Dans les exploitations, lassitude et désarroi gagnent du terrain. Les trésoreries sont à sec, les perspectives bouchées. 2024 aura été une année noire. 2025 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Courage, il faudra bien tenir !