Météo : la douceur exceptionnelle aggrave la sécheresse

Octobre 2022 a été le plus chaud jamais observé en France. Cette douceur anormale a aggravé la sécheresse, déjà très importante depuis le début de l’année. Nicolas Le Friant, ingénieur météorologue, fait le point sur cette situation historique et sur les tendances à venir pour le mois de novembre.

  • Comment caractériser ce mois d’octobre 2022 ?

Nicolas Le Friant : Nous pouvons décomposer ce mois d’octobre en deux parties : du 1er au 14 octobre, la température était déjà plus élevée que la normale mais l’excédent n’était que d’1°C. En revanche, à compter du 15 et jusqu’à la fin du mois, la douceur s’est très nettement accentuée et nous pouvons même parler de chaleur car le seuil des températures égal ou supérieur à 25°C a été fréquemment dépassé.

En résumé, c’est un excédent de près de 3,3°C par rapport aux normales climatiques (sur la nouvelle référence climatique 1990-2020) qui a été observé, ce qui en fait le mois d’octobre le plus chaud jamais observé en France.

C’est le neuvième mois consécutif avec une anomalie de température. L’année 2022 présente, en cette fin de mois d’octobre, un excédent thermique de l’ordre de 1,6°C ! C’est, pour le moment, l’année la plus chaude devant 2020, 2018 et 2003…

C’est le 9ème mois consécutif avec une anomalie de température positive (source : Météo-France).
  • Comment peut-on expliquer de telles températures sur une si longue période ?

Nicolas Le Friant : Au niveau météorologique, nous sommes dans une configuration particulière, de nouveau de blocage, où un vaste système dépressionnaire est présent, depuis le début du mois, sur le Proche-atlantique, notamment entre les Açores et l’Islande. Cette dépression aspire l’air froid en provenance directe du Labrador (entre Terre-Neuve et le Groenland). Dans le même temps, un important anticyclone s’étend de la Méditerranée à l’Europe centrale. Cette dépression et cet anticyclone, dans leur mouvement convergent, dirige un vent de secteur sud qui souffle depuis quelques semaines en France tout en véhiculant une masse d’air en provenance d’Afrique du Nord (carte ci-dessous).

Cet air sec, et surtout très chaud pour la saison, ne cesse de remonter de jour en jour sans intrusion réelle d’air frais et océanique pouvant mettre un terme à cette période de douceur et même de chaleur. Ce phénomène n’est pas rare et est appelé « plume de chaleur ». Ce qui est inédit, c’est sa persistance pour cette période de l’année.

  • Ce très long épisode de chaleur a-t-il un lien avec le réchauffement climatique ?

Nicolas Le Friant : Les deux derniers mois d’octobre très chauds en France étaient 2006 et surtout 2001 avec, respectivement, un excédent de 2,5°C et 2,7°C. Ce qui est frappant cette année, c’est que nous allons atteindre une anomalie de 3,3°C, ce qui est assez nettement au-dessus de 2001. C’est tout de même LE signe d’un réchauffement climatique assez brutal au cours des 20 dernières années. Pour preuve, sur les 10 années les plus chaudes, 8 l’ont été depuis 2003 !

Au cours de cette année 2022, nous avons observé la canicule la plus précoce (du 15 au 19 juin) et nous connaissons la vague de douceur la plus tardive (du 15 au 31 octobre). Entre ces deux périodes, la France a subi de nombreuses vagues de chaleur avec plus particulièrement 2 canicules.

  • Quelles sont les conséquences de cette douceur pour la végétation ?

Nicolas Le Friant : De prime abord, alors que la situation semblait s’améliorer courant septembre avec l’arrivée de perturbations océaniques pluvieuses, accompagnées d’une bonne fraîcheur, la sècheresse, déjà très importante depuis le début de l’année, s’est de nouveau aggravée au cours de ce mois d’octobre, qui se termine sur un déficit pluviométrique de l’ordre de 40%. Le manque d’eau mais aussi et surtout ces températures très élevées ont de nouveau très nettement aggravé la sécheresse météorologique mais aussi la sécheresse agricole avec un assèchement des sols. Le nombre d’arrêtés est très important sur la majorité des départements français (cf. carte ci-dessous au 28 octobre 2022).

Autre conséquence, la végétation repart en floraison de façon complètement anormale. Dans les pépinières, les feuillages sont toujours aussi persistants et il faut continuer d’arroser pour les maintenir compte-tenu de ces températures estivales. Les marronniers produisent des feuilles mortes mais ils génèrent également de nouveaux bourgeons. Les cerisiers et les lilas fleurissent à nouveau. C’est tout un cycle qui est déboussolé car celui du printemps intervient en plein automne…

  • Quelles sont les prévisions météo pour la première décade de novembre ?

Nicolas Le Friant : Les conditions météorologiques vont enfin évoluer avec la mise en place d’une configuration météorologique nettement plus classique pour cette période de l’année. Pour être plus précis, les hautes pressions européennes vont s’affaisser entre le sud de l’Archipel des Açores et le Maghreb, si bien que les systèmes dépressionnaires vont pouvoir enfin s’inviter sur le continent en véhiculant des perturbations océaniques synonymes de précipitations et de vents.

De plus, les températures vont nettement baisser mais elles devraient encore se maintenir 1 à 2 degrés au-dessus des normales climatiques car le vent sera souvent orienté au sud-ouest. En résumé, pour le moment, nous prévoyons des successions de zones perturbées en alternance avec des périodes d’accalmie temporaires.

Mais cette tendance sera-t-elle durable ou non ? C’est la question primordiale car pour enrayer peu à peu la sécheresse, il faudrait que les quatre prochains mois soient beaucoup plus humides que la normale.