Michel Sinoir : « Nous avons besoin d’une véritable reconquête du marché intérieur ».

Le directeur de la Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt de la région Auvergne-Rhône-Alpes s’est rendu dans le département de l’Allier, à la rencontre des acteurs de la filière bois mais aussi auprès des agriculteurs.

C’est une journée entière, vendredi dernier, que le directeur la DRAAF d’Auvergne-Rhône-Alpes a souhaité consacrer au département de l’Allier et à ses acteurs.

Une visite, le matin, aux côtés des agents de l’ONF gérant la forêt de Tronçais et des acteurs de la filière bois à l’occasion d’une visite au sein de l’entreprise « Chêne Bois », une merranderie installée à Cérilly. 

Démarche « forêt d’exception » 

Au cœur des échanges, la qualité des bois, la gestion durable menée et le cycle de la futaie régulière ainsi que les enjeux liés à l’équilibre forêt / gibier. Ont été aussi évoquées les problématiques liées à la santé des forêts, particulièrement importantes depuis l’année 2020 et la démarche « forêt d’exception ; tissu d’ETF ». 

Maraîchage : le nombre d’exploitations en augmentation 

Après un passage en préfecture de l’Allier, afin d’échanger avec, notamment, Patrice Bonnin, président de la Chambre d’agriculture de l’Allier, Michel Sinoir s’est rendu sur la commune de Limoise, à la rencontre des associés du Gaec formé par les membres de la famille Thiériot. 

Le domaine du Chatelier s’étend sur 237 hectares dont 200, en prairies naturelles, sont réservées à l’élevage bovin et ovin en vue d’une commercialisation auprès des abattoirs du département en filière label rouge et cœur de gamme. Depuis peu, les associés ont développé une activité de maraîchage. « Le recensement agricole, qui est décennal, montre que c’est la seule activité pour laquelle le nombre d’exploitations est en augmentation à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes » précise Michel Sinoir. Gilles Cabart, vice-président de la FNSEA 03, indiquant qu’ « il y a sans doute un décalage par rapport aux pôles des grandes villes qui voient sans doute un développement plus marqué sur ces zones » tout en ajoutant « qu’il y a effectivement un fort développement de la vente directe, comme, par exemple, de viande en caissettes. En revanche, y a-t-il un potentiel d’en avoir beaucoup plus que nous avons aujourd’hui ? Nous sommes peut-être dans une phase d’équilibre ». 

L’enjeu de la transmission 

La problématique des reprises d’exploitations et des installations a également été évoquée avec les représentants syndicaux présents comme l’indique Gilles Cabart : « Dans l’Allier, avec le type de structures que nous possédons et avec une moyenne d’âge élevée, nous allons être confrontés, dans les années à venir, aux renouvellements des générations ». 

Egalim 2 et rémunération 

Celle de la rémunération des agriculteurs était aussi au centre des débats : « Si nous regardons au niveau mondial, en terme de productions agricoles, nous voyons que, concernant les fruits et légumes, nous avons une économie plutôt de proximité. Quant à l’élevage, nous ne sommes absolument pas dans ce schéma car les grands concurrents mondiaux de l’Europe sont des latifundiaires, des structures gigantesques pratiquant l’élevage intensif.

Nous ne pouvons donc pas rivaliser surtout quand on voit que le recensement fait apparaitre une surface moyenne de 59 hectares par exploitation en région Auvergne-Rhône-Alpes et sachant, tout de même que le département de l’Allier est celui qui possède les exploitations les plus grandes de la région, avant celui de l’Ain » indique Michel Sinoir, précisant également que « vous, professionnels et nous, administrations, devons expliquer que les aides de la PAC sont aussi là pour compenser, dans la durée, l’atténuation de la concurrence mondiale pour des systèmes économiques comparables. Quand nous nous sommes retrouvés, il y a quelques années, en concurrence avec de grandes puissances comme l’Amérique du Nord, ce système d’aide a permis de palier les difficultés ».

 

La loi Egalim 2 étant l’un des outils proposés pour permettre une meilleure rémunération des producteurs : « Nous sommes dans la phase de pédagogie. Progressivement, les exploitants apprendront à comprendre ce qu’est Egalim 2. C’est un nouveau modèle économique qui va s’installer dans la durée à travers la mise en place de contrats intégrant aussi bien les coûts de production que de marché.

Gilles Cabart précise qu’ « il ne faut pas se laisser imposer un contrat et que c’est bien l’agriculteur qui imposera un contrat à son acheteur. Il n’y a, bien sûr, aucune obligation d’adhérer à tel type de contrat, les choix sont multiples avec la mise en place de coefficients, des index nationaux, comme les coûts de productions et les cours, pour construire ses prix. Il est donc urgent de ne pas signer un premier contrat avec le premier acheteur. Il faut absolument une phase d’explication en amont. Alors, ce système n’est sans doute pas la panacée mais c’est tout de même la première fois où nous avons l’opportunité que les producteurs imposent un prix. C’est une victoire syndicale, nous pouvons le dire ».

Restauration hors domicile : l’origine des viandes indiquées 

Michel Sinoir complétant : « Ce qui n’est pas possible sur le territoire européen, avec un marché unique, c’est d’imposer l’origine France car c’est incompatible avec les règles du commerce en vigueur au sein de l’Union européenne. Nous ne pouvons pas privilégier tel ou tel produit. Par contre, le gouvernement a mis en place, à la demande des syndicats agricoles, l’obligation, pour la viande, d’en indiquer l’origine géographique, le pays, dans la restauration hors foyer. C’est une avancée majeure non seulement pour la filière bovine mais aussi et surtout pour la filière volaille avec près de 70% d’importations. Nous avons besoin d’une véritable reconquête du marché intérieur ». Le directeur de la DRAAF indiquant également que « nous n’avons pas dans le droit européen aujourd’hui la capacité de commercer en fixant des règles de productions dans les autres pays du monde sauf dans le domaine de l’agriculture biologique car les cahiers des charges y sont inscrits dans le « codex alimentarius », c’est-à-dire dans la vague fondamentale des échanges internationaux du domaine alimentaire. C’est pour cela que la présidence  européenne française actuelle, le Ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, a expliqué la priorité française de la réciprocité. Cela veut dire que nous voulons bien être dans le schéma de l’import/export seulement si vous pratiquez les mêmes règles fondamentales en terme sanitaire que les nôtres ». 

Du plan stratégique national

Michel Sinoir qui a également souhaité échanger sur le plan stratégique national (PSN), lié à la future PAC à compter de l’année 2023 : « c’est une obligation que d’écrire un texte d’environ mille pages qui a été déposé à la commission exposant le programme de chaque pays pour cette PAC à travers les 1er et 2nde piliers pour la période de 2023/2027. Julien Denormandie ayant demandé qu’il y ait un examen de conseil avec les différents ministres ».