Nathalie Chauchard, l’action sociale, du local au national

Série d’été : « Cultiver l’engagement » (2/6). Cet été, Pleinchamp part à la rencontre d’agriculteurs et d’agricultrices qui cultivent le sens du collectif, l’attachement au territoire, ou encore la tradition de solidarité et d’ouverture. Installée en ovins laitiers à Vézins-de-Lévézou (Aveyron), Nathalie Chauchard est engagée depuis de nombreuses années à la MSA, à la fois à l’échelle locale et à l’échelle nationale. Les deux engagements sont complémentaires, parfois compliqués, parfois pesants, mais toujours porteurs de sens et d’ouverture aux autres.

Eleveuse d’ovins laitiers en agriculture biologique en Aveyron, Nathalie Chauchard est l’une des signataires du livre blanc « Femmes en agriculture » publié par la MSA en octobre dernier. Centré sur des propositions concrètes, ce livre blanc a rencontré un bon écho médiatique et politique, et Nathalie Chauchard espère bien « qu’il va faire évoluer les choses ». « Je souhaite que les jeunes femmes qui vont rentrer en agriculture soient mieux considérées que nous ne l’avons été. J’espère que certaines mentalités vont enfin changer ».

Si Nathalie Chauchard a accepté de participer à cette aventure du livre blanc, c’est parce qu’elle s’intéresse depuis longtemps à la reconnaissance et à la défense des exploitantes, à travers les deux mandats d’administratrice qu’elle exerce à la MSA, l’un au sein de la caisse Midi-Pyrénées Nord, l’autre à la caisse centrale, où elle représente les associations familiales (Unaf).

« Être force de proposition »

C’est en effet dans l’association Familles rurales de sa commune de Vézins-de-Lévézou que Nathalie Chauchard a débuté son engagement, il y a plus de 20 ans. « En devenant éleveuse, en même temps que mère de deux enfants, j’ai vite compris que si l’on veut des services en milieu rural, il faut les créer : il faut savoir exprimer nos besoins, être force de proposition ».

« Ainsi, avec les familles du canton, nous avons réussi à proposer différents modes de garde répondant à nos besoins : accueil périscolaire, centre de loisirs, mais aussi des activités d’éducation populaire pour les enfants, comme de la danse ou de la musique, des sorties culturelles… pour faire en sorte que nos familles bénéficient des mêmes services qu’en milieu urbain ».

Aujourd’hui, même si ses propres enfants sont grands, Nathalie reste mobilisée sur ces thématiques de la famille et du bien-vivre en milieu rural dans le mouvement Familles rurales aux niveaux départemental et national, et dans ses mandats MSA. « Je souhaite en particulier permettre aux agricultrices de mieux équilibrer leurs vies familiale et professionnelle. Cela passe notamment par la mise en place de modes de garde des enfants, en nombre suffisant et aux horaires adaptés à leur métier, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui »

« Les agricultrices ont souvent beaucoup de poids sur les épaules. Non seulement, elles ne sont pas suffisamment aidées, mais en plus, elles sont aussi parfois aidantes, avec des personnes âgées, des enfants en situation de handicap… Il y a vraiment des choses à faire, par exemple, avec la mise en place de crédit d’impôts pour faciliter l’embauche d’un aide à la maison ou rendre possible l’appel aux services de remplacement dans ces situations spécifiques ».

Nathalie n’était pas originaire du milieu agricole, mais a fait le choix de rejoindre son époux sur la ferme familiale. (Crédit photo : Nathalie Chauchard)

« Il faut se battre, jouer des coudes »

« On y travaille petit à petit », décrit Nathalie, qui sait que le chemin est long. « Parfois, il faut se battre, jouer des coudes, parfois, on peut se sentir découragée. Mais heureusement, on est très solidaires entre agricultrices, on se soutient, et on pense au but final qui est de changer les choses. »

C’est peut-être parce qu’elle n’est pas issue du milieu agricole que Nathalie Chauchard a eu envie de « changer les choses ». Avant de devenir éleveuse de brebis, elle a étudié la biologie à l’université, puis a été employée dans un service d’action sociale, ce qui lui avait beaucoup plu.

« J’ai pris la décision de rejoindre mon mari sur sa ferme, c’était un choix de vie. Nous travaillons sur une ferme avec 400 brebis, située sur le plateau du Lévézou, à 1000 mètres d’altitude. On est un peu isolés et parfois, les seules visites qu'on a ce sont celles du contrôle laitier !  Si j’ai eu envie de m’engager, c’est aussi parce qu’il me fallait du contact. » 

L’éleveuse adore la vie qu’elle et son époux ont bâtie avec leurs enfants, mais reconnait avoir aussi besoin de « voir du monde », le plateau du Lévézou étant une zone assez isolée. (Crédit photo : Nathalie Chauchard).

Une question d’équilibre

« Je n’aurais pas pu rester à la maison sept jours sur sept. J’avais besoin de voir du monde pour mon équilibre. Mon associé et mari l’a bien compris et je lui en suis reconnaissante car il doit fournir le double de travail lorsque je ne suis pas là, c’est-à-dire environ deux jours par semaine. Lui, a sans doute moins besoin de sortir de la ferme que moi, car il a toujours vécu ici, mais il a quand même un engagement à la Cuma de notre commune ».

L’équilibre de Nathalie passe aussi par les deux échelles d’engagement, locale et nationale. « Il faut garder un ancrage local, ne pas être déconnectée pour représenter et respecter nos pairs. Je sais pour qui je prends la parole ». Cet engagement local est aussi plus généraliste, plus « personnel » que le national : « On est étiqueté « MSA », alors forcément, on vient nous avoir quand il y a des difficultés ».

Ces difficultés confinent parfois au tragique. « Nous avons vécu deux suicides de collègues agriculteurs près de chez nous. Forcément, cela m’a touchée. Et surtout de n’avoir pas pu leur venir en aide, alors que j’étais élue MSA. Cela m’a remise en cause. Le monde agricole est très taiseux : on ne parle pas beaucoup de soi… Nous devons mieux nous former pour repérer les situations de détresse, être plus l’écoute ».

Parfois difficile, l’engagement est cependant une source d’enrichissement et de rencontres, avec d’autres collègues engagés – « dont certains sont devenus des amis » -, ou avec les employés de la MSA, qui savent à leur tour écouter et répondre aux demandes. « Et même dans l’exercice de mon métier, c’est intéressant : on a parfois beaucoup de certitudes, et, en rencontrant d’autres personnes, on se rend compte qu'on peut faire évoluer ses pratiques. Moi, j’avais besoin de cette ouverture ».

 

>> Retrouvez les autres articles de la série « Cultiver l’engagement »