Parcel, un outil numérique pour massifier les transitions agroalimentaires

Portée par la Fnab, Terre de liens et le Basic, l’application numérique permet de jauger à l’échelle territoriale l’impact de nos modes de production et de consommation sur les surfaces agricoles, l’emploi et l’environnement. Il n’y a plus qu’à cliquer sur les curseurs pour passer des initiatives locales à une inflexion globale.

Où mettre le curseur de la relocalisation de notre alimentation au sein des territoires, quelle dose de flexitarisme introduire dans nos régimes alimentaires et avec quels impacts, au final, sur le potentiel nourricier des territoires, sur l’emploi, sur le climat, l'eau et la biodiversité ? Telles sont les ambitions de l’outil numérique Parcel (Pour une Alimentation Responsable, Citoyenne Et Locale), développé par le Basic (Bureau d’analyse sociétale pour une information citoyenne), Terre de Liens et la FNAB.

A la vérité, l’outil n’est pas nouveau car la première version a été mise en ligne à l’automne 2019. « La première version a connu une très bonne diffusion puisqu’elle a attiré 70 000 utilisateurs différents, avec une répartition à 40% dans les 15 plus grandes agglomérations françaises, explique Christophe Alliot, responsable de la recherche au Basic. Nous avons aussi comptabilisé un seuil minimal de dix utilisateurs dans plus de 800 communes ». Accessible à tout un chacun, l’outil se destine particulièrement aux élus et décideurs locaux mais aussi aux acteurs de la société civile.

Une seconde version enrichie

La seconde version de Parcel s’est enrichie de nouveaux indicateurs tels que le potentiel nourricier d’un territoire (commune, intercommunalité, département, région), l’impact du gaspillage ou encore le degré de végétalisation de notre assiette, en lien avec les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS), qui fixe à moins de 500 g la consommation hebdomadaire de viande « rouge » (bœuf, porc, veau, mouton, chèvre cheval, sanglier, biche) pour 100% de la population. Les exigences de la loi Egalim avec l’instauration d’un menu végétarien hebdomadaire dans la restauration collective sont également paramétrées. « Parcel offre aussi la possibilité de faire des extractions sur tableur et de produire des fiches synthétiques de quatre pages résultant des simulations testées, poursuit Christophe Alliot. Elles constituent le support d’échanges entre élus, techniciens et citoyens ».

Des initiatives locales à l’inflexion globale

Il n’y a plus qu’à appuyer sur les curseurs du simulateur pour impulser une dynamique dans les transitions agricoles et agroalimentaires. A l’occasion de la présentation de l’outil lors d’une webconférence le 23 juin dernier, Nicolas Bricas, chercheur en socio-économie de l’alimentation au Cirad, a dit tout le bien qu’il pensait de Parcel, non sans égratigner le modèle dominant. « Parcel est typiquement l’outil dont on a besoin pour faire changer d’échelle les initiatives locales en matière de transition, a-t-il déclaré. Car malgré l’explosion des initiatives locales, les choses continuent de se dégrader avec une accélération de l’évolution négative du système alimentaire industriel et aucun changement, aucune inflexion des trajectoires ».

Le chercheur a notamment mis en perspective le budget moyen de 5 millions d’euros alloués annuellement aux Plans alimentaires territoriaux (PAT) contre les 9 milliards d’euros annuels de la Pac. « Les collectivités locales ont assez peu de prise sur les systèmes alimentaires, juge-t-il. Ce qui a le plus de prise, c’est la stratégie des grandes entreprises et les politiques nationale et européenne ».

Les trois options possibles pour changer d’échelle

Comment passer des initiatives locales à la généralisation et au changement d’échelle ? Le chercheur évoque trois possibilités, à savoir l’essaimage, le grossissement et l’intégration des alternatives par les acteurs dominants. Avec un optimisme tout relatif. « L’essaimage, c’est croire que les petits projets locaux vont prendre la place du système dominant comme si ce dernier allait se faire avoir sans rien voir, jauge Nicolas Bricas. Le grossissement, c’est typiquement le système coopératif, un système alternatif à la base. Et puis on a vu les coopératives grossir et entrer dans des logiques que certains considèrent comme des logiques capitalistes contraires à l’objet coopératif de départ. Pour ce qui est de l’intégration, les alternatives font office de laboratoire gratuit pour les acteurs dominants, qui voient à quelle condition ça fonctionne sans dépenser un rond, et qui rachètent ce qui fonctionne pour l’intégrer comme une réponse du capitalisme aux critiques faites au capitalisme ».