Réconcilier agriculture et écologie : vœu pieu ou révolution ?

[Edito] Le gouvernement entend réconcilier l’agriculture et l’écologie à travers un plan de relance fortement axé sur l’agroécologie - dont le nom à lui seul laisse entrevoir la possibilité d’un rapprochement. Les points d’achoppement sont encore nombreux (et parfois occultés), mais le vent semble tourner.

« L’agriculture n’est en rien opposée à l’environnement, bien au contraire, l’agriculture vit de l’environnement », a déclaré le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie lors de ses vœux à la presse le 12 janvier.

Réconcilier l’agriculture et l’écologie : « c’est toute l’ambition qui est la nôtre depuis maintenant trois ans et que nous souhaitons intensifier », a abondé Emmanuel Macron le même jour. Le chef de l’Etat, qui présidait la veille la rencontre « One planet summit » pour la biodiversité, a insisté sur ce message lors de sa visite sur une exploitation agroécologique dans l’Eure. A entendre le président, deux exemples seraient source de réconciliation : les circuits courts et l’agriculture de conservation.

Si les premiers - qui bénéficient d’un véritable intérêt de la part du gouvernement, qui a lancé sa plateforme « Frais et local » - répondent à de vraies attentes sur le plan économique et social (diversification, valeur ajoutée, reconnaissance du consommateur, lien social…), l’impact écologique est, lui, bien plus discutable. « Plus de proximité ne signifie pas nécessairement moins d’émissions de gaz à effet de serre », rappelait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dans un rapport en 2017. Tout dépend en effet des moyens de transport utilisés, de la logistique, mais surtout des pratiques agricoles. « Les modes et pratiques de production sont beaucoup plus déterminants en matière de bilan environnemental que le mode de distribution, notamment pour les fruits et légumes (culture de produits de saison) », indique l’Ademe, donnant notamment comme exemple le cas des serres chauffées.

Pour l’agriculture de conservation, le constat est inverse : si les bénéfices environnementaux sont reconnus (séquestration du carbone, réduction de l’érosion, amélioration de la rétention d’eau par le sol…), les bénéfices économiques pour les agriculteurs se font attendre. « L’agroécologie ne crée pas encore suffisamment de valeur », a reconnu le ministre de l’Agriculture lors de ses vœux. Et malgré les millions d’euros que le plan de relance veut consacrer à la transition agroécologique, un marché reste à créer. Reste aussi un point d’achoppement majeur entre agriculteurs et écologistes : les pesticides, et notamment le glyphosate, que l’agriculture de conservation entend diminuer mais pas supprimer.

Il est cependant un sujet qui semble faire consensus. Dans le plan de relance, ce sont tout de même 50 millions d’euros qui sont dédiés à la plantation de 7000 kilomètres de haies en France dans les deux ans à venir. Réserves de biodiversité, zones d’ombrage pour les animaux, sources d’énergie et désormais éligibles à la compensation carbone, les haies sont rassembleuses.

Réconcilier agriculture et écologie : vœu pieu ou révolution ? Malgré des points d’achoppement et des clivages encore marqués, le vent semble tourner. D’ailleurs, en novembre 2016 ne paraissait-il pas un livre écrit par le candidat d’alors à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron, sous le tire « Révolution » ?