Semis direct : quel impact sur le stockage de carbone ?

Selon une analyse bibliographique de l’Inrae, le semis direct permet un stockage additionnel de carbone dans l’horizon labouré, mais cet effet disparaît quand on considère l’ensemble du profil. Le non-travail a cependant d’autres atouts.

Par rapport à un travail du sol avec labour, un stockage additionnel en semis direct dans l’horizon de surface est rapporté par une majorité d’études, plutôt en climat sec. En revanche, lorsque l’ensemble du profil de sol est considéré (0-150 cm), on n’observe pas d’accroissement du stock de carbone en supprimant le labour : tel est le constat dressé dans un ouvrage co-signé par plusieurs chercheurs de l’Inrae (*).

Basé sur une analyse bibliographique, l’ouvrage décrypte le potentiel additionnel et le coût de stockage de carbone dans les sols agricoles français, en inventoriant neuf pratiques stockantes. En grandes cultures, qui concentrent 85,6% du potentiel de séquestration des sols agricoles, les pratiques les plus stockantes sont par ordre décroissant l’extension des cultures intermédiaires (41%), l’agroforesterie intraparcellaire (23%), l’insertion et l’allongement des prairies intermédiaires (17%), le semis direct se classant en quatrième position, à 14%.

direct n’induisent pas de stockage significatif, y compris dans l’horizon 0-30 cm
direct n’induisent pas de stockage significatif, y compris dans l’horizon 0-30 cm

Profondeur et climat

La séquestration du carbone en semis direct est sujette à controverse. Les auteurs s’accordent sur le fait que le stockage additionnel est moindre que ce qui avait été mis en avant il y a quelques années, du fait d’interprétations trop rapides des résultats d’essais, excluant notamment la prise en compte des variations de densité apparente.

L’effet principal du semis direct sur la teneur en carbone porte sur la couche 0-15 cm du sol. La concentration en carbone y est plus élevée en semis direct qu’en système avec labour ou travail du sol intense sans retournement. Cet effet se retrouve dans la plupart des études. En dessous de 10-15 cm, la concentration en carbone organique du sol est équivalente ou plus faible en semis direct. Dans la majorité des études, il n’y a plus de différence de concentration entre types de travail du sol au-delà de 40 cm de profondeur. Et en considérant l’ensemble du profil, (0-150 cm), il n’est pas observé d’accroissement du stock de carbone en supprimant le labour.

Très fortes variabilités

L’analyse bibliographique révèle néanmoins une très forte variabilité entre les différentes études, que les auteurs attribuent à trois facteurs, à commencer par leur caractère hétéroclite. En effet, l’épaisseur de sol considérée diffère d’une étude à l’autre et toutes ne procèdent pas à une comparaison à masse de terre égale. Les techniques de travail du sol regroupées sous le terme « non-labour » ne sont pas toujours identiques. Or aucune recherche sur l’effet du travail du sol sur le carbone du sol ne prend en compte avec précision cette diversité. La grande majorité des études s’en tiennent à une opposition simple, entre itinéraires avec labour et semis direct.

Dernier point : le stockage du carbone est un processus très dépendant de la nature des sols et du climat. Une certitude : comparés aux systèmes de travail du sol avec labour, tous les systèmes sans labour autres que le semis direct n’induisent pas de stockage significatif, y compris dans l’horizon 0-30 cm.

Avec 60 kgC/ha/an, le potentiel de stockage additionnel de carbone dans l’horizon 0-30 cm est limité, mais l’assiette est importante et le coût moyen de mise en place relativement faible (Source : Inrae)
Avec 60 kgC/ha/an, le potentiel de stockage additionnel de carbone dans l’horizon 0-30 cm est limité, mais l’assiette est importante et le coût moyen de mise en place relativement faible (Source : Inrae)

L’effet du climat

A propos du climat, plusieurs méta-analyses ne mettent pas en évidence d’effet du climat dans les comparaisons entre labour et semis direct, mais un certain nombre d’études montrent que le semis direct entraîne une augmentation du stockage de carbone en climat sec et pas de différence, voire une concentration plus faible en profondeur, en climat humide. C’est par exemple le cas en Europe, où un plus fort stockage est observé en Espagne qu’en Île-de-France (essai de Boigneville, suivi sur 40 ans) et où un déstockage peut même se produire. L’effet sur le stockage additionnel de carbone lié à la conversion au semis direct semble donc plus important en climat sec (semi-aride à aride) qu’en climat tempéré humide, où le stockage additionnel est faible, voire négatif.

Les autres atouts du non travail du sol

Indépendamment du stockage de carbone, le semis direct capitalise aussi sur les travers du travail du sol, à savoir les risques de tassement du sous-sol en cas d’opérations répétées en conditions trop humides, les phénomènes de ruissellement et d’érosion sous l’effet de l’enfouissement de la majeure partie des résidus ou encore l’appauvrissement de la faune du sol. Le semis direct est aussi plus économe en temps, en énergie fossile et en charges de mécanisation.

Le travail du sol a pour lui l’aération, favorable à la levée des cultures et au développement des racines, l’incorporation des résidus facilitant leur décomposition et l’élimination des pathogènes et enfin la destruction mécanique des adventices et l’enfouissement de la part superficielle du stock de graines.

(*) Stocker du carbone dans les sols français : quel potentiel et à quel coût ? Sylvain PellerIn, Laure Bamière, Isabelle Savini, Olivier Réchauchère - Éditions Quæ - 232 pages - 40 €