Politiques agricoles et décarbonation : les critiques et recommandations du Haut conseil pour le climat

Dans son 6ème rapport, le Haut conseil pour le climat (HCC) estime que les réponses à la crise agricole ont engendré un « recul de l’action publique climatique » et appelle à renforcer l’articulation et l’intégration des politiques agricoles, alimentaires, sanitaires, environnementales et climatiques pour une approche plus systémique, notamment via la publication et la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC).

« Malgré quelques avancées limitées sur la formation, haies ou les diagnostics, les politiques publiques des 12 derniers mois et les réponses de sortie de crise agricole marquent un recul de l’action publique climatique, elles contribuent dans l’ensemble à verrouiller la production agricole dans des modèles intensifs en émissions, plutôt qu’à protéger les agriculteurs des effets négatifs du changement climatique et à les accompagner vers des modèles et pratiques bas-carbone » : tel est le jugement porté par le Haut conseil pour le climat (HCC) sur l’action publique dans le secteur agricole en 2023.

Il figure dans son 6ème rapport publié le 20 juin, et qui globalement délivre un satisfecit à la trajectoire climatique. « L’accélération de la baisse en 2022 et en 2023 met la France dans des dispositions favorables pour atteindre ses objectifs 2030, à condition de maintenir les efforts de décarbonation dans la durée », lit-on dans le rapport.

Selon le Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), l’organisme en charge de l’inventaire, tous secteurs émetteurs confondus, les émissions de Gaz à effet de serre (GES) sont passées de 396 Mt CO2e en 2022 à 373 Mt CO2e en 2023, soit une baisse de 5,8%. Les émissions du secteur agricole ont quant à elles baissé de 1,6% et sont aussi en phase avec les objectifs qui lui sont assignés.

Pour le HCC, le compte n’y est pas tout à fait. Il pointe notamment « un manque d’intégration et d’articulation avec les politiques alimentaires, sanitaires, environnementales et climatiques, limitant la décarbonation et l’adaptation du secteur ».

Adieu la SNANC et le PLOA ?

Le HCC fait de la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) la clé de voute de la l’action publique agricole et climatique. Problème : la SNANC, qui aurait dû être mise en œuvre le 1er juillet 2023, se fait toujours attendre. Un an, une dissolution et un épais brouillard plus tard, le projet est plus que jamais en ballotage, comme la loi d’orientation agricole, sur laquelle misait aussi le HCC pour donner une « vision » et une « visibilité » aux acteurs en matière de transition agroécologique, de décarbonation et d’adaptation au changement climatique.

Les 10 recommandations du HCC

Pour ce qui est de l’agriculture, le HCC formule 10 recommandations pour « tenir le cap de la décarbonation et protéger la population » :

- renforcer l’articulation et l’intégration des politiques agricoles, alimentaires, sanitaires, environnementales et climatiques pour une approche plus systémique, notamment via la publication et la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC)

- mobiliser la loi d’orientation agricole pour définir une vision des modèles et pratiques agricoles souhaitables, afin de donner une visibilité de long terme et des orientations claires à tous les acteurs du système alimentaire.

- conditionner les aides à l’installation à l’adoption de pratiques bas-carbone et adaptées au changement climatique et inclure dans la loi des dispositions d’évaluation de ses effets en termes d’adaptation et d’atténuation

- réviser le Plan stratégique national (PSN) pour renforcer son ambition climatique en intégrant des objectifs climatiques chiffrés d’atténuation et d’adaptation, réorientant les financements pour augmenter les budgets dédiés aux mesures les plus favorables au climat et renforçant les exigences des standards de conditionnalité et des interventions, en s’assurant de ne pas réduire l’ambition des dispositifs existants y compris de gestion d’urgence

- évaluer, qualitativement et quantitativement, l’impact du Plan de reconquête de la souveraineté de l’élevage, en particulier les objectifs chiffrés de production une fois définis, sur les émissions territoriales de gaz à effet de serre, l’empreinte carbone et la vulnérabilité de l’élevage au changement climatique

- orienter prioritairement le soutien à l’élevage vers les systèmes herbagers, de polyculture-élevage et agroécologiques qui sont bénéfiques pour le stockage de carbone, la conservation des sols et des ressources en eau, la préservation de la biodiversité, le bien-être animal et l’adaptation au changement climatique, et qui font face à des difficultés économiques importantes

- maîtriser la consommation de Gazole non routier pour les activités agricoles et forestières dans le respect des principes de transition juste, notamment en réexaminant les modalités d’augmentation de la taxe d’accise sur le GNR et de redistribution de son produit au bénéfice des exploitations les plus vulnérables

- mobiliser la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) pour faire évoluer les pratiques de la transformation et de la distribution, améliorer l’offre alimentaire et l’accessibilité des produits sains et bas-carbone pour tous, notamment pour encourager l’augmentation de la part de produits végétaux dans l’alimentation et rendre la gouvernance des systèmes alimentaires plus inclusive

- rendre effectif l’affichage environnemental sur les produits alimentaires

- renforcer les lois Egalim et leur mise en œuvre effective pour rééquilibrer le rapport de force entre les producteurs agricoles et les autres acteurs des filières alimentaires, et ainsi revaloriser leur revenu