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Un Programme d’actions national nitrates sans ambition, selon l’Autorité environnementale
L’Autorité environnementale juge sévèrement le projet de 7ème Programme d’actions national (PAN) visant à réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole sur la période 2022-2026. Deux autres instances gouvernementales n’avaient pas ménagé leurs critiques avant elle.
« L’efficacité des précédents programmes d’action n’est ni évaluée ni démontrée. Les progrès sont limités, sans pouvoir les attribuer à ces programmes. Le projet en reste à des évolutions mineures, peu susceptibles de permettre l’atteinte du bon état des eaux. Certaines mesures sont constitutives d’un risque de recul environnemental. L’AE considère qu’il est impératif de relever significativement les ambitions du PAN. le programme devient plus complexe à mettre en œuvre, à contrôler, à suivre et son efficience encore plus difficile à apprécier ». Tel est le jugement porté par de l’Autorité environnementale (AE) sur le projet de 7ème Programme d’actions national (PAN), qui couvrira la période 2022-2026.
Directive nitrates
Adoptée en 1991, la directive 91/676/CEE, dite directive « nitrates », vise à réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole, problématique pour la santé humaine et pour les écosystèmes aquatiques (eutrophisation). Elle contraint les Etats membres à surveiller la concentration en nitrates des eaux, à définir des zones vulnérables et un code de bonnes pratiques pour la gestion de l’azote, à établir un programme d’actions d’application obligatoire dans les zones vulnérables, avec un principe de révision quadriennale.
Parmi les mesures devant être obligatoirement reprises dans les programmes d’actions figurent l’interdiction d’épandage des fertilisants pendant les périodes à risque pour la qualité de l’eau, la contenance des ouvrages de stockage des effluents d’élevage, la limitation de l’épandage des fertilisants (en fonction des conditions et fondée sur un équilibre entre les besoins des cultures et les apports par le sol) et enfin un plafond d’épandage de 170 kg/ha/an d’azote issu des effluents des animaux.
En France, les zones vulnérables (communes où la teneur en nitrates est supérieure à 18mg/l dans les eaux de surface ou à 50mg/l dans les eaux souterraines, ou entre 40 mg/l et 50mg/l sans tendance à la baisse dans les eaux souterraines) couvrent 68% de la surface agricole, et concernent 62% des exploitations agricoles. Ces zonages sont révisés tous les 4 ans, pour prendre en compte l’évolution des concentrations mesurées par une campagne de surveillance dédiée. C’est l’objet du 7ème Programme d’actions national (PAN), complété dans chaque région par un Programme d’actions régional (PAR) destiné à renforcer et compléter les mesures du PAN dans les zones vulnérables en fonction de spécificités locales. Depuis 1997, date du premier PAN, les différents indicateurs (teneurs maximales, proportion de stations de pompage affichant des concentrations à la baisse ou à la hausse...) font état d’une stabilité globale de la situation.
Le CGAAER et le CGEDD sur la même ligne
Avant l’avis de l’Autorité environnementale, les ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement avaient demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) d’une part d’évaluer la mise en œuvre de certaines mesures du PAN et des PAR (conditions de stockage des effluents d’élevage, couverture végétale des sols en automne et hiver, dérogations préfectorales) et d’autre part d’identifier les autres facteurs significatifs et conditions de mise en œuvre affectant négativement l’efficacité des programmes d’actions.
Leur constat était sans appel. « Malgré près de vingt-cinq années de programmes d’actions nitrates, les résultats en termes de teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines restent très loin des objectifs et semblent ne plus s’améliorer », constataient-ils dans un rapport publié début 2021. A cette inefficacité s’ajoutait une perte de sens et un déficit d’appropriation des objectifs de la directive « nitrates » par les acteurs. Le CGAAER et CDEGG recommandaient d’améliorer le système de vérification des infrastructures de stockage des effluents d’élevage et de détection des incidents, considéré comme déficient, de rendre plus efficace le déploiement des Cipan, d’améliorer la mise en oeuvre des dérogations préfectorales, de renforcer le cadre général des contrôles et enfin de mettre en place un site national de références pour la diffusion de l’information sur les teneurs en nitrates des eaux.
Une loi Climat plus coercitive
L’Autorité environnementale réclame de son côté la mise sur pied d’une véritable stratégie de long terme, assortie d’indicateurs de suivi et non déconnectée de l’ensemble des politiques publiques, dont la Pac. A cet égard, la loi Climat pourrait quelque peu modifier la donne en tapant au portefeuille, avec la mise en place à moyen terme d’une redevance sur les engrais azotés si la trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac dévie des 13% et 15% qui leur ont été assignés à l’horizon 2030, sous réserve qu’elle n’entame ni la viabilité, ni la compétitivité des exploitations.