Un rapport sénatorial égratigne la loi Egalim 2

Si la loi est efficace pour soutenir le revenu des agriculteurs, l’intervention du tiers du confiance est jugée trop tardive et la clause de révision automatique des prix trop peu encadrée. Le rapport exonère les industriels et les distributeurs de tout effet d’aubaine dans le contexte inflationniste actuel. A quelques exceptions près.

« Il ne semble pas y avoir de phénomène massif de « hausses suspectes », comme avancé dans le débat public » : telle est l’une des conclusions d’un rapport d’information publié le 19 juillet par la Commission des affaires économiques du Sénat. La Haute assemblée s’est livrée à un enquête destinée à décrypter les mécanismes de l’inflation observée sur les produits alimentaires, pointée à +5,8% sur un an en juin par l’Insee et promise à culminer entre 6,5% et 7% d’ici à la fin de l’année. Les sénateurs ont constaté, lors de leurs travaux sur les négociations commerciales, que « l’essentiel des augmentations demandées était bien en lien avec la hausse des coûts de production ».

Chantage à la rupture d’approvisionnement

Des pratiques « contestables » de la part de certains distributeurs et industriels ont néanmoins été mises au jour par le groupe de suivi, comme le chantage à la rupture de stock ou le fait d’augmenter les prix dans les rayons sans même que le tarif d’achat ait augmenté. Parmi les relevés de prix atypiques figurent par exemple des hausses de tarifs sur l’eau minérale allant de +8% à +22% selon les fournisseurs, ou de +3% à +15% pour les glaces.

Ce constat vaut au plan national, car à l’international, le groupe de suivi estime « possible que certains acteurs financiers aient profité de la situation pour augmenter leurs achats de céréales et autres matières premières, en vue de réaliser une plus-value à la revente, et accentuant ce faisant la hausse des cours. Cela milite pour une action internationale plus ferme en faveur d’une limitation des mouvements purement spéculatifs sur les marchés de matières agricoles », estiment les sénateurs.

Les lacunes de la loi Egalim 2

Le rapport souligne l’efficacité de la loi à sanctuariser le prix des matières premières agricoles (MPA) et par voie de fait le revenu agricole, tout en dénonçant un effet collatéral sur les matières premières industrielles (énergie, transport, emballages), à la négociation plus « âpre ». Les sénateurs n’épargnent pas totalement la loi Egalim 2, avec un déplacement des tensions sur le front des pénalités logistiques, dont l'application « n'a quasiment pas faibli malgré le contexte actuel qui désorganise les chaînes de production et fragilise l'approvisionnement ». Selon le rapport, elle aurait même augmenté en janvier et février 2022 pour près de la moitié des industriels interrogés par le groupe de suivi. Il faut dire que le décret a été publié seulement le 11 juillet dernier.

Le rapport pointe également l’intervention trop tardive du tiers de confiance (commissaire aux comptes) certifiant que la négociation n’a pas porté sur la part non négociable des matières premières agricoles, une option (n°3) plébiscitée à 80% parmi les trois proposées. Les sénateurs s’interrogent au passage sur l’utilité de l’option n°2, qui permet au fournisseur de ne communiquer dans ses CGV que la part agrégée que représentent les MPA dans son tarif fournisseur, par opposition à l'option n°1 qui prévoit le détail MPA par MPA.

Un indicateur de suivi qui fait défaut

Autre grief : le manque d’encadrement des clauses de révision des prix, avec des délais de mise en œuvre de 9 mois, des seuils de déclenchement à partir de 30% ou 50% et ne s’appliquant qu’à une seule matière première. La charte d’engagement, mise en place le 18 mars 2022 suite à la guerre en Ukraine, est jugée faible, notamment parce que non contraignante. Les sénateurs tâclent également le comité de suivi des relations commerciales, dont « l’utilité est loin d'être évidente puisqu'aucune décision n'y est actée et qu'il ne semble pas être donné suite aux différentes demandes des acteurs » .Le rapport prône enfin la mise en place d’un tableau de bord de l'avancée des différentes négociations et renégociations par enseigne de distribution, distinguant les marques nationales des MDD, ainsi que les PME des grandes entreprises.