Les mesures protectionnistes de Trump : pourraient-elles provoquer un stockage massif des céréales ?

[Edito] La planète agricole retient son souffle. Les nouvelles mesures protectionnistes annoncées par Donald Trump hier, visant à taxer massivement les importations, pourraient-elles bouleverser le marché mondial des céréales ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité que les stocks mondiaux sont au plus bas et que les tensions géopolitiques exacerbent l'incertitude. Une course au stockage serait-elle possible ?

Depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump n'a cessé de dénoncer les pratiques commerciales qu'il juge déloyales, - "nous sommes la tirelire dans laquelle tout le monde vole, depuis des années, des décennies ", et prône un retour au protectionnisme. Sa volonté de "rendre toute sa grandeur à l'Amérique" se traduit par des mesures protectionnistes, et le "Made in America". Et tant pis si ses revirements incessants augmentent la crainte des marchés. Tant pis si ça peut encourager des pays à adopter des stratégies défensives. Pour l’instant, aucun détail n’a été donné pour les céréales, mais les investisseurs restent craintifs et les cours font les montagnes russes.  

Des stocks mondiaux sous tension

Sa politique « America first », imposer des taxes pour réduire la dépendance aux produits étrangers et stimuler la production nationale, n'est pas sans inconvénients, du moins pour le marché des céréales. Aux États-Unis, malgré une réduction des surfaces cultivées de 1,6 %, la production est attendue à 50,5 millions de tonnes de blé, contre 49,3 millions en 2023-2024. Si cette dynamique se confirme, les stocks américains pourraient augmenter, renforçant ainsi la position du pays sur les marchés internationaux.

Dans ce contexte déjà incertain, la situation des stocks mondiaux de céréales est particulièrement préoccupante. Selon les dernières données du Conseil international des céréales (CIC), les stocks sont en repli pour la cinquième année consécutive, atteignant un niveau bas de 589 millions de tonnes. Cette faiblesse structurelle rend le marché extrêmement vulnérable aux chocs climatiques, politiques ou économiques.

Face à cette situation, plusieurs pays ont opté pour une stratégie de stockage. L’Egypte, premier importateur mondial de blé, a récemment annoncé son intention d’augmenter ses capacités de stockage de 30 % d’ici 2027, tandis que l’Algérie ambitionne de tripler ses capacités à 9 millions de tonnes. Sans oublier la Chine ! Bien qu’elle achète massivement – selon les campagnes – depuis plusieurs années déjà, elle est championne du monde des réserves (plus de 140 millions de tonnes). Et fidèle au secret, elle ne communique pas sur ses chiffres réels. En tout cas, grâce à ses capacités de stockage, elle exerce une pression non négligeable sur les cours.

L'Europe sur la corde raide

L'Union européenne, fortement dépendante des importations de maïs américain, se trouve dans une position délicate. La menace de contre-tarifs sur les produits américains plane, mais une guerre commerciale ouverte serait désastreuse pour l'économie européenne. Bien qu'aucune proposition officielle n'ait été faite concernant un stock tampon à Bruxelles, l'idée pourrait émerger face à ce dilemme. Cependant, le coût élevé et les potentielles distorsions de marché qu'un tel stock pourrait engendrer suscitent des réserves. À grande échelle, une accumulation excessive de stocks pourrait également entraîner des distorsions de prix au détriment des agriculteurs.

Vers un nouveau paradigme ? 

La quête de souveraineté alimentaire, considérée comme marginale il y a quelques années, est désormais devenue un enjeu central. Les stocks céréaliers offrent des avantages stratégiques indéniables : ils permettent aux pays exportateurs d’exercer un pouvoir significatif sur les prix mondiaux et protègent contre les fluctuations brutales des cours en cas de crise. 

Pour l’instant, il n’y a pas de tendance flagrante à la hausse de stocks de céréales, excepté dans certains pays. Cependant, les volontés protectionnistes qui se propagent à l’échelle du globe, rendent tout à fait plausible une hausse des stocks céréaliers pour se prémunir des tensions géopolitiques et des aléas climatiques de plus en plus fréquents. Faut-il craindre une course aux stocks généralisée ? Non, mais la vigilance reste de mise.