Volumes, prix, investissements, emploi, subventions … : un demi-siècle d’économie agricole vu par l’Insee

A 40 ans d’intervalle, l’Insee a comparé « l’écographie » de la France agricole, actant la céréalisation et la décapitalisation bovine de l’Hexagone. Mais le prix de la viande, toutes espèces confondues, s’est bien davantage revalorisé que celui des céréales et oléagineux.

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a comparé les comptes de l’agriculture des périodes 1980-1984 et 2020-2024. Premiers constats : la production a progressé de 22,6% en volume et de 61,1% en valeur. Les productions végétales ont augmenté de 36,0% en volume et de 53,9% en valeur, pour représenter 55,3% de la production totale agricole en 2020-2024 contre 52,2% en 1980-1984. A l’inverse, les productions animales ont baissé de 2,8% en volume mais augmenté de 69,6% en valeur.

Elevage en baisse, productions végétales et prestations en hausse

Sur la période 1980-1984, les productions animales représentaient 42,8% de la valeur de la production au prix de base. Quarante ans plus tard, sur 2020-2024, leur part n’était plus que de 35,7 %. La part des productions végétales, de 52,2 % en 1980-1984, s’est élevée à 55,3 % en 2020-2024. La part des services agricoles, essentiellement les travaux agricoles, a plus que doublé sur l’ensemble de la période, passant de 3,2 % à 7,2 % (encadré 2). La production des jardins familiaux, qui recouvre la production par les ménages non agriculteurs en fruits, légumes, pommes de terre et œufs, est restée stable, à 1,8 % de la valeur de la production.

Productions végétales : grains en forte hausse, fruits et légumes stables

Entre les périodes 1980-1984 et 2020-2024, la surface cultivée en céréales a reculé de 7,5%, passant de 9,6Mha à 8,9Mha tandis que celle des oléagineux est passée de 0,5Mha à 2,2Mha.

Entre les périodes 1980-1984 et 2020-2024, les productions de céréales, d’oléagineux, de plantes industrielles (betterave, canne à sucre, tabac, lin textile, houblon…) et de pommes de terre ont augmenté respectivement de 40,9%, 260,6%, 86,0% et 69,7%. Les productions de fruits et de légumes sont restées stables, à respectivement +0,3% et -0,7%. La production de vin a augmenté de 18,0%.

Evolution en volume et évolution des prix de la production végétale de 1980 à 2024, par produit, au prix de base (Source : Insee)
Evolution en volume et évolution des prix de la production végétale de 1980 à 2024, par produit, au prix de base (Source : Insee)

Productions animales : bovins en forte baisse, lait stable, volaille, œufs et porc en hausse

La production animale a baissé en volume de 2,8 % entre 1980-1984 et 2020-2024, sous l’effet du recul de l’élevage bovin (-19,9% pour les gros bovins, -52,2 % pour les veaux). Le cheptel bovin, qui s’élevait à 23,4 millions de têtes en 1980-1984, est passé à 17,0 millions en 2020-2024.

Le nombre de vaches laitières est passé dans le même temps de 7,1 millions à 3,3 millions, mais la sélection des animaux, leur spécialisation laitière et l’enrichissement de leur alimentation ont permis une forte hausse des rendements. La production de lait s’établit à 23,3 millions de litres par an en 2020-2024 contre 24,6 millions en 1980-1984.

Entre les périodes 1980-1984 et 2020-2024, les productions de volaille, d’œufs et de porc ont augmenté respectivement de 53,7%, 17,8% et 47,4%. La production d’ovins et caprins a chuté de moitié (-49,8%).

Prix des produits végétaux : +53,9% mais les céréales à +10,9% seulement

Entre les périodes 1980-1984 et 2020-2024, le prix des céréales ne s’est apprécié que de 10,9% et celui des oléagineux de 9,4%. Les céréales ne représentent plus que 14,3 % de la production agricole en valeur, contre 18,0 % quarante ans plus tôt. La plus forte hausse est à mettre au crédit du vin (+187,7%) sous l’effet de la montée en gamme, la part des vins d’appellation passant de 32,6% à 56,0% de la superficie et de 25,6% à 43,1% des volumes. La part du vin dans la production agricole totale est ainsi passé de 8,6% à 14,7%. Parmi les autres hausses de prix notables figurent fruits (+131,3%), les légumes (+89,7%), les fourrages (+67,9%), les plantes industrielles (+25,0%).

Evolution en volume et évolution des prix de la production animale de 1980 à 2024, par produit, au prix de base (Source : Insee)
Evolution en volume et évolution des prix de la production animale de 1980 à 2024, par produit, au prix de base (Source : Insee)

Prix des produits animaux : + 69,6 % sous l’effet de hausses récentes

Dans ce contexte de tension sur l’offre et d’une demande croissante au niveau mondial, les prix des produits animaux ont augmenté de 69,6 % entre 1980-1984 et 2020-2024. La hausse a atteint 23,1 % pour la seule année 2022.

Sur l’ensemble de la période, le prix des porcins augmente de 16,0% et celui des volailles de 40,1%. Les produits de l’élevage bovin se renchérissent davantage : +73,3% pour les veaux, + 87,0% pour les bovins, +85,8% pour le lait. Le prix des œufs fait plus que doubler (+109,0 %), sous l’effet d’une hausse exceptionnelle en 2022 (+70,0 %). Celui des ovins et caprins s’élève continûment, de 109,7 % au total.

Consommations intermédiaires : le boom des prestations de travaux

La part des services de travaux agricoles a pratiquement doublé, passant de 6,0 % en 1980-1984 à 11,6 % en 2020-2024.

L’entretien du matériel est le deuxième poste qui s’accroît le plus, passant de 7,2 % à 10,4 % des dépenses, tiré par le renchérissement continu de son prix.

Les aliments pour animaux restent le premier poste, mais leur part a reculé, de 39,0% à 31,8%, sous l’effet de la baisse du cheptel.  Le volume des dépenses vétérinaires régresse lui aussi depuis la fin des années 2000.

La part des engrais est passée de 12,6% à 7,9%, et ce en dépit de la hausse exceptionnelle de leur prix en 2022 (+82,1%).

Si les volumes d’engrais ont baissé de 48,7% au cours des quatre décennies passées, les produits de protection des cultures sont, après les services, le poste le plus dynamique en volume (+59,1%). Les dépenses énergétiques ont reflué en volume (-3,6 %), mais leur prix s’est fortement renchéri en 2021 (+18,3 %) et 2022 (+41,5%). Leur poids s’est donc alourdi, passant de 8,1% des consommations intermédiaires en 1980-1984 à 9,3% en 2020-2024.

Emploi : chute de 63,8%, au détriment des non salariés

En 1980-1984, l’agriculture mobilisait 1,99 million d’équivalents temps plein (ETP) dont 81,9% d’emploi non salarié. En 2020-2024, le nombre d’ETP s’élevait à 721.500, dont 55,3% d’emploi non salarié. Ainsi, entre les périodes 1980-1984 et 2020-2024, le nombre d’ETP a baissé de 63,8%, affectant très majoritairement l’emploi non salarié, en baisse de 75,6% quand l’emploi salarié baissait de 8,9%.

Investissement : recours accru au capital

Depuis 1980, le taux d’investissement (part de la valeur ajoutée consacrée aux investissements) qui était de 21,6% en 1980-1984 s’est élevé, particulièrement à partir de la seconde moitié des années 2000, et atteint 30,4 % en 2020-2024. Sur ces cinq dernières années, l’investissement est consacré à 53,6% à l’achat de machines agricoles, 21,2% de bâtiments, 12,0% d’autres équipements, 8,8% de produits agricoles et 4,5% de services professionnels (pour la plupart liés aux transferts de terrains). Du fait de l’usure du matériel, la consommation de capital fixe est également élevée et suit les cycles de l’investissement. Son taux qui était de 18,6% en 1980-1984 est passé à 27,8% en 2020-2024.

Subventions : de 4,0% à 10,2%

En 2020-2024, la part des subventions dans le chiffre d’affaires de l’agriculture s’élève à 10,2 %. Elle était de 4,0% en 1980-1984, période où le soutien à l’agriculture s’effectuait essentiellement au moyen de prix garantis. En 1992, une première réforme de la politique agricole commune (PAC) a remplacé les prix garantis par des subventions, aussi celles-ci ont triplé entre 1991 et 1994. De 1992 à 2005, les subventions étaient composées pour 74,2 % de leurs montants par des subventions aux produits, et pour 25,8 % par des subventions d’exploitation. À compter de 2006, une nouvelle réforme a été mise en œuvre pour découpler les aides de la production. Ainsi, de 2006 à 2024, les subventions aux produits ne représentent plus que 15,2 % des montants, contre 84,8 % pour les subventions d’exploitation.

Indicateurs par actif en termes réels de 1980 à 2024, base 100 en 1980 (Source : Insee)
Indicateurs par actif en termes réels de 1980 à 2024, base 100 en 1980 (Source : Insee)

Valeur ajoutée brute : 60.600 euros par actif

Entre 1980-1984 et 2020-2024, la production au prix de base en valeur a augmenté de 97,1%, moins rapidement que les consommations intermédiaires (+125,3%). La valeur ajoutée brute s’est accrue de 66,3% et, en prenant en compte les subventions d’exploitation et les impôts à la production, la valeur ajoutée brute au coût des facteurs (VABCF) a progressé de 92,0%. En 2020-2024, la VABCF annuelle par actif s’élève à 60.600 euros.