Zéro soja déforestant : le SNIA aligné sur l’UE, à une réserve près

L’Union européenne va proscrire l’importation de produits tels que le bétail, le soja ou encore l’huile de palme dont la production sera issue de terres déforestées après le 31 décembre 2020. Le Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale salue l’initiative mais regrette que les viandes blanches importées et porteuses de risques de déforestation passent sous les radars... en l’état actuel du projet de loi.

Le bétail, le cacao, le café, l'huile de palme, le soja, le caoutchouc, le bois et ses produits dérivés que sont le charbon de bois et les produits en papier imprimé : tels sont les produits qui, authentifiés comme provenant de terres déforestées ou dégradées après le 31 décembre 2020, ne franchiront plus les frontières de l’Union européenne. C’est ce qu’ont convenu le Conseil de l’UE et le Parlement européen le 6 décembre. La mesure était inscrite dans le Pacte vert énoncé par la Commission européenne en décembre 2019. Elle devrait être effective au cours du second trimestre 2024, le projet de loi prévoyant un délai de 18 mois entre la publication du texte et son entrée en application.

Les fabricants d’aliment dans les starting-blocks

S’agissant du soja, il se trouve que la très grande majorité des fabricants français d’aliments, représentatifs de 85% de l’ensemble de la production, se sont engagés à garantir, au plus tard le 1er janvier 2025, l’incorporation de soja non issu de la déforestation et de la conversion d’écosystèmes. Les échéances concordent donc. Cet engagement est formalisé dans un manifeste signé par 59 entreprises privées et coopératives du secteur, la plateforme Duralim assurant le suivi de sa mise en œuvre, à travers un observatoire du risque de déforestation. « Notre secteur a toujours considéré que pour peser sur cet enjeu qu’il fait sien, il fallait agir massivement à une échelle la plus large possible, déclare Stéphane Radet, directeur du Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (SNIA). La future loi va avoir pour effet d’envoyer un signal aux bassins de production et aux producteurs, en Amérique du Sud mais pas seulement. Elle va aussi permettre d’éviter l’écueil d’une distorsion de concurrence intra-communautaire ».

Au niveau européen, il se trouve que les fabricants étaient sur la même longueur d’onde, la Fédération européenne des fabricants d’aliments composés (Fefac) ayant établi des lignes directrices en matière de durabilité. Le SNIA attend cependant la publication officielle du texte de loi pour jauger ses propres engagements à l’aune de ceux de l’UE. « L’uniformité de l’application des règles au sein de tous les pays de l’UE sera un point de vigilance », indique Stéphane Radet.

Le cheval de Troie des viandes blanches

Si tous les fabricants européens seront logés à la même enseigne, il n’empêche que le cavalier seul de l’UE en matière de lutte contre la déforestation importée va générer une distorsion avec ses compétiteurs extérieurs. Les procédures de certification du soja non déforestant génèrent en effet des surcoûts que la plateforme Duralim avaient jaugés, en 2021, dans une fourchette comprise entre 20 et 70 millions d’euros, à répercuter sur le prix de l’aliment. Mais le principal risque de distorsion se situe sans doute ailleurs, à savoir dans l’importation de viandes potentiellement produites avec des aliments déforestants. Là encore, le SNIA attend le futur texte de loi pour cerner son périmètre d’application, s’agissant des espèces animales concernées.

Le Parlement européen évoque le « bétail », sous-entendant les ruminants, excluant donc les viandes de volaille et de porc. « C’est une déception, concède Stéphane Radet. Si les viandes blanches ne sont pas inclues dans la future loi, on adresse un mauvais signal aux marchés mondiaux quant aux enjeux de la déforestation importée. On court aussi le risque d’affaiblir un peu plus notre élevage du fait des coûts induits. Renchérir une production locale et durable au bénéfice de produits à moindre coût et déforestants, c’est marcher à l’envers ».

Une clause de revoyure

L’accord conclu entre le Conseil de l’UE et le Parlement européen prévoit la possibilité de réexaminer, au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du texte, l'extension de son champ d'application à d'autres écosystèmes et d’autres produits de base. La question des viandes blanches pourrait ainsi être remise sur la table. Les associations environnementales misent également sur cette clause de revoyure pour intégrer des écosystèmes telles que les savanes du Cerrado au Brésil, qui concentrent, avec l’Amazonie, une bonne part du soja déforestant et qui sont a priori exclues du périmètre du futur texte.