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Vendredi 21/11/2025

Déforestation : les contradictions de la politique européenne

[Edito] Alors que la COP30 s’achève aujourd’hui aux portes de l'Amazonie, l'Union européenne repousse à nouveau son règlement contre la déforestation importée. Entre engagements volontaires des filières agricoles et négociations commerciales contradictoires avec le Mercosur, la lutte contre la déforestation ressemble de plus en plus à un éternel recommencement.

Depuis une dizaine d’années, l’Amazonie n’est plus considérée comme le « poumon de la planète ». A force de déforestation et d’incendies, elle émet désormais plus de carbone qu’elle n’en capte. Ainsi, le choix de la ville brésilienne de Belem, aux portes de la forêt amazonienne, d’accueillir la 30e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP30), était hautement symbolique.

Hautement symbolique aussi, la décision des pays membres de l’Union européenne, en pleine COP30, de reporter l’application du règlement contre la déforestation importée (RDUE). Adopté en 2023, celui-ci vise à interdire la mise sur le marché ou l’exportation depuis le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts après le 31 décembre 2020. Initialement destinée à entrer en vigueur fin 2024, sa mise en œuvre est désormais reportée au 1er janvier 2027.

L’UE, via ses importations de produits « exotiques » (café, cacao, soja, huile de palme…) serait responsable de près de 20% de la déforestation tropicale mondiale. De son côté, la France importe bon an mal an 3 millions de tonnes de soja, en grande majorité du Brésil. Selon une étude d’Envol Vert, publiée mi-novembre, les importations françaises de soja auraient entraîné depuis 2008 la déforestation de plus de 980 000 hectares de forêt, principalement en Amérique du Sud.

La France a été le premier pays au monde à adopter en 2018 une Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). Elle vise à mettre fin d’ici 2030 à l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables contribuant à la déforestation.

Le secteur français de l’alimentation animale n’a pas attendu les obligations réglementaires pour se fixer des objectifs volontaires en la matière, en particulier avec la charte Duralim dès 2018 puis le manifeste « Zéro déforestation importée » signé en 2022. En 2024, les entreprises signataires du manifeste utilisaient déjà plus de 80% de soja avec des garanties de non-déforestation.

Bien que pleinement engagé dans l’objectif d’atteindre 100% d’approvisionnements garantis sans déforestation, le syndicat français des industriels de la nutrition animale (Snia) s’est néanmoins positionné pour le report du règlement européen contre la déforestation importée.

Pour les professionnels, l’enjeu du RDUE réside moins dans la crainte d’une raréfaction de l’offre en soja que dans les surcoûts générés par la traçabilité et la certification. Selon une étude de Sofiproteol, seul 2% du soja sud-américain serait considéré comme déforestant au regard du référentiel actuel du RDUE. En revanche, les surcoûts pour les acheteurs européens pourraient s’élever entre 30 et 50 dollars par tonne de tourteaux, alors que les prix se sont envolés ces dernières semaines. De son côté, la FEFAC (fédération européenne des fabricants d’aliments) estime que ces perturbations pourraient générer jusqu’à 1,5 milliard d’euros de coûts additionnels pour le secteur de l’élevage européen.

Reste que, malgré les initiatives privées et les stratégies nationales ou européennes mises en œuvre pour lutter contre la déforestation, certaines décisions politiques viennent à l’inverse détricoter l’ouvrage. Le cas le plus emblématique est celui de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, dont l’issue se rapproche inexorablement et qui, via l’importation de viande de bœuf, risque d’accentuer la déforestation en Amérique du Sud.

S'exprimant depuis Belem, au Brésil, où avait lieu un sommet de dirigeants quelques jours avant le début officiel de la COP30, Emmanuel Macron s’était dit « plutôt positif » sur la possibilité d'accepter l'accord avec le Mercosur. Des paroles hautement symboliques.