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A la coop bio Uni-Vert (Gard), les valeurs sauvent (en partie) la valeur
[medFEL 2024] Spécialisée en fruits et légumes, la coopérative bio résiste à la crise de la bio et installe des jeunes, en misant sur la technicité mais aussi sur les valeurs coopératives, telles que l’apport total, et éthiques, avec le label Bio Equitable en France.
« Chez Uni-Vert, on n’a pas de déconversion et les exploitations sont systémiquement reprises et maintenues en bio ». En voilà une affirmation un tant soit peu anachronique, dans une époque qui mène la vie dure à l’agriculture biologique. Elle est « signée » Bertrand Feraut, président de la coopérative « biopaysanne » Univert-Vert, basée à Saint-Gilles (Gard).
Créée en 1961, la Coop réalise un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros, dont 55% en fruits (agrumes, cerises, abricots, poires, pommes, raisin de table, kiwi...) et 45 en en légumes (produits feuille, tomates, courgettes...). Elle compte 52 producteurs parmi lesquels des arboriculteurs corses produisant notamment des agrumes, ce qui fait d’Uni-vert le plus gros faiseur d’agrumes bio en France. « On a une liste d’attente de producteurs souhaitant adhérer, déclare Nordine Arfaoui, directeur de la coopérative. Mais la condition, c’est l’apport total, 100% ». Le respect de ce principe permet à la coopérative de planifier, « collégialement » et « collectivement » les plans de production et de commercialisation.
L’export et la GMS constituent les deux principaux canaux de vente. « En 1988, quand les premiers producteurs se sont convertis à la bio, tout partait en Allemagne, confrontée alors aux pluies acides, développant une forte conscience écologique ». La crise de la vache folle, et plus récemment le Covid donneront un coup de fouet à l’activité, 100% en agriculture biologique depuis 1991. « Pendant le Covid, on ne pouvait fournir que 35% de la demande. Mais 18 mois plus tard, on a connu cette inflation catastrophique », analyse Bertrand Feraut.
La coop et ses adhérents font le dos rond. « La première vague du plan d’aide à la bio, un seul de nos adhérents y a été éligible, en revanche sur le deuxième vague, plusieurs devraient être concernés », concède le président. « Il y 10 ans, on pouvait manquer une culture, aujourd’hui, si tu manques, tu ne passes plus, elle est là la différence », renchérit Nordine Arfaoui, pour qui le salut passe par la technicité. La coopérative ne jette pas la pierre à la grande distribution.
La coop est sociétaire de Biocoop depuis 2017.« La GMS, qui était venue nous chercher au moment du boom de la bio, ne nous a pas laissé tomber », poursuit le directeur. En revanche, les dirigeants de la coop s’inquiètent du désengagement des semenciers. « On est face à des impasses variétales. Aujourd’hui, en courgette, on ne peut compter que sur une seule variété. Si elle lâche, il n’y a plus de courgette bio », déclare Nordine Arfaoui, qui blâme les stratégies opportunistes de certains fournisseurs.
Outre un magasin de producteurs et quelques grossistes, Uni-Vert voit ses débouchés croître dans la restauration collective, citant notamment la ville de Nîmes, la capitale gardoise. « On peut faire Egalim 5, 6, 7, si on ne respecte pas la loi, cela ne sert à rien », se désole Bertrand Feraut. La coop, qui a aussi les faveurs de la région Occitanie pour co-financer ses investissements, impose à chacun de ses adhérents trois visites annuelles dans des écoles. « Le futur consommateur est à l’école et cette exigence fait partie intégrante de notre projet social », justifie Nordine Arfaoui. La coopérative est depuis 2020 engagée dans la démarche Bio Equitable en France, qui interdit par exemple l’emploi de travailleurs détachés. Tous les salariés, de la coop et des adhérents, sont payés en France selon le droit français et la priorité est donnée aux emplois permanents.
Parmi les défis quotidiens l’adaptation au changement climatique. « Le monde paysan s’est toujours adapté, mais avec le changement climatique, on risque de se faire dépasser », redoute le directeur. La coopérative pousse la production d’avocat en Corse et de légumineuses, telles que lentilles et pois chiche, sur le plateau des Costières, son territoire gardois. « On a la chance d’avoir de l’eau, celle du Rhône mais aussi des nappes. En cas de gros orage sur les Cévennes, même sans pluie chez nous, les nappes remontent. Ce que l’on vit depuis deux ou trois ans au niveau climatique, ça va être la norme. Ca va être dur d’installer des jeunes, mais si l’économie est bonne, ça passera un peu mieux », devise Bertrand Feraut.
Sur le dossier installation, Uni-Vert passe des conventions avec la Safer et fait parfois du portage foncier en achetant les terres, avant de les rétrocéder aux jeunes installés, moyennant des reports d’annuités négociés avec le Crédit agricole. « La philosophie de la coop, c’est de trouver des solutions, pas des excuses », conclut Nordine Arfaoui.