Le tutorat en agriculture bio, un outil novateur pour sécuriser l’installation

Testé avec succès en Dordogne par Agrobio Périgord, le dispositif d’accompagnement post-installation « maîtrise des pratiques en AB » est en cours d’essaimage dans quatre régions à l’initiative de la FNAB. Au service de la sécurisation des jeunes installés, notamment des Nima, mais aussi de la fortification des tuteurs.

93% des nouveaux installés déclarent gagner en maturité technique grâce à leur tuteur. 79% indiquent que le tutorat leur permet de mieux s’intégrer dans les réseaux agricoles locaux, et que cela facilite le développement des circuits de commercialisation ou l’échange de matériel notamment. 71% estiment avoir progressé sur les conditions de travail et 60% dans la stratégie d’entreprise. Tels sont les résultats saillants de l’évaluation d’un dispositif de tutorat post-installation piloté pendant deux ans et demi par la FNAB dans le cadre d’un projet Casdar. Objectif du projet : sécuriser l’activité des jeunes installés (moins de deux ans) sur leur propre terrain ou dans le cadre d’un espace-test et non issus du milieu agricole (Nima). Le dispositif avait été testé avec succès dès 2018 en Dordogne par Agrobio Périgord, avant d’essaimer à partir de 2022.

L’évaluation a porté sur 49 binômes dispersés dans quatre régions. Le maraîchage ressort comme l’activité dominante des stagiaires (59%) suivi de l’élevage (27%), les petits fruits, la viticulture, les fleurs coupées, et l’arboriculture complétant le panel. Concrètement, le tutorat comporte trois dimensions : un suivi personnalisé d’une durée de 2 ans maximum se matérialisant par des visites et/ou des appels téléphoniques, des temps collectifs techniques, des formations collectives pratiques sur deux volets (agronomie et comptabilité/gestion).

Trois effets sur les stagiaires…

L’appui technique à l’activité agricole est de loin la thématique la plus abordée lors des sessions de tutorat. Cela se matérialise par une meilleure maîtrise des techniques agricoles mais également par l’amélioration du système technique développé et une capacité à prendre des décisions « éclairées » par une meilleure compréhension de ce qui est techniquement en jeu sur sa ferme. Très concrètement, cela signifie être en mesure d’anticiper les saisons agricoles à venir, de maîtriser la planification de son travail et d’arriver à prioriser son activité. La pérennisation de l’activité est la deuxième thématique la plus abordée. Elle porte principalement sur deux dimensions : la gestion de l’exploitation et le bien-être au travail. L’intégration dans les réseaux locaux est le troisième bénéfice majeur du dispositif. Bien qu’il ne soit mentionné comme une thématique de travail, l’apport de « maîtrise des pratiques en AB » ressort comme central sur le sujet. L’entremise du tuteur ou de la tutrice entraîne une (re)connaissance du stagiaire et une légitimité à être dans ces réseaux.

… et trois sur les tuteurs

Bien que le dispositif ait été conçu pour accompagner les jeunes installés en s’appuyant sur les savoirs et expériences des adhérents des GAB et GRAB, l’évaluation a permis de révéler en miroir trois apports au bénéfice des tuteurs, à savoir : une reconnaissance professionnelle, un sentiment d’utilité sociale et le développement d’une réflexivité sur ses propres pratiques professionnelles, la posture de tutorat obligeant à se décentrer de ses pratiques pour être à l’écoute des spécificités des systèmes et contraintes des stagiaires. Des bénéfices non exhaustifs et qui contribuent à la prévention des risques psycho-sociaux, lit-on dans le rapport d’évaluation.

Des pistes d’amélioration

Si le dispositif s’avère bénéfique tant pour les stagiaires que pour les tuteurs, le retour d’expériences a permis aussi de pointer des pistes d’amélioration, les bienfaits n’étant pas systématiques. Le rapport suggère ainsi de travailler à une meilleure formalisation du dispositif car, « si la souplesse du dispositif a pu faciliter sa diffusion et son appropriation par les différentes équipes locales, cette souplesse est aussi un facteur favorisant les décrochages ». Il préconise par ailleurs le renforcement de l’articulation du dispositif avec les autres dispositifs d’accompagnement, notamment les dispositifs d’aide pré-installation. Il recommande également la formalisation d’un système de reconnaissance sociale et professionnelle de l’engagement des tuteurs, au-delà de l’indemnisation du temps passé, et qui serait de nature à favoriser la fidélisation des tuteurs, considérés comme des « perles rares » et à renforcer l’attractivité du dispositif. L’évaluation met en lumière les moyens globalement limités dont disposent les équipes pour faire vivre le dispositif. Preuve s’il en est de l’intérêt du dispositif : nombre de tuteurs déclarent qu’ils auraient aimé en bénéficier lors de leur installation.