Après une année noire, les prix bas du blé plombent les revenus des agriculteurs

L'année 2024 difficile pour la filière blé, les prix restent faibles avant la récolte, mettant une nouvelle fois les revenus des agriculteurs sous pression. Entre incertitudes sur les rendements et fluctuations du marché, la situation reste fragile pour les exploitations. Analyse par Sylvain Jessionesse, agriculteur et cofondateur de Piloter Sa Ferme.

Le contexte

Depuis la moisson 2024, la tendance était déjà claire : le revenu tiré de cette campagne s’annonçait en recul. Les charges liées à la récolte 2024 ont été engagées entre juillet 2023 et juillet 2024, tandis que les rendements en céréales ont enregistré une baisse d’environ 15 %. Seule une évolution favorable des marchés aurait pu laisser espérer une plus-value sur le prix de vente, permettant ainsi de compenser les mauvais rendements.

Deux exploitations de grandes cultures de 200 hectares chacune illustrent la situation.

  • La première, située en zone intermédiaire, affiche un potentiel de rendement de 7 t/ha de blé en année normale.
  • La seconde, au nord de Paris, produit également des cultures industrielles et atteint un potentiel de 9 t/ha en blé.

Plusieurs hypothèses communes ont été retenues :

  • Le seuil de commercialisation prévisionnel du blé, initialement fixé à 207 €/t, s’élève désormais à plus de 240 €/t en raison de la baisse des rendements.
  • La valorisation des récoltes repose sur la moyenne des marchés observés entre septembre 2023 et mars 2025, soit une cotation Euronext en blé de 236 €/t.
  • Une réfaction de 10 €/t est appliquée sur les céréales en raison des problèmes de qualité constatés.

Les résultats obtenus

Le seuil de commercialisation dépasse la valorisation retenue pour les céréales, entraînant une perte de 25 à 45 €/t selon les situations. La reprise du marché des oléagineux permet au colza de couvrir les dépenses, limitant ainsi la perte sur les tournesols. Le revenu issu de la moisson 2024 dépend fortement de la part des cultures industrielles dans l’assolement. Plus cette part est importante, plus le résultat 2024 s’avère positif. À l’inverse, dans les exploitations des zones intermédiaires, il peut manquer de 150 à 200 €/ha de recettes pour couvrir l’ensemble des charges et assurer la rémunération du travail de l’exploitant.

Perspectives pour 2025 et au-delà

Pour améliorer les revenus lors des prochaines campagnes, il reste essentiel de calculer précisément les coûts de production et de les comparer au potentiel du marché. Adapter l’assolement en tenant compte des contraintes agronomiques et réglementaires, tout en privilégiant les cultures à valeur ajoutée, constitue un levier important. L’optimisation du parc matériel et de la main-d’œuvre, ainsi que des décisions de commercialisation avisées, renforcent la compétitivité de l’exploitation.

Les prochaines semaines représentent une période clé pour passer à l’action et ne pas subir la conjoncture. Les exploitations qui ont le mieux résisté aux chocs économiques des récoltes 2016 et 2024 sont celles qui maîtrisent leurs coûts de production et disposent d’une trésorerie solide. Les difficultés de trésorerie trouvent leur origine principalement dans des problèmes de rentabilité, souvent installés depuis plus de dix ans.

Evolution de la cotation du blé (€/t) sur le marché Euronext entre juillet 2023 et avril 2025

Sylvain Jessionesse
Evolution de la cotation du blé (€/t) sur le marché Euronext entre juillet 2023 et avril 2025

Résultats de la moisson 2024 de l’exploitation située en zone intermédiaire

Sylvain Jessionesse
Résultats de la moisson 2024 de l'exploitation située en zone intermédiaire

 

Sylvain Jessionesse
Résultats de la moisson 2024 de l'exploitation située en zone intermédiaire

Concrètement sur cette exploitation située en zone intermédiaire, il manque 36 875 € de chiffre d’affaires pour faire face à l’ensemble des dépenses de l’exploitation et la rémunération du travail de l’agriculteur. Cela va se traduire par une dégradation de la trésorerie attendue jusqu’à la moisson 2025 et/ou un report de paiement de certaines dépenses (comme le report des annuités). 

Résultats de la moisson 2024 d’une exploitation située dans au nord de Paris avec de bons potentiels et produisant des cultures industrielles

Sylvain Jessionesse
Résultats de la moisson 2024 d’une exploitation située au nord de Paris avec de bons potentiels et produisant des cultures industrielles
Sylvain Jessionesse
Résultats de la moisson 2024 d’une exploitation située dans une zone avec de bons potentiels et produisant des cultures industrielles

 

Sur cette exploitation produisant des cultures industrielles dans une région ayant des bons potentiels, les bons résultats obtenus en betteraves et pomme de terre compensent la perte attendue en céréales et permettent d’obtenir un excédent annuel de de 28 750 € avec les hypothèses retenues.

Exemple de calcul de seuil de commercialisation à partir des outils Piloter Sa Ferme qui permettent facilement de transformer les données comptables et financières en aide à la décision et pour évaluer le niveau de compétitivité de chaque culture et de l’exploitation. 

Sylvain Jessionesse
Exemple de calcul de seuil de commercialisation partir des outils Piloter Sa Ferme qui permettent facilement de transformer les données comptables et financières en aide à la décision pour évalue également le niveau de compétitivité de chaque culture et de l’exploitation

 

Rendez-vous pendant la moisson !