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Compétitivité des filières (10/10) : les oléo-pro décomplexés
La France est le premier producteur européen de graines oléagineuses et protéagineuses mais elle est structurellement déficitaire en protéines. Sans s’y résigner totalement : elle vise notamment l’autonomie en soja non OGM à l’horizon 2025.
Au sein de l’Union européenne, la France est le 1er producteur de graines oléagineuses et plus précisément le 1er producteur de graines de colza, le 2ème producteur de soja, le 4ème producteur de graines de tournesol, le 1er producteur européen de lin oléagineux. Elle est aussi le 1er producteur de graines protéagineuses et le 1er exportateur de graines protéagineuses. En dépit de ce brillant palmarès, le bât blesse du côté de la production de protéines végétales car la France est aussi un grand pays d’élevage (numéro un en production de viande bovine et numéro deux en production laitière) et à ce titre un grand consommateur de tourteaux, avec une dépendance qui flirte avec les 40%, quand l’Union européenne dépasse les 60%. Le déficit est une très vieille histoire, résultant d’accords commerciaux conclus dans les années 1960 dans le cadre du Gatt et face au soja du continent américain, la lutte est très inégale.
Vers l’autonomie en soja non OGM
Pour autant, la France n’a pas renoncé. Depuis une dizaine d’années, elle enchaine les plans protéines dont le dernier en date remonte à 2020. Baptisé Stratégie nationale protéines végétales, il vise à doubler, d’ici à 2030, les surfaces de soja, pois, légumes secs, luzerne et légumineuses fourragères, pour atteindre 2 millions d'hectares, soit 8% de la SAU. Il est doté d’un budget de 100 millions d’euros, auquel s’ajoutera une impulsion de la Pac 2023-2027, sous la forme du renforcement des aides couplées et de l’instauration d’un programme opérationnel.
En ce qui concerne le soja, Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines françaises, s’est fixée pour objectif d’atteindre les 250.000 ha en 2025 (contre 186.000 ha en 2020), équivalant à une production de 650.000 tonnes de graines. Cette surface permettrait alors à la France d’assurer son autonomie en tourteaux de soja non OGM.
Des surcoûts de production
Pour entamer la reconquête de l’autonomie protéique, un certain nombre de handicaps devront être levés. Ils ont été listés dans un rapport publié en juin dernier par FranceAgriMer, décryptant les ressorts de compétitivité de l’ensemble des filières agricoles. S’agissant des oléo-protéagineux, les acteurs de la filière ont notamment pointé des règlementations contraignantes pour les producteurs français déjà mises en œuvre, alors qu’elles ne le sont pas ou appliquées plus progressivement dans d’autres pays européens. La progression marquée du poste phytosanitaire en colza est aussi pointée du doigt. Sont cités également la variabilité interannuelle croissante des rendements, des charges de mécanisation, des investissements et un niveau d'amortissements plus importants. Le coût de production est impacté par la réorientation des assolements et l'allongement des rotations plus complexe à maitriser, ce qui induit un coût d'exploitation plus élevé.
Bilan offre / demande en colza
En colza, la trituration représente 86% des utilisations de 5,8 Mt en moyenne quinquennale avec une production moyenne de 4,8 Mt. Hors accidents culturaux et/ou climatiques, la France exporte davantage de colza, 1,4 Mt essentiellement vers l’UE, qu’elle n’en importe (1,2 Mt).
En colza, les ressources et les emplois varient sur la période 2004-2019 entre 4,7 Mt et 6,7 Mt. On observe que les exportations excèdent les importations tout au long de la période sauf en 2019. Les importations progressent fortement sur la période, passant de 0,1 Mt en 2004 à 1,6 Mt en 2019.
L’évolution la plus importante concerne le taux d’auto-approvisionnement entre 2004 et 2019. Celui-ci est divisé par 2, passant de 160% à 80%. Cette évolution impacte directement les autres indicateurs. Si la capacité d’exportation reste importante, supérieure à 20% sur la période, elle a fortement décliné comparée aux 40% de 2004. Cette évolution découle d’une dépendance toujours plus accrue aux importations qui atteint 40% en 2019 alors qu’elle était proche de zéro en 2004. De même, le taux de couverture de consommation par la production nationale ne cesse de diminuer, passant de 90% à 60%.
Bilan offre / demande en tournesol
En moyenne quinquennale, le bilan du tournesol permet une certaine autonomie avec des exportations légèrement supérieures aux importations. La trituration monopolise les utilisations intérieures avec 1,1 Mt.
Sur la période, la production conjuguée des importations moyennes de 280 000 t permet de couvrir les besoins de consommation en graines de tournesol tout en permettant, à l’exception de 2016, d’exporter environ 400 000 t par an et de dégager ainsi un excédent net. On relève cependant depuis le pic de 2011 à 1 881 000 t une diminution de la production autour de 1 500 000 t à l’exception de la bonne récolte de 1 599 000 t en 2017.
En corollaire d’une production en baisse, le taux d’auto-approvisionnement, descend sous les 100% en 2013 et 2016 avant de retrouver depuis des niveaux comparables au début de période (2004). Cette évolution s’explique par un taux de couverture de la consommation par la production nationale qui régresse par paliers, supérieur à 80% en début de période pour s’inscrire ensuite dans une fourchette de 60% à 80%. Si la capacité d’exportation a plutôt tendance à progresser depuis 2016, cette évolution correspond aussi à une dégradation du taux de dépendance aux importations qui progresse régulièrement sur la période.
Bilan offre / demande en soja
Face à une progression régulière de la consommation ainsi que d’une progression des exportations depuis 2015 - la filière soja française est garantie sans OGM, ce qui est un atout commercial -, la production nationale progresse fortement, permettant ainsi de contenir les importations. Celles-ci représentent cependant plus de 60% des ressources des bilans du soja.
En soja, la dépendance aux importations reste le trait majeur de la période d’intérêt. On note cependant une amélioration régulière qui s’observe à travers le taux d’auto-approvisionnement, doublé sur la période, le taux de couverture de la consommation par la production nationale qui progresse également fortement, et même le développement d’une capacité d’exportation qui progresse depuis 2013 jusqu’à dépasser 10% depuis 2017.
Bilan offre / demande en pois protéagineux
La France est exportatrice nette de pois en moyenne quinquennale. Avec une production de 656 000 t, dont 160 000 t sont autoconsommées, et 41 000 t d’importations, 537 000 t sont disponibles pour le marché, dont plus de la moitié, 287 000 t, sont exportées, ce qui laisse un disponible de 250 000 t. L’alimentation humaine absorbe plus de la moitié de ce volume.
Les bilans sur 15 ans mettent en évidence ces évolutions. La production est irrégulière. En moyenne de l’ordre de 600 000 t depuis 2011, on relève des pics supérieurs à 1 Mt en 2006 et 2010 et une progression des importations depuis 2016, autour de 40 000 t par an. Une part significative de la production est exportée. On note cependant une baisse des exportations de pois depuis 2016, conjuguée à un alourdissement des stocks comparés au début de la période. Celui-ci peut s’expliquer par les droits de douane prohibitifs mis en place par l’Inde en 2018, premier client jusqu’en 2016, pour protéger sa production nationale.
Le taux d’auto-approvisionnement évolue en dents de scie sur la période mais à l’exception de 2018 avec 122%, oscille entre 150% et 200%. La dépendance aux importations est faible, inférieure à 10% sur la période, exception faite des campagnes 2016 (25%) et 2017 (13%). L’évolution de ces indicateurs met en évidence une capacité d’exportation de l’ordre de 40% sur l’ensemble de la période.
Bilan offre / demande en féveroles
En féveroles, 131 000 t d’une production de 194 000 t est mise sur le marché. Avec les importations, 162 000 t sont disponibles dont 75 000 t sont exportées et 86 000 t sont consommées pour l’alimentation animale (28 000 t) et humaine (10 000 t). On observe un fort déclin de la production sur la période 2004-2019. Jusqu’en 2010, celle-ci progresse et varie entre 257 000 t et 483 000 t. Depuis 2011, on note une baisse de cette production qui reste cependant encore élevée entre 245 000 t et 275 000 t jusqu’en 2015. Depuis 2016, celle-ci est inférieure à 200 000 t. En conséquence, les quantités exportées sont en chute libre depuis 2013.
De 2006 à 2013, avec de faibles importations, le plus gros de la récolte était destiné aux clients de la France, la part de consommation domestique étant faible. À compter de 2014, avec la baisse régulière de la production, les utilisations intérieures sont le principal poste d’emplois, l’exportation devenant mineure avec 46 000 t en 2019, à comparer aux 307 000 t de féveroles exportées en 2010.