Compétitivité de la ferme France : le plan « choc » des sénateurs

La Commission des affaires économiques du Sénat a adopté une proposition de loi « transpartisane », visant à en finir avec les distorsions de concurrence, à modérer les charges d’exploitation et à garantir l’avenir au regard des enjeux climatiques et de renouvellement des générations.

« Cette proposition de loi regroupe en un texte unique des mesures de compétitivité́ qui, jusqu’ici, ont trop souvent été traitées séparément. Parce que la compétitivité́ n’est jamais discutée en tant que telle, elle a été la grande oubliée des politiques agricoles des vingt dernières années, accumulant charges, normes et interdictions en chaque occasion, oubliant bien souvent la situation vécue par nos agriculteurs ». Tel est le diagnostic établi par la Commission des affaires économiques du Sénat, qui a adopté, en date du 10 mai 2023, une proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de la ferme France, réclamant en premier lieu l’institution d’un Haut-Commissaire à la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires.

A l’automne dernier, la même commission avait dressé un réquisitoire sévère à l’encontre des gouvernements successifs, en disséquant la filière tomate, peu ou prou suspendue à l’aridification du Maroc et de l’Espagne, le poulet made in France multi-labellisé mais cherchant désespérément ses consommateurs nationaux, une filière d’excellence qu’est la céréaliculture, mais sapée par la faucille des surtranspositions environnementales et du sous-investissement dans la recherche ou encore une pomme décrochant sous l’effet d’une montée en gamme faisant le lit des importations. Les éleveurs laitiers étaient quant à eux dépeints comme financièrement taris sur l’autel des parts de marché de l’industrie laitière à l’export.

En finir avec les distorsions de concurrence

La proposition de loi recèle plusieurs articles destinés à déjouer les distorsions de concurrence, à commencer par les distorsions intra-européennes. L’article 13 de la proposition de loi entend ainsi donner au ministre de l’Agriculture la possibilité de suspendre une décision de retrait de produit phytosanitaire de l’ANSES en cas de distorsion avec un autre État membre et en l’absence de solutions alternatives efficientes. Pour Sophie Primas, président de la commission des affaires économiques, « l’article 13 signe le retour du politique au premier plan, évincé des décisions concernant les produits phytosanitaires depuis la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 ». Dans le viseur des sénateurs figure notamment l’épisode du S-métolachlore, dont l’agence sanitaire a décrété le retrait en avril dernier, alors que l’agence européenne (EFSA) n’a pas encore statué.

Au-delà des frontières de l’UE, la commission entend faire aboutir « un dossier qui patine », à savoir celui des clauses miroirs, en vue de bannir l’importation de produits ne respectant nos standards (article 12 bis).

Modérer les charges

Par le biais de plusieurs articles, la proposition de loi entend modérer les charges des agriculteurs, pour que « leur revenu ne soit plus la variable d’ajustement de la compétitivité ». La commission propose ainsi une indexation sur l’inflation de l’épargne de précaution (article 6), du micro-bénéfice agricole et de l’exonération des plus-values (article 24). Dans le secteur équin, elle propose d’assujettir l’élevage, l’entraînement et la vente d’équidés à une TVA de 10% (article 25). S’agissant des charges sociales, la commission prône l’exclusion des secteurs agricole et agroalimentaire de l’application du « bonus-malus contrats courts », pour ne pas pénaliser les filières ayant recours aux saisonniers en raison des spécificités de leur activité (article 22).

Relever les défis climatique et générationnel

Pour adapter notre agriculture aux chocs climatiques et générationnels, la commission des affaires économiques propose d’étendre le champ du crédit d’impôt d’aide à l’investissement à l’immatériel (article 6), de permettre le financement de l’accès au foncier des jeunes agriculteurs par le livret Agri (article 5) et de rendre éligibles au crédit d’impôt pour dépenses de remplacement trois jours supplémentaires de congés de formation (article 23). L’article 15 consacre le caractère d’intérêt général des ouvrages de prélèvement et de stockage de l’eau agricole, dès lors que ces derniers s’inscrivent dans une démarche d’usages partagés.