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Jeudi 30/10/2025
Crise viticole : un rapport sénatorial, en attendant des Assises et un pacte de confiance amont-aval
Face à la « polycrise » du secteur viticole, un rapport sénatorial plaide pour une reconnexion de la production et du négoce, via la contractualisation et l’ouverture des ODG à l’aval de la filière, assortie d’un « choc » de communication visant à promouvoir la « bannière France » plutôt que le « particularisme local ».
Faire intervenir davantage l’aval dans la production en échange de leur engagement formel et contrôlé de développer sans attendre les leviers existants de sécurisation du revenu de l’amont : telle est la principale recommandation d’un rapport d’information publié le 29 octobre par la Commission des affaires économiques du Sénat. Ses rapporteurs ont analysé les ressorts d’une « polycrise » à l’ampleur comparable aux « grandes crises du début du XXème siècle ». Au XXIème, la déconsommation, avec les aléas climatiques et géopolitiques, constituent les ferments de la crise, avec pour conséquence « des chais pleins et des revenus en berne ».
Le rapport sénatorial ne tourne pas autour de la barrique, et ses trois rapporteurs, sénateurs-viticulteurs, font amende honorable : « la filière n’a pas su anticiper le marché ». La consommation de vin par habitant est passée de 135 litres en 1960 à 41 litres en 2023 et la proportion de non-consommateurs ou de consommateurs occasionnels rares est passée de 19 % en 1980 à 37 % actuellement, avec une baisse encore plus marquée chez les 18-24 ans, « symptôme d’une coupure générationnelle dans la culture du vin, ce qui a de quoi inquiéter la filière ».
A l’international, la filière vins et spiritueux est certes la 3ème contributrice à la balance commerciale française, avec un excédent de 14,73 milliards d’euros en 2023 mais elle ne sauve les apparences qu’en valeur. La perte de volumes traduit « l’affaiblissement de la toute-puissance française sur un marché mondial qu’elle contrôlait à hauteur de 22 % en volume il y a 20 ans, contre 12 % en 2023 ».
Côté perspectives, le rapport évacue d’un revers de la main les fausses solutions telles que les aides à la distillation, « probablement inévitables quoique très coûteuses » et l’arrachage. « La destruction du potentiel productif de la viticulture n’est pas une politique de long terme, la régulation ne saurait se résumer à l’arrachage ». En revanche, les auteurs pointent l’urgence de « se tourner vers la demande telle qu’elle est ».
Tout en reconnaissant le rôle « crucial » de l’INAO pour gérer et adapter les cahiers des charges, notamment via le dispositif des variétés d’intérêt à fin d’adaptation (Vifa), le rapport fait le constat que « le passage sous signes de qualité (AOP-IGP) de 95 % du vignoble ne s’est aucunement traduit par un surcroît de demande. Le signe de qualité ne sauvera pas une filière qui ne parvient d’ailleurs pas à éviter les phénomènes de transferts de volumes produits entre AOP, IGP et VSIG », cinglent les rapporteurs, qui pointent également l’abandon à la concurrence de certains segments d’entrée de gamme « alors qu’une demande existe ».
Pour un « choc de communication »
Selon les auteurs, à l’exception du label bio, le consommateur ne connaît globalement que peu le système des appellations et des mentions valorisantes. Prenant exemple sur le Plan national de lutte contre le dépérissement du vignoble, et pour renforcer l’image du vin français, les sénateurs prônent la réalisation d’un « indispensable choc de communication en mutualisant une fraction des budgets interprofessionnels afin de promouvoir la bannière France plutôt que le particularisme local». Ils recommandent par ailleurs d’accroître l’enveloppe de la Pac relative à la promotion à l’exportation hors Union européenne et d’en compenser le surcoût par une baisse de certains financements non essentiels de l’enveloppe dédiée à la large catégorie des « investissements matériels et immatériels ».
Pour un « pacte de confiance » amont-aval
Si les sénateurs estiment nécessaire de reconnecter l’offre et le demande, ils jugent tout aussi indispensable de reconnecter l’amont et l’aval, formulant une proposition doublement disruptive, une espèce de pacte donnant-donnant, dénommé « pacte de confiance », et consistant, côté aval, à mettre en place « une véritable construction du prix en marche avant et sécurisation dans la durée des débouchés des producteurs » et, côté amont, « à débattre de la question de l’ouverture des ODG à l’aval de la filière, qui en est juridiquement exclu alors que ce n’est pas le cas dans le reste de l’agriculture ».
La première proposition prendrait la forme d’une déclaration d’engagements écrite, contrôlable et mesurable par les services de l’État tandis que la seconde pourrait passer par une expérimentation de trois ans « pour favoriser le dialogue, au stade de la production, entre les deux familles de la filière ».
Pour avancer sur cette voie, les sénateurs, estimant que le plan de filière est actuellement au « point mort », réclament l’organisation d’assises de la viticulture sous l’égide du ministère de l’Agriculture.