Crise viticole : 15 propositions parlementaires pour en sortir

Un rapport liste 15 recommandations pour sortir une filière aux prises à de multiples périls, dont un nommé Donald Trump. Le rapport invite les acteurs à jouer « collectif », à se doter d’outils de pilotage et à miser toujours plus sur l’export en guise de « verres communicants ».

Par un démoniaque hasard du calendrier, c’est le 9 avril, jour de l’instauration par Donald Trump d’une taxe de 20% sur les produits européens, dont les vins et spiritueux, finalement réduite à 10% dans une volte-face toute Trumpiste, que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a rendu son rapport d’information sur « les stratégies de marché de la filière vitivinicole ». Sachant qu’en valeur, une bouteille sur huit d’alcool tricolore est débouchée au pays de la bannière étoilée, c’est peu dire que les entreprises françaises sont pendues aux lèvres du président des Etats-Unis. Mais également de son meilleur ennemi : la Chine.

En effet, en janvier 2024, la Chine déclenchait l’ouverture d’une enquête anti‐dumping à l’encontre des eaux‐de‐vie de vin et de marc de raisins européens en réponse à l’ouverture par la Commission européenne d’une enquête sur les subventions d’Etat accordées aux véhicules électriques fabriqués en Chine et accusées de fausser la concurrence. En 2023, avant qu’elle ne déclenche son enquête, la Chine achetait pour 3,6 milliards d’euros de spiritueux français, essentiellement du cognac. En 2024, sous l’effet du cautionnement bancaire par les douanes chinoises, ayant un effet équivalent à des taxes anti-dumping, les exportations de spiritueux ont d’ores-et-déjà chuté de 21,7%, en attendant l’issue de l’enquête, plusieurs reportée, et dont l’échéance est désormais fixée au 5 juillet prochain.

Dissensus des deux co-rapporteurs sur la question géopolitique

Le rapport des députés Sylvain Carrière (La France Insoumise) et de Sandra Marsaud (Ensemble pour la République) n’éludent pas la question géopolitique. Mais des 15 recommandations qu’ils formulent, c’est la seule qui fait l’objet d’un dissensus. Pour la députée de Charente, il faut  « veiller à ce que l’Union européenne préserve les intérêts de la filière vitivinicole française dans le cadre des négociations avec nos principaux partenaires commerciaux, Etats-Unis et Chine en particulier, et offre à la filière de nouveaux débouchés à l’international dans le cadre d’accords sectoriels, sans compromettre les intérêts des autres filières agricoles françaises ».

Pour le député de l’Hérault, il faut « ajuster le niveau de nos tarifs douaniers et utiliser leurs produits pour compenser le manque à gagner pour la filière vitivinicole lié à la hausse des tarifs douaniers imposés par des pays comme les États-Unis ou la Chine, afin d’accompagner la transition de la filière viticole et son adaptation à de nouveaux marchés ».

Toujours sur la question internationale, les deux co-rapporteurs se rejoignent en revanche sur la nécessité de renforcer la promotion à l’international des vins et des spiritueux en l’associant à celle de la gastronomie française. Ils souhaitent aussi permettre au plus grand nombre de producteurs français d’accéder aux marchés étrangers et de se développer à l’international dans une approche collective. Il faut dire que face à l’érosion de la consommation de vin, le salut de la France viticole passe inexorablement par l’export, en vertu d’un principe de « verres communicants » en quelque sorte, davantage que par la désalcoolisation, « qui ne doit pas être considérée comme une réponse structurelle pour répondre aux défis de la filière », lit-on dans le rapport.

Faire du CNIV une interprofession nationale

En revanche, la mission parlementaire insiste sur « la nécessité d’un approfondissement de la démarche de filière au niveau national », pointant une gouvernance « morcelée », scindée entre amont et aval, entre différentes formes d’exploitation (vignerons indépendants, vignerons coopérateurs, vins d’appellation ou sans appellation) et, bien entendu, entre bassins viticoles (avec vingt-trois organisations interprofessionnelles régionales). « Les initiatives collectives, qui pourraient générer des effets d’influence plus importants, se trouvent limitées par ce morcellement et la prise de décision est, à tout le moins, ralentie », juge la mission, qui estime que la France pourrait s’inspirer des exemples espagnol et italien. Le rapport propose de transformer le Comité national des interprofessions des vins (CNIV) en une interprofession nationale. Celle-ci pourrait permettre de « définir des stratégies collectives et de mobiliser davantage de moyens juridiques et financiers pour les mettre en œuvre. Bien entendu, il ne s’agit aucunement de remettre en cause l’organisation interprofessionnelle en bassins de production, qui restent l’échelon pertinent pour la régulation de la production. Il s’agit au contraire de donner davantage de moyens et de capacités d’action aux interprofessions ».

Une des première missions de ce CNIV repensé pourrait consister à installer « rapidement » l’observatoire des tendances de marché, « le manque de données étant préjudiciable à la réalisation des diagnostics nécessaires au pilotage stratégique de la filière dans son ensemble ». La mission invite également l’interprofession nationale à se doter d’un outil de prospective réalisant des études d’anticipation des crises afin d’orienter les politiques de restructuration des vignobles.

En qui concerne la défense du revenu des producteurs, la rapport formule plusieurs recommandations. La première consiste à inciter les interprofessions régionales à publier des indicateurs de coûts de production pertinents dans leur bassin de production en affirmant la conformité au droit de la concurrence de la publication de tels indicateurs. La seconde a trait à la protection des producteurs contre la fixation de prix anormalement bas, déjà mise en avant par la mission d’évaluation de la loi Egalim 2. La mission préconise également de s’appuyer sur « l’excellence reconnue des vins français pour mieux conquérir les marchés d’entrée de gamme ».

Parmi les autres recommandations figurent la modification, au niveau européen, de la référence à la moyenne olympique pour le calcul du rendement moyen d’une exploitation dans le cadre de l’assurance récolte, le développement d’une filière de réemploi et de consigne des bouteilles de vins tranquilles en France et la mise en œuvre d’une stratégie nationale « ambitieuse » pour accélérer l’essor de l’œnotourisme et favoriser la coordination de l’ensemble des acteurs.