Dans un Roussillon à sec, la coop fruitière La Melba redoute le pire

[medFEL 2023] Déjà contraints par des restrictions d’eau, les arboriculteurs et maraichers redoutent le passage du niveau « alerte renforcée » à celui de « crise », hypothéquant la récolte de l’année et, au-delà, la viabilité des vergers, et par ricochet celle des exploitations.

Ce jeudi 27 avril, le ministre de la Transition écologique préside le deuxième Comité d'anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année. Christophe Béchu a choisi Perpignan (Pyrénées-Orientales) pour l’organiser à distance. Un choix qui ne doit rien au hasard : ce département est sous le coup d’une sécheresse historique, entamée à l’été 2022. Depuis cette date, la quasi-intégralité du territoire est restée sous le statut d’alerte sécheresse « renforcée », restreignant le recours à l’irrigation dès la sortie des premiers bourgeons.

"Le goutte-à-goutte est autorisé tous les 15 jours, autant dire qu’il ne produit aucun effet"

« C’est du jamais vu si tôt en saison », confie Estelle Alarcon, directrice de la Coopérative La Melba, dont le siège est situé à Bouleternère, l’un des quatre villages du département où l’eau ne coule plus au robinet depuis dix jours. « Il y a les agriculteurs dont les forages sont à sec, ceux qui ont de l’eau mais qui sont contraints par les arrêtés et enfin ceux qui sont sur les réseaux ASA, dont l’ouverture a été décalée du 1er au 15 avril. Chez nos adhérents, le goutte-à-goutte est autorisé tous les 15 jours, autant dire qu’il ne produit aucun effet ».

Les adhérents de La Melba ont droit au goutte-à-goutte tous les 15 jours
Les adhérents de La Melba ont droit au goutte-à-goutte tous les 15 jours

La coopérative réalise les trois-quarts de son chiffre d’affaires (18 millions d’euros) avec les fruits à noyaux, aux côtés de la figue, de l’amande et du maraichage hivernal (céleri, choux chinois, artichaut). Elle compte une cinquantaine d’adhérents actifs. « Pour les producteurs d’artichauts, qui ont engagé tous les frais, la situation est dramatique, déclare Estelle Alarcon. Les arboriculteurs vont quant à eux devoir faire un choix entre produire ou sauver leurs arbres ».

C’est donc une menace existentielle que fait peser une sécheresse exceptionnelle à la veille d’un été de tous les dangers. Au point que la présidente du Conseil départemental en a appelé à la solidarité nationale, dans une lettre ouverte adressée au président de la République le 24 avril.

Estelle Alarcon, directrice de la Coopérative La Melba : Nous coopérative, nous avons et nous jouons un rôle social. Mais quid de l’agriculteur seul chez lui le soir ? »
Estelle Alarcon, directrice de la Coopérative La Melba : Nous coopérative, nous avons et nous jouons un rôle social. Mais quid de l’agriculteur seul chez lui le soir ? »

Un défaut d’anticipation et des mauvaises décisions ?

Estelle Alarcon s’interroge sur le bien-fondé de certaines décisions au niveau de la gestion de l’eau. « Malgré l’antériorité de la sécheresse, on a vidé les barrages en hiver pour prévenir les crues et on a augmenté le débit réservé de la Têt pile l’année où il ne fallait pas le faire ». 

"Le gel, la grêle, c’est difficile à conjurer. La gestion de l’eau, on a des leviers d’action"

Et la sobriété appliquée aux exploitations ? « Au niveau agricole, les marges de manœuvre sont réduites, juge la directrice. Les fruits, c’est 80% d’eau. Le gel, la grêle, c’est difficile à conjurer. La gestion de l’eau, on a des leviers d’action en terme d'optimisation de la ressource ».

La coopérative se fait de gros soucis pour ses adhérents, qui voient avec la sécheresse leur charge mentale s’alourdir un peu plus. « Nous coopérative, nous avons et nous jouons un rôle social. Mais quid de l’agriculteur seul chez lui le soir ? On risque de se retrouver avec des situations vraiment dramatiques cette année », craint la dirigeante. Une partie de l’avenir se joue entre le pouce et l’index du préfet, signataire d'inexorables nouveaux arrêtés. A l’encre rouge ? Rouge comme l'alerte ou rouge comme...