Des études de droit au métier d'éleveuse, Lou-Anne Jannel, nouvelle miss France agricole 2024

À 23 ans, Lou-Anne Jannel, éleveuse de brebis, incarne désormais le monde agricole. Loin des paillettes et de la médiatisation des autres concours, l’éleveuse ariégeoise qui vient de remporter le titre, compte utiliser sa notoriété pour apporter de la lumière sur sa profession et légitimer la place des femmes dans le milieu.

Lou-Anne Jannel ne porte ni couronne ni robe de cérémonie. Depuis son élection, le 16 décembre 2023, elle n’a pas changé ses habitudes. Son quotidien reste le même. Elle est salariée en remplacement dans un élevage de l’Ariège et s'occupe d’une vingtaine de brebis Tarasconnaises. Il n’y a que son téléphone qui sonne plus que d’habitude, suite à sa soudaine notoriété. Tout comme Miss France (Ève Gilles), élue le même jour, Lou-Anne Jannel incarne le rayonnement français.

Lou-Anne Jannel, la nouvelle miss France agricole 2024 ©instagram, @louanne_jannel


Pourtant, l’éleveuse a une mission supplémentaire, et pas des moindres : elle est désormais la porte-parole du monde agricole. Ce concours, créé en 2019, promeut “les femmes et les hommes du milieu agricole, afin de montrer une image positive et souriante à la profession”. “Mon emploi du temps reste toujours aussi chargé !”, explique Lou-Anne.
Aucun aménagement de temps, aucune rémunération supplémentaire et encore moins d’année sabbatique d’ambassadrice. “Il est 18h passé, je dois encore aller voir mes brebis. J’essaye de jongler entre mon métier et mes nouvelles obligations de miss", explique-t-elle. 

C'est grâce à la vidéo ci-dessus que Lou-Anne Jannel a été sélectionnée. 

Des études de droit au métier d'éleveuse. 

Il faut s’accrocher”, souffle Lou-Anne. Avec des parents en-dehors du monde agricole, la jeune femme n’était pas prédisposée au métier.J’ai fait une licence de droit pour mes parents. Au cours de la 3e année, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je souhaitais faire”. Sa passion, ce sont les animaux, “mais de là à en faire mon métier, mes parents ne s’y attendaient pas”. 

Son premier contact avec l’élevage débute à l’âge de 13 ans, lorsqu’un éleveur, rencontré lors des médiévales de Mirepoix (une fête historique), lui offre sa première brebis. Il l'accueille ensuite et elle y apprend les ficelles du métier. La passion grandit peu à peu, jusqu’à devenir une évidence. “J’ai tenu tête à mes parents”. Fini le droit, Lou-Anne Jannel passe un brevet professionnel responsable d’exploitation agricole (BPREA) en deux ans. Désormais bien armée, son objectif s'affirme : se mettre à son compte et faire passer progressivement son cheptel de 20 à 200 brebis.

Le foncier et l’administratif, deux écueils à l’installation des jeunes agriculteurs. 

Les démarches administratives sont impressionnantes pour l’installation. On est jeune, on n’a pas forcément de gros apports financiers. Racheter une ferme, ça à un coût”, constate Lou-Anne Jannel. Elle cherche avec son compagnon Robin - lui aussi non issu du milieu agricole - une ferme où s’installer. “Il faut faire des démarches auprès de la chambre d’agriculture. C’est long. Je suis un peu sans domicile avec les brebis et on vient d’acheter deux truies noires de Gascogne et deux béliers !”. Mais la jeune femme a une volonté et un optimisme à toute épreuve. “On a des baux de longue durée qui nous protègent, la foncière agricole et d’autres aides”, relativise la miss, “il ne faut pas s’inquiéter pour le foncier. Pour 1 installation, il y a 10 départs à la retraite, d’ici peu il y aura des fermes à reprendre”. 

Jeunes agriculteurs, accrochez-vous ! 

En attendant de trouver une ferme avec son compagnon, tous deux sont salariés en remplacement dans des exploitations environnantes pour “combler les fins de mois”. “ Je viens d’avoir quelqu’un au téléphone pour pâturer 6 ha en plus. En tout, j’ai une quinzaine d’ha que je pâture avec des agriculteurs”. Le salariat est un des leviers pour l’installation, à condition de le savoir ! Lou-Anne Jannel regrette le manque d’encouragement pour les jeunes qui débutent, souvent sans avoir toutes les informations nécessaires. “On nous dégoûte en nous disant que la profession n’a pas de perspective. Oui c’est dur, comme dirait mon père, “tu dépends de la météo”, on ne compte pas nos heures, c’est physique”. 
Mais en contrepartie, elle n'a jamais l’impression d’aller au travail. C’est un métier passion qu’elle aime et qu’elle partage sur les réseaux sociaux. Comme si elle n’avait pas suffisamment à faire, Lou-Anne publie des vidéos de ses brebis où elle explique et montre son travail. “Les gens ne savent pas ce qu’on fait. On ne parle que de nous pendant les crises ou si on manifeste sur un tracteur”. Grâce aux réseaux sociaux, elle espère toucher un public plus large, plus jeune, qui découvre aussi le quotidien d'une femme dans le monde agricole. 

Donner de la légitimité aux femmes

Les femmes sont de plus en plus nombreuses mais restent encore minoritaires. Et les clichés persistent ! Mais Lou-Anne veut rassurer les futures agricultrices, "J'ai découvert une vraie entraide avec les femmes autour de moi". Et pour celles qui douteraient de leur capacité physique, elle n'hésite pas à se prendre en exemple. “Je fais 50 kg, mes brebis 10 de plus! Aujourd’hui on est bien accompagné au niveau matériel”. En plus des réseaux sociaux, la miss rencontre des jeunes agriculteurs. Elle s’est rendue dernièrement au lycée agricole de Pamiers où elle a pu exposer son parcours auprès de jeunes filles. 

Vers l’auto-suffisance 

L'éleveuse et son compagnon ne sont dans le milieu agricole que depuis peu mais ils ont déjà une certitude : proposer l'excellence. Lou-Anne s’intéresse particulièrement à la génétique et souhaite mettre en valeur les brebis Tarasconnaises, pure race ariégeoise. Pour offrir le meilleur à ses clients, elle les monte à l'estive. Son compagnon lui, s’est pris de passion pour le porc noir Gascon qu’il éleve en plein air et engraisse sur 24 mois. Le couple vise maintenant l’autonomie alimentaire du cheptel et envisage de planter du blé. 

Lou-Anne Jannel recevra son écharpe dans quelques jours au Salon de l'agriculture en février prochain, des mains de Pauline Pradier, la vigneronne gardoise élue en 2023.