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Du tournesol dérobé au kérosène vert : quand l'agriculture vendéenne fait décoller la décarbonation
Cavac et le Groupe Dubreuil s’associent dans un essai de culture de tournesol et de cameline en couvert végétal. Objectif : fournir la base d’un biocarburant pour les avions et un revenu complémentaire pour les agriculteurs.
Sur la parcelle de Patrice Ayrault, à Oulmes, les journalistes sont venus découvrir l’opération que Cavac et le Groupe Dubreuil(1) ont résumé sous le slogan « du champ à l’avion ». L’agriculteur hôte et témoin de l'événement fait partie des douze exploitants sud-vendéens et sud-deux-sévriens qui participent à la phase test de la culture de tournesol (300 ha) ou de cameline (40 ha) en couvert végétal destinés à l’élaboration de biokérozène (dit « biojet ») pour l’aviation.
Chez Patrice Ayrault, les 15 ha de tournesol en variété précoce(2) ont été semés le 24 juin à la suite de l’orge. Depuis plusieurs années déjà, le Gaec Pacouinay(3) a l’expérience de ce dérobé, également derrière des pois de conserve et des pois protéagineux. L’éleveur y voit une solution pour gérer les volumes d’effluents de l’exploitation comprenant des vaches laitières et des lapins. « Avec un débouché en biocarburant, la motivation supplémentaire est la recherche du rendement et une rémunération jusqu’alors inexistante», argumente Patrice Ayrault, convaincu par ailleurs des atouts des dérobés en matière d’économie de charge et de main-d’œuvre.
« C’est un projet plein de sens pour nous, commente Olivier Joreau, directeur général du groupe Cavac, car il a pour ambition, à la fois de fournir un revenu au producteur sur des doubles cultures qui ont déjà un intérêt économique et agronomique, et de montrer que l’agriculture a un rôle dans la décarbonation d’autres secteurs économiques ».
6 % en 2030
Partenaire de la coopérative via son fonds de dotation Ohé la Terre, le Groupe Dubreuil a de son côté la nécessité de faire évoluer sa stratégie carburant pour répondre aux enjeux climatiques. « Le biocarburant est la seule solution pour décarboner le transport aérien long-courrier », dit d’emblée Paul-Henri Dubreuil, PDG du groupe propriétaire de deux compagnies, Air Caraïbes et French Bee. La réglementation européenne exige déjà l’intégration de 2 % de biokérozène dans la consommation de l’aviation. Cette obligatoire passe à 6 % en 2030 et progressera probablement encore davantage au-delà. « Actuellement, l’huile incorporée vient plutôt de Chine, déplore Paul-Henri Dubreuil, en développant la biomasse en interculture en France on peut créer une filière nationale garantissant un meilleur bilan carbone ».
« Pas d’autre choix »
La Cavac avance une ambition sans précision, d’atteindre « 2 000 ha, 4 000 ha dans les années à venir car il y a un potentiel dans notre région ». Un bémol : « le coût d’un biokérozène sera quatre à cinq fois plus cher que celui d’origine fossile », indique Paul-Henri Dubreuil, qui n’imagine pas faire l’impasse car « l’avenir est là et on n’a pas d’autre choix ». Si les partenaires n’ont « aucun doute sur le process industriel de transformation », le défi reste celui des rendements et du coût de revient. Les autorités européennes doivent encore se prononcer sur l’autorisation de mise sur le marché d’un tel biocarburant pour l’aviation. En septembre, les premières données des récoltes seront particulièrement attendues.
(1)Groupe familial vendéen présent dans sept métiers dont le transport aérien avec les compagnies Air Caraïbes et French bee.
(2)Arco de Sygenta, 90 jours.
(3) 390 ha (céréales, semences), irrigation sur 80 % de la SAU ; 130 vaches normandes et lapins (700 cages mères) ; 50 hectares en prairies naturelles.