- Accueil
- Filet, insectes stériles ou argile : un foisonnement de pistes pour lutter contre Drosophila suzukii sur cerise
Filet, insectes stériles ou argile : un foisonnement de pistes pour lutter contre Drosophila suzukii sur cerise
Près de 10 ans après l’interdiction de la matière active insecticide diméthoate qui avait placé les producteurs dans une situation critique, la filière cerise entrevoit des solutions alternatives de gestion de Drosophila suzukii. Le point sur les actions de recherche, qu'elles soient éprouvées, en cours de développement ou avec une perspective de mise en œuvre plus lointaine.
« S’il y a un point sur lequel je peux me prononcer, c’est l’efficacité du filet », constate Nicolas Formez, spécialiste fruits à noyau au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et responsable des expérimentations de lutte contre D.suzukii à Balandran, dans le Gard. De fait, les chiffres sont unanimes : un filet Alt’droso avec couverture hermétique du verger garantit l’absence de mouche dans la culture. Pour autant, cette solution montre des limites sur le terrain. « Le filet fonctionne sur les vergers palissés avec des sols adaptés. Ce sont des solutions plus compliquées à mettre en œuvre dans des parcelles en pente, comme dans les monts du Lyonnais », relève le spécialiste. L’autre frein est économique. Un filet représente un investissement non négligeable. Sur son site de La Tapy, dans le Vaucluse, le CTIFL teste la durabilité de différents filets présents sur le marché, mais aussi la température au niveau des arbres, le taux d’humectation ainsi que les possibles remontées de pucerons et d’autres ravageurs. « C’est un critère que nous surveillons, car il peut y avoir un effet cage d’élevage », remonte Nicolas Formez.
De grands espoirs sur l’introduction d’un auxiliaire
En 2022, les scientifiques de l’INRAE ont obtenu l’autorisation de lâcher en France Ganaspis kimorum, un auxiliaire exotique, prédateur naturel de D.suzukii. Après un premier lâcher en 2023, ce sont déjà 50 sites qui ont reçu des lâchers, toujours dans un cadre expérimental, piloté par Nicolas Borowiec de l’INRAE PACA. Cet auxiliaire a la faculté de parasiter les larves des mouches et de les tuer en émergeant. L’objectif des lâchers est de permettre l’acclimatation de cet insecte sur le territoire. Un procédé irréversible qui demande une approche prudente de la part des scientifiques. « C’est une méthode de lutte très attendue par les producteurs. Mais il y a de nombreux critères à prendre en compte pour s’assurer une bonne intégration de l’insecte dans les écosystèmes », témoigne Nicolas Formez. Pour assurer la réussite des lâchers, les chercheurs identifient des sites avec des baies sauvages à proximité pour que le parasitoïde puisse continuer à se nourrir de D.suzukii même après la récolte des cerises et se maintenir dans le milieu. « Des augmentarium seront également testés. Il s’agit de sceau empli de fruits infestés et recouvert d’un filet. Ce dernier ne laisse pas sortir D.suzukii mais permet au parasitoïde de rentrer pour pondre dans les larves », décrit le spécialiste.
Limiter la population avec la technique de l’insecte stérile
La technique de l’insecte stérile est une autre piste étudiée pour réduire les dégâts de D.suzukii. Elle consiste en des lâchers de mâles stériles pour maintenir la population sous un certain seuil. « Des premiers lâchers sur fraises ont été réalisés précédemment. Lors de cette campagne, nous réalisons un lâcher sur verger de cerises sous filet pour observer les résultats et dès l’an prochain, des lâchers sont envisagés chez les producteurs », détaille Nicolas Formez.
Des méthodes de pulvérisation innovantes
L’un des axes de recherche pour lutter contre D.suzukii passe aussi par la chimie. Il ne s’agit pas de trouver de nouvelles matières actives, mais plutôt de nouvelles méthodes de pulvérisation. L’un des axes étudiés depuis 2020 sur le site de Balandran est l’injection d'insecticide dans le xylème de l’arbre, aussi appelé la micro-injection. « Le risque opérateur est réduit et il n’y a pas de dérive possible. C’est l’arbre qui devient vecteur de son traitement via la sève. Avec 2 injections d’Exirel, nous obtenons une efficacité de 50 %. C’est scientifiquement intéressant, mais ce n’est pas suffisant pour les producteurs », chiffre l’expert fruits à noyau. « Nous manquons également de produit spécialement formulé pour ce type d’utilisation, ajoute-t-il. Un seul est homologué sur palmier et nous avons observé une vraie différence de comportement lors de l’utilisation. L’injection est plus aisée ».
Autre méthode en test, la pulvérisation fixe sur frondaison. Il s’agit d’un système calqué sur les installations d’irrigation qui permet de traiter rapidement l’ensemble du verger lorsque les conditions climatiques ne laissent que peu de fenêtres d’intervention et ouvre ainsi la porte à l’utilisation de biocontrôle. Actuellement, la technique est testée uniquement sur pomme, mais les financements publics dans le cadre du PARSADA (plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures), ont permis d’implanter des vergers de cerisiers avec ce type d’installation. « Il y a un temps de réflexion nécessaire sur l’implantation du verger pour lequel nous sommes accompagnés par nos collègues du centre CTIFL de Lanxade. À titre d’exemple, il faut prévoir un poteau tous les 3 arbres, contre tous les 6 à 8 arbres en schéma classique, pour supporter l’installation », détaille Nicolas Formez.
Argile et génétique
Parmi les autres actions de recherche menées grâce au PARSADA, les méthodes de nettoyage de l’argile permettant de rendre les fruits commercialisables après utilisation de cette couche de protection, sont testées. « C’est un problème pour lequel nous finirons par trouver une solution », se projette le chercheur.
Des travaux de génétique sont également entrepris afin d’identifier le comportement de la mouche vis-à-vis des fruits de 80 variétés issus des collections de l’INRAE. Ce travail de long terme est nécessaire, mais ne débouchera pas sur des solutions avec un potentiel de mise en œuvre rapide dont ont urgemment besoin les producteurs. Des essais de porte-greffe nanisants facilitant la conduite en haie fruitière sous filet sont par ailleurs en cours.
Autre axe de recherche, l’utilisation d’une tour de Potter permettant de pulvériser des boites de pétri et ainsi d’évaluer rapidement l’efficacité des produits, notamment de biocontrôle, en association avec des matières actives au sein d’un itinéraire technique