Acétamipride : la coopérative Unicoque et l’ANPN en appellent à la raison

En situation d’impasse, les producteurs de noisettes attendent une issue positive de la PPL « anti-entraves » au nom de la science, du droit européen et de la défense des intérêts des consommateurs français. Le taux d’auto-approvisionnement de la France culmine à 5%. Quant au taux d’auto-flagellation….

Qui peut pulvériser dans la chambre de bébé un insecticide à base d’acétamipride pour prévenir les piqûres de moustiques ? Des parents français. Qui peut caresser un chien portant un collier anti-puces à base d’acétamipride ? Un enfant français. Qui peut pulvériser dans son étable un produit dans à base d’acétamipride pour protéger ses vaches des mouches ? Un éleveur français. Qui peut acheter des noisettes turques ayant reçu des applications d’acétamipride ? Les consommateurs français. Quel est le seul pays à interdire, au sein de l’UE, les insecticides à base d’acétamipride pour réguler des ravageurs tels que la punaise diabolique ? La France.

C’est contre cette ineptie maléfique que la coopérative Unicoque (Lot-et-Garonne) et l’Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN) s’élèvent, à deux semaines de l’examen de la Proposition de loi (PPL) visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, dite aussi PPL « anti-entraves ». Maléfique parce qu’en 2024, les attaques de punaise et de balanin ont décimé de 50% la récolte de la coopérative et que 10% seulement des 50% restants étaient commercialisables en coques. En matière de noisettes, le taux d’auto-approvisionnement de la France culmine à 5%. Quant au taux d’auto-flagellation... « Loin des lobbies et des actions militantes des ONGs, nous ne demandons que l'application équitable des conditions règlementaires régissant notre production, écrivent Unicoque et l’ANPN dans un communiqué commun.  Nous avons confiance dans nos élus pour accomplir leur mission démocratique en toute indépendance. Nous ne défendons pas des idéologies », dénonçant au passage « un déferlement de fake news des lobbys écologistes internationaux ».

Un pré-requis pour une dérogation 120 jours

Les producteurs de noisettes rappellent que l’Agence européenne de sécurité sanitaire (EFSA) a confirmé dans son avis du 15 mai 2024 l’autorisation de l’acétamipride sur tout le territoire européen jusqu’en 2033 et que son homologue française, l’Anses, « n’a jamais retiré l’AMM de cette molécule » et que « c’est le politique par la loi qui l’a fait ». Un vote favorable des députés permettrait à la substance active de rentrer dans le champ réglementaire des dérogations de 120 jours prévues à article 53 du règlement européen n°1107/2009, au motif d’urgence phytosanitaire, une prérogative du ministère de l’Agriculture. Cependant, l’Anses devrait au préalable procéder à une évaluation des risques des produits concernés, une formalité nécessitant un délai de plusieurs mois.

D’une PPL « anti-entraves » à une PPL « contraintes »

Les producteurs de noisettes ont l’oreille de la ministre de l’Agriculture. « 26 pays ont conservé l’acétamipride le jugeant non nocif pour la santé, a déclaré Annie Genevard sur le plateau de LCP le 5 mai dernier. Il faut mettre nos producteurs à égalité de concurrence avec les producteurs européens ». La molécule est également attendue par les producteurs de betteraves sucrières. « Nous ne sommes pas sur dix années de dérogation, nous sommes sur dix années d’interdit, qui ont démontré, filière par filière, l’abrutissement de cette interdiction », avait expliqué Laurent Duplomb, à l’origine de la PPL avec Franck Menonville, lors des débats au Sénat, au cours desquels le gouvernement avait délivré « un avis de sagesse ».

Lors de son examen par la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, les agriculteurs ont subi un premier revers avec l’éviction de la PPL d’un article visant à faciliter l’aménagement de retenue d’eau, provoquant l’ire de la FNSEA et des JA, rebaptisant la PPL « anti-entraves » en PPL « contraintes ». Dans une lettre ouverte aux ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail et de l’Environnement, datée du 14 avril et rendue publique le 5 mai, 1200 médecins et scientifiques rappellent que l’acétamipride, ainsi que la flupyradifurone et le sulfoxaflor, visés aussi par la PLL « anti-entraves », sont « dangereux » pour l’entomofaune pollinisatrice, évoquant des alertes auprès de l’EFSA et de l’Anses.

Les producteurs de noisettes craignent quant à eux d’être totalement dépourvus de solution pour la campagne 2026. « Plus aucune molécule n’aura d’AMM en France sur la culture du noisetier », alertent-ils. Côté alternatives, la piste des parasitoïdes est encore au stade de l’émergence et pas déployable à grande échelle. L’épilogue est attendu à l’Assemblée nationale à partir du 26 mai.