Genou à terre, la Coordination rurale alerte sur les suicides et les "fermes qui ferment"

Ils voulaient marquer les esprits : environ 70 agriculteurs de la Coordination rurale se sont rassemblés jeudi à Paris, entourés de mannequins en combinaison de travail pendus à des arbres, pour témoigner du malaise de la profession.

Une trentaine de ces mannequins gonflables ont été accrochés à des arbres de l'esplanade des Invalides, non loin de l'Assemblée nationale. Des banderoles ont été déployées entre les troncs, affirmant notamment que "l'agriculture française subit un énorme plan social organisé dans le plus grand silence". En l'absence de salon de l'agriculture à cause de la crise sanitaire de Covid-19, la Coordination rurale a choisi d’"interpeler les citoyens" et de les "inviter à réfléchir sur l’état de l’agriculture".

Chasuble jaune sur le dos, les militants ont posé devant la presse un genou à terre et poing levé, dans un nuage de fumigènes, jaunes également. "Genou à terre, cela veut dire que ceux qui sont encore debout pensent à ceux qui ne sont plus là", a déclaré le président du syndicat Bernard Lannes.

Selon les chiffres les plus récents de la MSA, 372 suicides d'exploitants agricoles ont été recensés en 2015, soit plus d'un par jour. Mais ce nombre est largement minoré, selon le syndicat, pour lequel on dénombre plutôt deux suicides chaque jour et 1 500 dépôts de bilan par an, faute de prix rémunérateurs. "Deux collègues par jour, c'est insupportable", lâche Dominique Pipet, béret sur la tête et fourche en bois à la main, sur laquelle est placardé le message "Exploité agricole". A la retraite depuis peu, l'ex-éleveur bovin de la Vienne n'a jamais pu se verser de salaire : "Pas de salaire, pas de vacances, on payait nos dettes !". Il a cédé son exploitation bio à "deux jeunes". "Ils ont besoin d'être courageux car on ne subit que des trahisons politiques", dit-il.

"On nous a mis sur l'échafaud de la mondialisation", dénonce au mégaphone le maraîcher Sébastien Héraud, également vice-président de la Coordination rurale, qui refuse de "se laisser faire par les écolos bobos urbains qui nous méprisent et veulent nous dicter notre conduite". "La démobilisation nous guette", s'inquiète Emmanuelle Chignat, viticultrice et éleveuse en Dordogne. "On essaie, nos efforts sont concrets mais ça ne s'améliore pas. On ne voit pas le bout du tunnel".