L’agrivoltaïsme veut en finir avec ses zones d’ombre

La filière multiplie les initiatives pour déjouer les projets « alibi » confinant à l’artificialisation des terres. Forte de son label Afnor, elle vient de recevoir le soutien du Sénat, dont une résolution demande la levée des freins à son développement. Attendue, la définition de l’agrivoltaïsme par l’Ademe devrait permettre de légiférer dans ce sens.

En 2018, la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Pyrénées-Orientales a mené une enquête pour évaluer la réalité de la production agricole sous les serres photovoltaïques du département. Résultat : sur les 280 ha d’installations répertoriées à l’époque, plus de 180 ha étaient peu ou pas productives. L’enquête a montré la face sombre dont était potentiellement porteur l’agrivoltaïsme, avec des projets qualifiés d’alibi, confinant à l’artificialisation des sols, avec comme dégât collatéral une hausse tout aussi artificielle du prix du foncier.

Le ministre de l’Agriculture en a lui-même convenu. Dans une allocation au Sénat le 5 janvier dernier, Julien Denormandie a déclaré que « l’agrivoltaïsme peut constituer une menace s’il n’est pas précisément encadré et s’il donne lieu à un développement anarchique avec des sociétés qui offrent des loyers parfois dix fois, parfois vingt fois supérieur à celui d’un fermage habituel ».

En 2018, une enquête de la DDTM des Pyrénées-Orientales a pointé le dévoiement d’une majorité des serres agrivoltaïques
En 2018, une enquête de la DDTM des Pyrénées-Orientales a pointé le dévoiement d’une majorité des serres agrivoltaïques

La résolution du Sénat

La déclaration du ministre faisait suite à la résolution adoptée le veille par le Sénat, qui appelle le gouvernement à lever les freins législatifs et réglementaires au développement de l’agrivoltaïsme et à donner un nouvel essor à cette filière.

Le Sénat plaide notamment pour éligibilité des projets au financement de la Pac. Il souhaite également exclure l’agrivoltaïsme des appels d’offres « solaire innovant » de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), au profit d’une famille dédiée, plus à même de reconnaître et de soutenir les projets. L’association France Agrivoltaïsme s’est félicitée de la résolution. « A quelques mois d’une élection présidentielle où les enjeux agricoles et énergétiques animeront les débats, le Sénat envoie un message fort en faveur de l’agrivoltaïsme, a réagi son président Antoine Nogier dans un communiqué. La France doit conserver son avance technologique sur cette solution, et cela passera par un soutien de la sphère politique pour permettre un développement d’un agrivoltaïsme tourné vers la protection de l’agriculture ».

Le tout nouveau Label « Projet Agrivoltaïque » a vocation à s’étendre au secteur de l’élevage
Le tout nouveau Label « Projet Agrivoltaïque » a vocation à s’étendre au secteur de l’élevage

La définition de l’Ademe

Depuis l’enquête conduite dans les Pyrénées-Orientales en 2018, le soleil a tourné (la Terre plus exactement) et le photovoltaïsme à la mode agricole a érigé plusieurs garde-fous destinés à écarter les faux-semblants d’agrivoltaïsme. Créée en 2021, l’association France Agrivoltaïsme, qui fédère les différents acteurs de la filière (agriculteurs, énergéticiens, chercheurs...) a notamment vocation à donner des gages de responsabilité aux pouvoirs publics et aux porteurs de projet. Sous sa férule, et avec d’autres parties prenantes, l’association vient de lancer le tout premier référentiel du secteur qu’est le label « Projet Agrivoltaïque de Classe A sur culture », avec la caution d’Afnor Certification. Sa déclinaison au secteur de l’élevage est d’ores-et-déjà enclenchée.

"La définition de l’agrivoltaïsme par l’Ademe va permettre de fixer un cadre réglementaire beaucoup plus précis et beaucoup plus protecteur pour l’agriculture "

La filière en appelle aussi à l’État, à commencer par l’une de ses agences, à savoir l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui doit incessamment sous peu donner sa définition officielle de l’agrivoltaïsme. « Cette définition est très attendue par les acteurs de la filière agrivoltaïque, confie Stéphanie-Anne Pinet, secrétaire-générale de France Agrivoltaïsme. Elle va permettre de fixer un cadre réglementaire beaucoup plus précis et beaucoup plus protecteur pour l’agriculture ».

La définition de l’agrivoltaïsme par l’Ademe va inscrire dans le marbre la primauté de la production agricole sur celle d’énergie électrique
La définition de l’agrivoltaïsme par l’Ademe va inscrire dans le marbre la primauté de la production agricole sur celle d’énergie électrique

Des menaces mais aussi des opportunités

La définition de l’agrivoltaïsme par l’Ademe va inscrire dans le marbre la primauté de la production agricole sur celle d’énergie électrique. A partir de là, l‘État va pouvoir faire évoluer un certain nombre de textes, dont les Codes de l’énergie et de l’urbanisme, pour favoriser le développement de l’agrivoltaïsme. Sous réserve qu’il en ait la volonté.

Dans son allocution au Sénat, le ministre de l’Agriculture a laissé peu de place au doute. « L’agrivoltaïsme peut constituer une opportunité, en protégeant les cultures des aléas, en permettant de réguler l’exposition au soleil, en réintroduisant un certain nombre de cultures pouvant se faire sous ces fermes, dans certains territoires. Et on peut évidemment améliorer le revenu des agriculteurs (...). L’agrivoltaïsme, dans sa nature même, dans sa sémantique même, montre bien que le voltaïsme dont au parle a une synergie avec les actions agricoles, c’est absolument essentiel ».