L’incroyable complexité du biocontrôle

[Edito] Le biocontrôle a le vent en poupe : entre 2018 et 2020, le chiffre d’affaires des produits de biocontrôle en France a augmenté de 18%, passant de 200 à 236 millions d’euros. La part de marché des produits de biocontrôle représente désormais 12% du marché de la protection des plantes, celui-ci devenant de plus en plus complexe mais offrant des champs de recherche inédits.

Face à cet essor, toutes les cultures ne sont pas logées à la même enseigne : les grandes cultures font partie des filières les moins bien dotées en solutions de biocontrôle. En 2021, seules 27 substances de biocontrôle étaient disponibles en grandes cultures (phosphate ferrique, trichogrammes, spinosad, soufre, cuivre…) contre 49 pour la viticulture, 99 pour les cultures fruitières et 108 pour les cultures légumières.

Mais au fait, qu’entend-on exactement par biocontrôle ? Il y a la définition des produits de biocontrôle tels que spécifiés dans le code rural : « des agents et des produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Ils comprennent des macro-organismes (insectes, acariens…), des micro-organismes (bactéries, champignons…), des médiateurs chimiques (phéromones…) ou encore des substances naturelles d’origines végétales, animales, minérales ou microbiennes. « Le principe du biocontrôle est fondé sur la gestion des stress et des équilibres naturels des populations d’agresseurs plutôt que sur leur suppression », explique l’Association française des entreprises de produits de biocontrôle (IBMA).

Biocontrôle ne veut pas dire bio

De cette définition découle une liste des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle autorisés à la mise sur le marché, publiée par le ministère de l’Agriculture. Et dans la catégorie des substances naturelles, on trouve aussi les PNPP et les biostimulants, chacun possédant une définition officielle. Bref, un sacré fatras. Et attention ! Qui dit biocontrôle ne dit pas forcément bio. Ainsi, une solution comme le Beloukha, défanant à base d’acide pélargonique, n’est pas autorisé en agriculture biologique, la fonction d’herbicide n’étant pas recevable en bio. A l’inverse, le cuivre est une substance autorisée en bio mais qui ne fait pas partie des produits autorisés en biocontrôle en raison de son profil éco-toxicologique…

Pour ajouter une couche de complexité, toutes ces définitions sont bien sûr franco-françaises. A l’échelle européenne, le règlement n°1107/2009 définit des « substances à faible risque », dont la Commission européenne fournit une liste (bonne nouvelle : une partie se recoupe avec la liste française !).

Interactions entre plantes et micro-organismes

Malgré cet enchevêtrement réglementaire et des utilisations encore balbutiantes, notamment en grandes cultures, le biocontrôle fait partie des solutions d’avenir en matière de protection des plantes. Les entreprises ne s’y trompent pas et investissent massivement dans ce segment. Selon le baromètre IBMA France 2020, le budget de recherche et développement consacré au biocontrôle par les entreprises de protection des plantes augmente d’année en année. Il progresse de 15% entre 2019 et 2020.

L’étude des mécanismes naturels de protection des plantes ouvre également le champ à un univers encore méconnu mais prometteur pour la santé des plantes : le microbiote du sol. Autrement dit, l’étude des micro-organismes présents dans les sols et ayant des effets positifs sur la tolérance ou la résistance des plantes aux ravageurs et maladies. A l’instar du microbiote intestinal, parfois qualifié de « deuxième cerveau » chez les humains, il s’agira d’identifier de nouvelles solutions de biocontrôle permettant aux plantes de développer leurs propres défenses naturelles. Combiné à la génétique, à l’agronomie et au numérique, le biocontrôle laisse présager un avenir de la protection des plantes toujours plus complexe, mais non moins passionnant.