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La bio préserve-t-elle la biodiversité ?
Préserver la biodiversité, c’est dans l’ADN de l’agriculture biologique. Mais pour atteindre son objectif, elle n’a qu’une obligation de moyens, pas de résultats. C’est sur ces résultats que se sont penchés deux scientifiques, d’Inrae et de l’Itab, dans le cadre du rendez-vous annuel, « Le grand débat bio » organisé par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, le 4 mars dernier, à Angers.
Le respect de la biodiversité fait partie des valeurs fondatrices de la bio et, pour y parvenir, elle interdit notamment l’emploi de pesticides et d’engrais de synthèse. Mais ce cahier des charges lui permet-il d’atteindre cet objectif ? Est-elle plus respectueuse de la biodiversité que l’agriculture « non biologique » ?
Une première manière de répondre à cette question est de compiler un très grand nombre de données, pour observer s’il existe réellement une « tendance » de fond qui établit une différence entre bio et non bio, au-delà de tous les autres facteurs de variation (type de culture, conditions pédo-climatiques…). Les chercheurs réalisent pour cela des « méta-analyses », c’est-à-dire des analyses statistiques sur un ensemble de données issues d’études scientifiques publiées à l’échelle mondiale.
Une biodiversité plus abondante en bio
« Les résultats de ces méta-analyses démontrent une différence en matière de biodiversité à l’échelle parcellaire : l’effet de l’agriculture bio, c’est 30 % de biodiversité en plus en abondance, et 20 % en plus en nombre d’espèces différentes », présentent Audrey Alignier d’Inrae, et Bastien Dallaporta de l’Itab (Institut technique de l’agriculture biologique), lors d’une intervention réalisée le 4 mars dernier, dans le cadre du « grand débat bio », organisé à Angers par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.
Plus précisément, c’est sur les productions céréalières que l’effet « bio » vs « non bio » est le plus significatif mais cet effet s’observe aussi en cultures végétales pérennes (viticulture, arboriculture) et en riziculture. Si l’on regarde par groupe taxonomique, ce sont les végétaux qui bénéficient le plus de l’agriculture biologique (+ 75 % de biodiversité), loin devant les arthropodes, les oiseaux et les microbes du sol (+ 15 %).
Plus d’adventices, moins de compétition ?
Le fait que ce soient les végétaux qui bénéficient le plus de la bio peut interroger les agriculteurs : ces végétaux sont en effet des « adventices », donc a priori néfastes à la production agricole. Sauf que même si elles sont plus abondantes, ces adventices sont aussi dans une communauté plus diversifiée : elles sont donc plus susceptibles d’exercer des compétitions entre elles, et moins avec la culture.
Pour aller plus loin dans la compréhension de ces effets sur la biodiversité des parcelles, Audrey Alignier et Bastien Dallaporta ont présenté une autre étude, française cette fois, et uniquement basée sur la viticulture : elle consiste en un suivi détaillé de la biodiversité dans 40 parcelles de vignes dont 20 en bio sur le site atelier Bacchus d’Inrae (Gironde).
Un labour défavorable aux pollinisateurs et à la microfaune du sol
Globalement, la bio a un effet positif sur les populations d’araignées et de collemboles mais un effet négatif sur les pollinisateurs et sur la microfaune du sol. L’examen statistique des liens entre ces effets négatifs et les pratiques montre que ce n’est pas l’emploi d’insecticides qui est le facteur différenciant les parcelles entre elles (d’ailleurs le bio peut employer des insecticides naturels), mais l’intensité de travail du sol.
« En bio, la gestion des adventices repose principalement sur le travail du sol, décrit Audrey Alignier. Les conséquences induites sont une déstructuration du sol, défavorable à la biomasse microbienne, et une moindre disponibilité de fleurs pour les pollinisateurs ».
Ce qui compte vraiment : les éléments semi-naturels
Mesurer la biodiversité ne se fait cependant pas uniquement à l’échelle de la parcelle cultivée. Si l’on prend la « ferme » comme échelle de mesure, la compilation des différentes données disponibles à l’échelle européenne ne montre pas de différence entre la biodiversité des fermes bio et celle des fermes conventionnelles.
Car là encore, un autre facteur intervient, qui a plus de poids que le type d’agriculture : la présence d’éléments semi-naturels (haies, petits bois, bandes enherbées, chemins…). Plus de la moitié de la biodiversité d’une ferme est en effet hébergée par ces éléments : « Le cahier des charges bio ne comporte pas de contraintes sur ces éléments », regrette Bastien Dallaporta.
Plaidoyer pour une mosaïque cultivée
Enfin, des travaux scientifiques portent sur l’échelle supérieure : celle des paysages. Les résultats obtenus sur des paysages bocagers comme sur des paysages viticoles montrent que ce n’est pas la quantité d’agriculture bio dans le paysage qui fait la différence : ce qui est favorable à la biodiversité, c’est… la diversité. C’est-à-dire la diversité des cultures : « La mosaïque cultivée », résume Bastien Dallaporta.
« Un levier identifiable pour favoriser la biodiversité à l’échelle du paysage, c’est la taille des parcelles », expliquent les chercheurs. « Mais c’est un paramètre sur lequel il est difficile de faire évoluer les pratiques, le message n’est pas toujours reçu favorablement de la part d’agriculteurs à qui l’on a dit pendant des années qu’il fallait agrandir leurs parcelles pour augmenter la production et faciliter le passage des engins mécaniques ».
Quelle serait la taille idéale des parcelles d’un paysage favorable à la biodiversité ? « Certains travaux évoquent 2,8 hectares, mais nous avons conscience que c’est difficilement réalisable. Ce qui est important, aussi, c’est de savoir d’où l’on part, d’une zone bocagère ou d’une zone céréalière… Des parcelles de moins de 6 hectares, avec des bandes enherbées de 4 à 5 mètres tout autour, pourraient représenter un bon compromis ».