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La Cour des comptes égratigne le fonctionnement et les actions des chambres d’agriculture

La Cour des comptes estime que le réseau doit achever sa régionalisation, y compris eu plan électoral, et se recentrer sur l’accompagnement dans les transitions économiques, sanitaires et environnementales, via notamment le déploiement du conseil stratégique global.

« Faire aboutir de manière concomitante et cohérente un nouveau Contrat d’objectifs et de performances (COP) et un nouveau projet stratégique clarifiant les objectifs et performances attendues dans quatre domaines prioritaires : le conseil stratégique global, la stratégie commerciale numérique, la stratégie de développement durable notamment pour le bio, l’eau et la forêt et la mise en œuvre d’une comptabilité analytique ainsi que d’un suivi des gains d’efficience résultant notamment de la mutualisation au sein du réseau » : tel est l’attendu de la Cour des comptes à l’égard du réseau des chambres d’agriculture. Dans un rapport publié mercredi, l’institution, qui « s’assure du bon emploi de l’argent public et en informe les citoyens », livre son analyse du COP 2021-2025 finissant, alors que le prochain contrat liant l’Etat à Chambre d’Agriculture France (CDAF) doit entrer en vigueur le 1er janvier 2026.

Des chambres départementales qui résistent à l’intégration régionale

Conclu septembre 2021 et pour une période de 5 ans, le premier COP visait à accélérer la mise en réseau des chambres en vue « d’optimiser les moyens à des fins de plus grande efficacité », conformément au décret du 13 mai 2016, qui imposait une régionalisation des services support. « Le décret de mai 2016, pourtant d’application obligatoire, n’a provoqué qu’une mutualisation limitée et hétérogène » lit-on dans le rapport, agrément d’un « rappel au droit sans délai » à l’adresse du ministère de l’Agriculture et du réseau. « Hors des cinq chambres de région, qui sont aussi celles qui comptent le plus faible nombre de départements, la plupart des chambres départementales ont conservé leur existence juridique pleine et entière. La dynamique de régionalisation voulue par les pouvoirs publics se heurte à la persistance d’un fait départemental qui reste dominant ».

Pour la Cour, le niveau départemental doit demeurer celui de la proximité et la marche en avant vers la régionalisation doit passer par l’instauration, dès les prochaines élections, d’un scrutin régional pour l’élection des membres des sessions des chambres territoriales et des chambres régionales

Une lisibilité et une efficience financières perfectibles

Les défauts de fusion et de mutualisation ont comme corollaire l’absence de gains d’efficience alors que « la soutenabilité financière du réseau reste hétérogène et fragile » même si la Cour des compte fait part de « difficultés » à dégager une vision consolidée de la situation du réseau, symptôme du défaut d’intégration précité. La Cour appelle à systématiser la mesure d’efficience, d’autant plus que ce dernier reste financé pour les trois-quarts par des ressources publiques dont un impôt (la Taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti ou TATFNB), dont « le produit augmente, de manière atypique, depuis 2023 après dix années de stabilité en volume », alors que le nombre d’agriculteurs diminue. Au passage, l’instance émet des doutes sur l’objectif de 400.000 exploitations à horizon 2035 inscrite dans la loi d’orientation agricole promulguée en mars dernier,  les prévisions de l’Insee s’avérant plus « pessimistes ». « La hausse de la ressource publique consacrée aux chambres par agriculteur suppose la mise en place d’un suivi exigeant de son utilisation à travers le prochain COP avec des objectifs plus ambitieux, une comptabilité analytique pour s’assurer que les ressources publiques ne subventionnent pas des prestations concurrentielles ».

Au chapitre financier toujours, la Cour déplore l’attribution irrégulière et persistante de subventions à des organisations syndicales, « le plus souvent sans observation des préfectures », la gestion défaillante de prises de participation des subventions dans d’autres organismes, le non-respect des règles d’assujettissement à la TVA ou encore des cas d’atteintes à la probité, dénonçant au final une tutelle « peu interventionniste ».

La Cour fait également mention d’irrégularités en matière de gouvernance, établissant « régulièrement » des constats d’absentéisme des élus aux sessions et aux bureaux des chambres, entraînant « des défauts de quorum et des décisions illégales ».

Trop de missions ?

Si les ressources des chambres augmentent, au global et plus encore rapportées au nombre d’exploitants, leurs missions ne cessent de s’étoffer également. Ainsi, à compter du 1er janvier prochain, les chambres devront assumer de nouvelles responsabilités en matière d’identification animale, les EDE étant rattachés aux chambres depuis avril 2024. « Le réseau et la tutelle devront prendre en compte ces évolutions au titre du prochain COP et des moyens financiers afin que les chambres puissent exercer ces missions régaliennes dans les conditions requises », préconise la Cour. Cette dernière appelle dans le même temps à maîtriser l’expansion des missions de service public confiées aux chambres, qui sont étendues au cours des dernières années, le plus souvent par transfert depuis les services déconcentrés du ministère de l’agriculture, à l’inverse des deux autres grands réseaux consulaires (CCI et CMA).

En attendant France services agriculture

Le 1er janvier 2027, l’implication des chambres dans l’installation-transmission va monter d’un cran avec la mise en place de France Services Agriculture, issu de la loi d’orientation. Les chambres sont appelées à y jouer un rôle central, en tant que « point d’accueil départemental » unique, pour orienter les partants et les candidats à l’installation, mais aussi parmi les structures de conseil agréées. Citant un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l’Inspection générale des finances (IGF) publié en 2024, la Cour des comptes rappelle que parmi les 20.000 candidats à l’installation, six sur dix ne terminent pas leur parcours d’installation. « Il reviendra à la tutelle et au réseau d’assurer la bonne participation des chambres au réseau France services agriculture à l’horizon 2027 ».

Cap sur les transitions

La Cour attend du prochain COP qu’il recentre les missions des chambres sur quelques priorités autour de l’accompagnement des agriculteurs dans les transitions économiques, sanitaires et environnementales. Le déploiement d’un conseil global et stratégique, lui aussi inscrit dans la loi d’orientation, dans le cadre d’une offre nationale de services rationalisée, doit ainsi devenir « une priorité affirmée du réseau et de l’État ». La stratégie numérique devra également s’amplifier, notamment autour du portail « Mes Parcelles », afin de renforcer l’efficacité et la cohérence de l’action. Enfin, le réseau est invité à mieux répondre aux enjeux environnementaux par un engagement beaucoup plus marqué en faveur de l’agroécologie et de l’agriculture biologique, ainsi que dans la gestion de l’eau et de la forêt, la Cour faisant part de la « timidité du réseau au regard de l’accompagnement des transitions environnementales pourtant affiché comme priorité par le COP » et d’une « attitude généralement réservée et procyclique à l’égard de l’agriculture biologique ».

La Cour pointe également l’adoption fréquente par les sessions des chambres de motions hostiles à la réduction de l’usage des produits phytosanitaires « directement inspirées des éléments de langage syndicaux s’opposant à des politiques publiques que les chambres doivent dans le même temps mettre en œuvre (…) Le mode d’élection des chambres ne facilite pas la dissociation des responsabilités syndicales d’une part et la conduite d’un établissement public, avec ses missions de service public ».