Que contient la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture ?

Reconquérir la souveraineté alimentaire, former et mettre l’innovation au service du renouvellement des générations et ders transitions, favoriser l’installation-transmission tout en améliorant, en simplifiant et en sécurisant les conditions d’exercice du métier : telles sont les ambitions de la loi d’orientation promulguée le 24 mars.

9 septembre 2022 – 24 mars 2025 : c’est le temps qui aura séparé l’annonce du projet de pacte et de loi d’orientation agricole par Emmanuel Macron aux Terres de Jim de sa promulgation et de sa publication au Journal officiel ce mardi sous le numéro 2025-268. Entre ces deux dates, le projet aura : connu une longue gestation, été multi-rebaptisé, échappé à plusieurs avortements dont la dissolution de l’Assemblée nationale et la valse de gouvernements, sans oublier une crise agricole XXL, laquelle aura fait bifurquer le projet vers la très conceptuelle souveraineté, ou à l’inverse, les très pragmatiques conditions d’exercice du métier, tout en étant singulièrement dénué de volet foncier. Ce qui n’empêche pas la LOA de viser « au moins 400.000 exploitations et 500.000 exploitants » à horizon 2035. La loi se contente d'« inciter à la reprise d’exploitations et de permettre un accès équitable aux biens fonciers agricoles par la transparence du marché foncier, une fiscalité adaptée, des prêts garantis, des outils de portage et des garanties des fermages ».

Sauvegarde et reconquête de souveraineté alimentaire

Le tout premier article de la loi élève au rang « d’intérêt général majeur » et d’« intérêt fondamental » la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche, garants de la souveraineté alimentaire de la Nation. Cette dernière est définie comme « le maintien et le développement des capacités de la Nation à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation saine, et le soutien des capacités exportatrices contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ».

Le texte assigne 24 priorités aux politiques publiques, à commencer par la sauvegarde et la reconquête de la souveraineté, avec une attention particulière pour certaines filières :  assurer le maintien de l’élevage et de l’agropastoralisme en France et de lutter contre la décapitalisation, promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, viser l’autonomie protéique en 2050, atteindre 21% de SAU bio le 1er janvier 2030….  A noter le bannissement du mot « agroécologie » au profit des « outils scientifiques et techniques utiles aux transitions climatique et environnementale ».

Les priorités cernent également les moyens de production : préservation de la SAU, maintien d’un haut niveau de protection des cultures « en s’abstenant d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’UE », développement de l’irrigation dans le cadre d’une gestion « durable », recours aux solutions techniques et scientifiques portesue de résilience…

Au plan économique, sur le front intérieur, une des priorités est « de veiller à une juste rémunération des exploitants, des salariés et des non-salariés des secteurs agricole et agroalimentaire (…) de préserver un modèle d’exploitation agricole familiale, de rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée ». Sur le front extérieur, il s’agit d’améliorer la compétitivité, de préserver les agriculteurs de « la concurrence déloyale », et de veiller, dans tout accord de libre-échange, au respect du « principe de réciprocité en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d’une protection toujours plus forte des consommateurs et d’une préservation des modèles et des filières agricoles français et européens ». Au plan sociétal, la loi intime « de reconnaître et de valoriser le rôle des femmes en agriculture » ou encore « de favoriser l’acquisition pendant l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation et de l’agriculture ».

Former pour renouveler et accroître le nombre d’actifs

Le deuxième axe de la loi concerne les politiques d’orientation et de formation « afin d’assurer le renouvellement des générations et la progression du nombre d’actifs dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture ». Objectifs : +30% d’apprenants d’ici à 2030 (par rapport à 2022) dans l’enseignement technique, +30% d’ingénieurs agronomes (par rapport à 2017), +70% de vétérinaires (par rapport à 2017). Charge à l’Etat et aux régions d’établir un programme national d’orientation et de découverte des métiers du vivant en associant les établissements d’enseignement technique agricole publics et privés et les professionnels concernés.

La loi institue un volontariat agricole d’une durée maximale de six mois comprenant des activités relatives au lien entre agriculture et territoire, un temps d’immersion dans une ou plusieurs exploitations agricoles et un temps de découverte ou de formation dans un ou plusieurs établissements d’enseignement agricole,

Transmette et installer, passage de relais et droit à l’essai

« Proposer un accueil, une orientation et un accompagnement personnalisés, pluralistes et coordonnés à l’ensemble des personnes projetant de cesser leur activité et des personnes ayant un projet d’installation,  issues ou non du milieu agricole, et les mettre en relation en vue de la reprise d’exploitations agricoles, y compris via le dispositif d’aide au passage de relais » : telle est la mission assignée au réseau France services agriculture, doté dans chaque département d’un point d’accueil unique dédié à la transmission-installation. Un répertoire départemental unique recense les exploitations susceptibles d’être transmises, sur la base de l’enregistrement, dans les 5 ans précédant l’âge légal de départ à la retraite, des caractéristiques des exploitations à céder, comprenant le cas échéant le projet de cession et l’éventuel repreneur. « Le point d’accueil oriente la personne ayant un projet vers des structures de conseil et d’accompagnement agréées par l’Etat et présente de manière exhaustive les structures de conseil et d’accompagnement aux personnes qu’il oriente », précise la loi. Il veille à l’équité entre ces dernières et au respect du pluralisme. Il satisfait à une obligation de neutralité dans la présentation de l’offre de ces structures ».

A noter l’instauration, ai plus tard en 2026, de diagnostics modulaires mobilisés pendant la phase de transmission-installation, et destinés à appréhender la viabilité économique, environnementale (avec notamment un stress-test climatique) et sociale et le caractère vivable des projets d’installation et de cession d’exploitations. « Ils sont réalisés à la demande des agriculteurs et ne peuvent ni leur être imposés ni restreindre le bénéfice de certaines aides publiques ».

L’Etat se donne pour objectif de mettre en place, dès 2026, une aide au « passage de relais » pouvant être allouée aux chefs d’exploitation agricole âgés de cinquante-neuf ans au moins et jusqu’à l’âge légal de la retraite, ayant exercé une activité agricole à titre principal pendant une durée suffisante, s’ils cessent définitivement cette activité et rendent leurs terres et les bâtiments d’exploitation disponibles pour une installation aidée. La loi institue par ailleurs un « essai d’association » d’une période d’un an renouvelable une fois, résiliable à tout moment, ouvert à toute personne physique majeure en vue de préparer un projet d’exercice en commun de l’activité agricole.

Simplifier et sécuriser l’exercice du métier

Le dernier volet de la loi d’orientation s’attache à simplifier et à sécuriser l’exercice du métier. Le texte le plus emblématique à cet égard concerne la gestion des haies, jusque-là soumises à 14 réglementations. Désormais, « tout projet de destruction d’une haie est soumis à déclaration unique préalable ». D’ici à deux ans, une cartographie des protections législatives ou des réglementations applicables aux haies seront mises en ligne dans chaque département. Un arrêté listera par ailleurs les pratiques locales usuelles présumées répondre, de manière constante sur le territoire du département, à la notion de travaux d’entretien usuels de la haie, permettant d’échapper à la qualification de « destruction ».

Des dispositions permettent par ailleurs de sécuriser le cadre applicable aux chiens de protection de troupeaux et aux sous-produits lainiers ou aux installations aquacoles ou encore d'accélérer les décisions des juridictions dans les contentieux portant sur des projets de retenues d'eau et d’installations d’élevage.

La loi modifie le régime des sanctions pour atteinte à la biodiversité. La qualification de délit et les peines assorties (jusqu'à trois ans de prison et 150.000 euros d'amende) sont désormais réservées aux atteintes commises de manière intentionnelle ou par négligence grave. En cas d'atteinte non-intentionnelle, une amende administrative de 450 euros maximum est encourue. « Hors cas de récidive, la personne responsable de l’atteinte se voit proposer, à la place du paiement de cette amende, le suivi d’un stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement, notamment à la reconnaissance et à la protection des espaces et des habitats. L’acquittement de l’amende ne peut être exigé en cas de suivi intégral du stage ».