La croissance du bio ralentit et c’est normal !

La croissance du marché du bio depuis 10 ans semble montrer des signes de fléchissement au second semestre 2020, alors que lors du premier confinement, une forte hausse de la consommation avait été observée. Conséquence de la crise du coronavirus ou simple ralentissement mécanique ? Les explications sont diverses mais ne sont pas forcément un signal inquiétant.

En 2020, le premier confinement a profité au bio avec une hausse spectaculaire des ventes à son début (+ 63 % la première semaine selon Nielsen vs 40 % pour le conventionnel). Pour certains, il s’agissait alors d’un mouvement du consommateur vers plus de « sain » dans un contexte sanitaire trouble, qui renforcerait durablement la dynamique du bio. Pour d’autres, il était question d’un report d’achat quand les références conventionnelles n’étaient plus disponibles au sein des linéaires.

Les éléments de marché disponibles depuis montrent quant à eux un net fléchissement de la croissance du bio au troisième trimestre : selon Nielsen, mi-juin, le bio a même affiché une croissance nulle, alors que celle du conventionnel était légèrement positive. Début octobre, la croissance du bio est de 5 % sur un an, un niveau identique à celle du conventionnel. Si le ralentissement de la croissance du bio a commencé en 2016, mais alors sur des niveaux encore supérieurs à 10 %, c’est la première fois que le coup de frein est aussi marqué. Plusieurs explications à ce ralentissement peuvent être mises en avant.

Tout d’abord, avec le développement massif de l’offre, le bio a d’abord pu conquérir les linéaires avant de se banaliser progressivement dans l’esprit du consommateur. La progression annuelle de références bio a d’ailleurs également fléchi en 2020 : de 30 % en octobre 2019 à 17 % pour le même mois en 2020. Un moindre développement de l’offre pourrait donc être une première explication et l’effet serait donc principalement mécanique : plus la taille du marché augmente, plus il est difficile de soutenir une croissance à deux chiffres.

Une seconde explication serait tout simplement celle du pouvoir d’achat, avec des foyers plus attentifs à leurs dépenses dans le contexte actuel. Il s’agit d’un élément clef de l’équation alors que seulement 5 % des consommateurs déclaraient être prêts à dépenser plus pour du bio selon un sondage Opinionway présenté dans le cadre des assises de l’agriculture biologique en novembre 2019. On peut d’ailleurs dire que, d’une certaine manière, le marché du bio va connaître la première crise économique de son histoire, alors qu’il n’en était qu’à ses balbutiements et représentait un marché de « convaincu » lors de la crise financière de 2007-2010.

Par ailleurs, ce ralentissement de la croissance du bio peut être mis en parallèle avec un autre phénomène : pour une partie des consommateurs, le bio ne suffit plus ! Les consommateurs, et notamment les plus informés, qui sont également les plus sensibles au bio, veulent que leur alimentation soit durable, dans toutes ses dimensions : moins d’emballages, un impact carbone réduit, un partage de la valeur plus favorable à l’agriculteur… En cela, le bio ne serait plus considéré comme une preuve de transparence suffisante.

L’essor du bio est donc l’un des phénomènes récents les plus marquants au sein de la grande distribution. Son ralentissement n’est donc pas anormal après un presque quadruplement du marché en une décennie (de 3,1 Mds € en 2009 à 11,9 Mds € en 2019). Le bio a conquis les Français dont la consommation annuelle moyenne par habitant est devenue supérieure (178 €) à celle de nos voisins d’Outre Rhin (144 €).

Premier signe d’un désamour ou marché mature avec 5 % du chiffre d’affaires alimentaire de la grande distribution ? L’avenir seul nous le dira.

Article de PRISME : L’analyse de la conjoncture et de l’actualité agricole et agroalimentaire – Décembre 2020