La Ferme en coton, un écosystème en béton

Dans le Gers, Nicolas et Anne-Catherine Petit ont fait de leur exploitation bio un havre de biodiversité tout en dégageant sept salaires sur 65 ha. Avec ses milliers d’arbres, ses productions de volailles, d'agneaux et de cochons, ses centaines de passagers et de passeurs, qui clients, qui apprenants, qui jeunes handicapés ou artistes, l’exploitation est un hymne au vivant.

« Quand on a acheté la ferme, il y avait sur l’exploitation un seul actif qui élevait des porcs et des volailles industrielles en conventionnel et qui était en difficulté. Vingt ans plus tard, on est sept à gagner notre croûte sur la ferme. Et tout a démarré autour d’un arbre ». Des arbres, Nicolas Petit en a planté pas loin de 10.000 en vingt ans, en cumulant les intra-parcellaires, les haies et doubles haies et les bosquets qui essaiment autour des dix cabanes déplaçables abritant les poules pondeuses, les poulets et les pintades. Les cabanes, les parcours et les bosquets forment à eux seuls un écosystème, au sens écologique du terme, propice au bien-être des volailles, favorisant leur mobilité, tamponnant les excès climatiques, contenant le parasitisme, réduisant les risques de prédation par les buses. « Les volailles mangent énormément d’herbe », confie l’éleveur. « Le vert donne du jaune à la chair ». Et le coton ? « C’est la référence cadastrale », précise-t-il.

Nicolas Petit, cultivateur, agroforestier, éleveur, ouvrier d’abattoir, formateur, organisateur de spectacles, ex-cadre commercial, le 7ème salarié aux 7 vies de la Ferme en coton
Nicolas Petit, cultivateur, agroforestier, éleveur, ouvrier d’abattoir, formateur, organisateur de spectacles, ex-cadre commercial, le 7ème salarié aux 7 vies de la Ferme en coton

Élever, abattre, découper, vendre

Aux portes de Auch (Gers), la Ferme en coton produit environ 170 volailles par semaine, vendues en direct et sur seulement deux points de vente que sont le magasin à la ferme, ouvert au public le vendredi après-midi, et le marché de l’Isle-Jourdain (Gers), le samedi matin. En moins de 24 heures, la production hebdomadaire est ainsi écoulée, les recettes dûment encaissées et qui plus est avec les niveaux de marge les plus satisfaisants dans l’éventail des circuits de vente directe. L’exploitation tire aussi profit d’une organisation bien particulière s’agissant de l’abattage et de la découpe.

"En abattant moi-même, j’assume son métier d’éleveur, qui consiste à nourrir et à prendre soin de mes animaux avant de leur donner la mort"

« Ma journée du mardi y est entièrement consacrée », explique l’éleveur. « Je suis le gérant d’une Cuma qui rassemble aujourd’hui 15 éleveurs de volailles et 25 éleveurs de porcs, où chacun se retrouve à un moment donné sur la chaine d’abattage ou de découpe. Entre ce qui m’est facturé pour mes 170 volailles et ce qui m’est payé pour le temps que je consacre sur la chaine au service des autres éleveurs, je ressors avec un prix de revient de 1,60 euros par volaille. Imbattable. Mais l’important est peut-être ailleurs. En effet, c’est sur la chaine d’abattage que l’on assume son métier d’éleveur, qui consiste à nourrir et à prendre soin de ses animaux puis à leur donner la mort pour nourrir nos concitoyens ».

La Ferme en coton vend tout en direct et en l'espace de 23 heures par semaine
La Ferme en coton vend tout en direct et en l'espace de 23 heures par semaine

Située à Seissan (Gers), la Cuma Bio tout terrain est un pilier de l’écosystème, au sens économique du terme, de la Ferme en coton. D’ici à 2023, la Cuma inaugurera un nouvel outil, qui sera alors agréé pour abattre les volailles et les porcs, grâce au soutien de la Communauté de communes Val de Gers. Une marque de confiance et des gages sur l’avenir.

L’exploitation compte dix cabanes mobiles dispersées sur 10 ha
L’exploitation compte dix cabanes mobiles dispersées sur 10 ha

Médiation animale

Sur la ferme, c’est une autre Cuma, mais informelle celle-là, qui est à l’œuvre car Nicolas et son épouse ont joué depuis le début la carte de la coopération maximale. C’est ainsi qu’ils ont accueilli un couple de paysans boulangers, qui résident et façonnent leur pain sur l’exploitation. Environ 5 ha leur sont réservés, ce qui entame d’autant l’autonomie alimentaire de l’exploitation. Les parcours dédiés aux volailles, à la cinquantaine de porcs (sur l’année) et à la vingtaine de brebis couvrent une surface d’environ 10 ha. Outre le blé, l’assolement intègre du triticale et de l’orge destinés aux animaux, tandis que les productions de soja, de tournesol, sarrasin, pois chiche et lentilles sont vendues. Du coup, l’autonomie culmine à 40%, nécessitant des achats extérieurs, locaux et bio évidemment. Un peu moins d’un ha est par ailleurs réservé à un couple de maraichers, dans le cadre d’un espace-test à l’installation, complétant la palette de produits vendus à la ferme et constituant un renfort de main d’œuvre. Un ultime salarié complète l'équipe.

"Il peut se passer des choses fantastiques avec des poussins dans les mains"
La Ferme en coton est le support de formations, comme celle dédiée aux trognes dispensée le maître du genre, Dominique Mansion (à gauche)
La Ferme en coton est le support de formations, comme celle dédiée aux trognes dispensée le maître du genre, Dominique Mansion (à gauche)

L’écosystème de la Ferme en coton, s’achève avec la vingtaine de journées de formation dispensées par Nicolas Petit, un temps président de l’association Arbre et paysage 32, en passe de faire du Gers le premier département agroforestier de France, et avec l’activité d’Anne-Catherine, centrée sur l’accueil du public. Pendant de nombreuses années, l’exploitation a fait office de ferme pédagogique, avant de se spécialiser dans l’accueil de personnes en situation de handicap mental, en lien avec plusieurs institutions du département du Gers. « L’activité est basée sur la médiation animale, explique Nicolas Petit. Il peut se passer des choses fantastiques avec des poussins dans les mains ».

La Ferme en coton est enfin le support d’un festival dédié à la musique et aux arts du cirque, organisée par toute une armée de bénévoles et les trois enfants de Nicolas et Anne-Catherine Petit. Baptisée « les agrobatiques », la prochaine édition est programmée le 4 septembre. En plein air. En coton. Pas en béton.

La dernière édition des « Agrobatiques » a réuni plus de 1000 personnes
La dernière édition des « Agrobatiques » a réuni plus de 1000 personnes