La fin de l’aide au maintien, une victoire pour la bio

[Edito] Les acteurs de la bio et le ministère de l’Agriculture s’écharpent sur la logique comptable, et politique, des soutiens à l’agriculture biologique. Après tout, tant que le marché paie...

Depuis la présentation, par le ministère de l’Agriculture, des principaux arbitrages du Programme stratégique national (PSN), préfigurant la prochaine Pac, la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) ne décolère pas et dénonce une attaque en règle des soutiens financiers dédiés.

Elle estime que le PSN en cours de finalisation va priver en moyenne les producteurs bio de 66% de leurs aides, soit 132€/ha. Le calcul résulte de la perte de l’aide au maintien et du paiement vert pour un total de 202 €/ha et de la compensation de ce dernier par l’écorégime, que la Fnab évalue à 70€/ha, en attendant le chiffrage officiel.

Le calcul interroge à plusieurs titres. Pourquoi intégrer une aide, qu’il s’agisse du paiement vert comme l’écorégime, qui ne cible pas spécifiquement la bio ? Pourquoi mettre dans la balance une aide au maintien, supprimée par l’État en 2018, et que quelques Régions seulement ont repris à leur compte, avant leur disparition programmée au 1er janvier 2023 ? Et enfin pourquoi ne faire aucune mention de l’aide à la conversion, qui constitue pourtant le socle des aides à l’AB ?

Pas d’aide au maintien mais le maintien de l’aide

L’aide à la conversion, c’est précisément le credo du ministère, qui dans le PSN, la crédite d’un budget en hausse de 36% par rapport à la situation actuelle. La hausse correspond grosso modo à la trajectoire de progression de l’AB, avec un objectif de SAU bio de 18% fin 2027 contre une prévision comprise entre 12,5% et 13% début 2023.

Le ministère consentira peut-être un effort en direction des grandes cultures, lanterne rouge de la conversion, avec 4,9% de leur SAU en bio, contre 8,9% pour l’ensemble de la sole (chiffres 2019). Mais il n’y aura pas d’aide au maintien, que la Fnab a tenté de ressusciter en échafaudant un écorégime fondé sur les Paiements pour services environnementaux.

Julien Denormandie estime que le marché remplit ses bons offices et que la demande est dynamique. Il est vrai que la crise sanitaire a encore un peu plus dopé la consommation de produits bio, comme l’a révélé récemment l’Agence bio. L’État lui-même soutient la demande. Le 1er janvier prochain, la restauration collective publique (cantines scolaires, hôpitaux, maisons de retraite...) aura l’obligation de proposer 50 % de produits de qualité dont 20 % de produits bio. Cette obligation s’appliquera à la restauration collective privée en 2025. Il faut donc produire pour satisfaire la demande, et si possible avec des produits français pour tenir, sinon pour améliorer, la quote-part de produits AB « made » in France, stabilisée à 66% depuis quelques années.

La bio aux portes du Graal

Si la demande est dynamique, elle est aussi, jusqu’à preuve du contraire, rémunératrice, ce qui justifie sans doute dans l’esprit du ministère la fin de l’aide au maintien. Il ne faudrait pas que la rentabilité confine à la rente...

La fin des aides au maintien, c’est peut-être la meilleure chose qui puisse arriver à la bio, capable de faire reconnaître, par le marché, sa valeur et ses valeurs. N’est-ce pas là le Graal dont l’agriculture se désespère ?

Souhaitons donc à la bio de ne jamais solliciter de mesures de soutien, autres que la conversion et les aides communes, quand bien même une marque de reconnaissance étatique et spécifique, fut-elle symbolique, de ses co-bénéfices environnementaux et sociétaux, n’aurait pas été totalement usurpée.