Le miel, victime expiatoire de l’accord UE-Ukraine ?

Pour l’Union nationale de l’apiculture française, le contingent tarifaire de 35.000 tonnes est annonciateur d’une nouvelle chute du prix du miel en vrac, doublée d’une porte ouverte aux miels frelatés originaires d’Asie. Et de réclamer rejet de l’accord, contrôles renforcés et protection de l’apiculture française et européenne.

Le 30 juin dernier, l’Union européenne et l’Ukraine annonçaient avoir conclu un « accord de principe » portant sur les contingents de produits agricoles ukrainiens exemptés de droits de douane alors qu’avait pris fin quelques semaines plus tôt, le 5 juin précisément, l’accord d’association conclu en 2022 et prorogé à plusieurs reprises, Poutine ne relâchant son étreinte.

En juin 2022, quatre mois après la tentative d’invasion de la Russie, l’UE avait accordé à l’Ukraine des contingents d’importation sur le blé, l’orge, le maïs, le sucre, le porc, la volaille, les œufs et le miel, non sans générer des dégâts collatéraux pour les producteurs européens, aux prises à l’afflux de produits, qui plus est moins-disants au plan normatif.

Des importations à bas prix…

Si « l’accord de principe » prévoit justement un alignement progressif de l'Ukraine sur les normes de production européennes d'ici 2028, notamment en matière pesticides, de produits vétérinaires et de bien-être animal, il remet en selle des contingents tarifaires à des niveaux, tantôt supérieurs, tantôt inférieurs selon les produits, à ce qu’ils étaient auparavant.

S’agissant du miel, le contingent s’établit à 35.000 tonnes. C’est moins que les 44.417 tonnes qui prévalaient jusque-là mais beaucoup plus que les 6000 tonnes qui avaient cours depuis l’accord de 2016. Pour l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), l’accord UE-Ukraine constitue « une menace pour l’apiculture française. Dans un contexte de marché français déjà déstabilisé par des importations massives à bas prix, cette ouverture supplémentaire fragilise encore davantage les apiculteurs européens et français, qui peinent à valoriser leurs miels de qualité ».

Evolution de la balance commerciale du miel entre 2018 et 2023 (Source : FranceAgriMer)
Evolution de la balance commerciale du miel entre 2018 et 2023 (Source : FranceAgriMer)

L’UNAF rappelle qu’à la fin 2023 et au début 2024, la filière apicole française a déjà traversé une « grave crise » liée à la surabondance de miel importé en vrac, revendu à des prix « dérisoires », en raison notamment de l’augmentation des volumes de miels importés d’Ukraine.

… et à la qualité douteuse

L’autre motif d’inquiétude de l’UNAF porte sur la nature des miels importés. « De nombreux lots de miel importés sous étiquette ukrainienne seraient en réalité originaires de pays tiers, parfois hors d’Europe, et présenteraient un risque élevé de fraude, adultération et non-conformité », dénonce l’UNAF, qui redoute que l’Ukraine devienne « le cheval de Troie d’exportateurs mal intentionnés, notamment asiatiques ».

En 2017, une étude réalisée par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) révélait que 17% des miels importés de pays tiers et mis sur le marché de l'Union Européenne était suspecté d’être frelatés, coupés avec des sirops de sucre à base de riz, de blé ou de betterave sucrière afin d'en augmenter le volume, pratique interdite par la réglementation européenne. En 2022, le taux de fraude bondissait à 46%.

En conséquence, l’UNAF réclame le rejet en l’état de cet accord commercial, des contrôles renforcés sur l’origine et la qualité des miels importés et une protection réelle de l’apiculture française et européenne, « secteur essentiel pour la biodiversité et la souveraineté alimentaire ». « Sans protection adéquate, la filière apicole française risque de subir une crise durable, alerte Christian Pons, président de l’UNAF. Or, derrière chaque pot de miel produit en France, il y a un apiculteur, une filière et des abeilles mellifères, maillons indispensables de la pollinisation ».