Les nitrates, l’angle mort de la gestion de l’eau

[Edito] Le changement climatique focalise l’attention sur la dimension volumétrique, reléguant au second plan les aspects qualitatifs. Le 7ème programme d’action de la Directive nitrates devrait faire office de rappel à l’ordre s’agissant notamment des couverts pièges à nitrates... et à eau.

Bonne nouvelle pour le rechargement des nappes phréatiques : au mitan de la saison, Météo France fait savoir que l'hiver 2020/2021 est d'ores et déjà l'un des plus pluvieux jamais enregistrés dans certaines stations du Sud-Ouest de la France et qu’il peut d’ores-et-déjà être considéré comme très pluvieux sur la quasi-totalité du pays.

Les inondations et les crues qui sévissent actuellement dans plusieurs régions ne vont pas manquer de faire remonter à la surface l’idée de (re)lancer la création d’infrastructures de stockage pour capter les excès hivernaux et réduire d’autant les déficits estivaux. Mais quand bien même les vannes seraient ouvertes, les volumes additionnels captés seraient susceptibles de servir deux autres besoins essentiels voire vitaux que sont, aux côtés de l’agriculture et donc de l’alimentation, la fourniture d’eau potable et le soutien d’étiage des cours d’eau.

Le changement climatique ne devrait pas ménager le déséquilibre entre l’offre et la demande et les tensions entre usages et entre usagers. La consultation publique sur un projet de décret relatif à la gestion quantitative de l’eau, courant jusqu’au 11 février, est là pour en témoigner.

Des nitrates toujours problématiques

Du point de vue de la qualité de l’eau, la France est plutôt bien lotie, du moins au robinet. Selon le ministère de la Santé, en 2017, 99% de la population a été alimentée par une eau conforme vis-à-vis des nitrates. Mais cette performance est bien souvent acquise au prix de dispendieux process de traitement pour faire retomber la concentration en nitrates en-deçà des normes.

En 2018-2019, 46,8% des stations en eaux de surface avaient une concentration maximale en nitrates supérieures au seuil de 25 mg/l et 17,6% des stations en eaux souterraines dépassaient celui de 50 mg/l. « Sur la base de ces constats, sans un changement de la trajectoire actuelle, il ne sera pas possible d’atteindre de manière généralisée les objectifs à moyen terme », pointe le rapport quadriennal que la France adresse à la Commission européenne, conformément à la Directive cadre sur l’eau.

Globalement, la situation ne s’arrange pas mais ne se dégrade pas non plus. Il faut cependant savoir que la pollution par les nitrates entraine chaque année la fermeture d’environ 1000 points de captage d’eau potable, un chiffre en progression constante selon Eaufrance.

Les dérogations Cipan dans le viseur

Le non-respect des normes qualitatives de l’eau vaut à la France des contentieux avec la Commission. Pour s’en prémunir (et améliorer les résultats), les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique ont diligenté en 2020 une mission destinée à évaluer les Programmes d’action nationaux (PAN) et régionaux (PAR) qui, tous les quatre ans, s’escriment à corriger la situation.

Sont notamment dans le viseur les installations de stockage d’effluents, dont le dimensionnement, l’étanchéité et la stabilité générale interrogent, au vu de leur vieillissement et des accidents rapportés. L’arme dérogatoire dont usent un peu trop vite les préfets en matière d’implantation de Cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan), pour cause de sécheresse ou d’humidité excessives, est aussi incriminée. Or, si les couverts piègent les nitrates, ils contribuent aussi à faire des sols le premier réservoir hydrique.