Téléchargez la nouvelle application Pleinchamp !
Mercredi 03/12/2025

Mercosur et PAC : Thierry Pouch expose les défis à relever

Économiste agricole français et chercheur universitaire, Thierry Pouch est intervenu le 24 novembre, au lycée du Bourbonnais à Neuvy.

Enjeux et défis de l’agriculture française.

La session de la Chambre d’agriculture de l’Allier a accueilli Thierry Pouch, responsable du service Études économiques et prospective à Chambres d'agriculture France. Il analyse les tendances économiques, produit des études et éclaire les décisions stratégiques des Chambres d'agriculture et des pouvoirs publics.

Reconnu pour ses analyses sur les enjeux agricoles, économiques et géopolitiques, Thierry Pouch est également chef économiste à l'APCA (Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture) et chercheur associé à l'Université de Reims Champagne-Ardenne.

Lundi 24 novembre, dans l’amphithéâtre du lycée agricole, l’analyste a exposé les différents enjeux, défis et perspectives de l’agriculture française devant une audience venue en nombre et composée d’étudiants et d’acteurs du monde agricole.

Les sujets exposés portaient sur :

- l'impact du Mercosur ;

- l'impact des nouvelles taxes douanières, notamment avec les USA ;

- l'accord Européen (Inde, Thaïlande, Malaisie, ...) ;

- les contrastes entre les marchés végétal et animal ;

- les perspectives agricoles 2050 pour le département de l'Allier.

Des nouveaux échanges agroalimentaires mondiaux

Introduit à la tribune par Christophe Jardoux, président de la Chambre d’agriculture de l’Allier, Thierry Pouch a dressé un tableau des tensions commerciales qui redessinent les échanges agroalimentaires mondiaux.

Entre un retour du protectionnisme américain, des accords de libre-échange précipités et des fragilités européennes, il observe « une situation d’une complexité inédite ».

En 2024, l’Union européenne a affiché un excédent commercial proche de 200 milliards d’euros vis-à-vis des États-Unis qui a triplé en 20 ans.

Une augmentation « insupportable » pour Donald Trump, réélu président des États-Unis en novembre 2024.

Celui-ci veut changer la donne.

Les exportations européennes vers les États-Unis reposent surtout sur la pharmacie, la chimie et le matériel de transport. Les produits agricoles ne représentent que 4 % des flux.

En juillet 2025, un accord entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Donald Trump ont partiellement baissé les droits de douane américains contre un engagement d’importations européennes de pétrole et de gaz américains.

Thierry Pouch rappelle que les droits de douane européens sont plus élevés que ceux des États-Unis, notamment sur les produits animaux (36 % contre 9 %).

C’est pour cette raison que le Président américain justifie ces surtaxes excessives. L’Irlande, l’Allemagne, l’Italie, le Danemark, la Finlande sont très exposés à cette guerre commerciale, alors que la France l’est beaucoup moins.

Elle conserve même le dessus dans les domaines de l’aéronautique, du luxe, de la pharmacie et surtout des vins et spiritueux.

En taxant très fort les produits importés, Trump espère réduire le déficit américain et « faire payer le client ».

Mais cette stratégie est limitée : l’inflation repart et frappe les ménages états-uniens.

L’administration Trump fait alors machine arrière et revoit des droits de douane, notamment avec le Brésil.

L’Union européenne cherche de nouveaux marchés

Sous pression américaine, Bruxelles accélère les négociations bilatérales : Indonésie, Inde, Mexique, Thaïlande, Malaisie, Australie… Mais c’est surtout l’accord avec le Mercosur, validé en décembre 2024, qui cristallise les inquiétudes.

Malgré quelques gains (fromages, poudre de lait), les contingents accordés aux pays sud-américains (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) sur les viandes bovines et volailles sont jugés colossaux.

La clause de sauvegarde adoptée sous pression française reste floue.

Le Mercosur domine aujourd’hui le marché mondial de la viande bovine. Avec un coût de production 40 % inférieur à celui de la France, le Brésil menace directement la restauration hors-domicile européenne, principale destinataire des importations.

La décapitalisation du cheptel européen, la baisse du nombre des abattages, l’essor des importations et la volatilité des prix pèsent fortement sur les éleveurs.

L’Union européenne multiplie les accords de libre-échange pour trouver de nouveaux marchés agricoles.

Thierry Pouch explique que les risques sont grands : dépendance croissante aux importations, fragilisation des filières locales, explosion du déficit en fruits et légumes.

Pour Thierry Pouch, la situation impose un suivi constant : évolution des tarifs américains, ratification du Mercosur, réactions de la Chine, arbitrages budgétaires européens, élargissement de l’Union européenne aux pays de l’Est.

S’engager pour relever les défis

Nicolas Ray, député de la 3e circonscription de l’Allier, a reconnu les inquiétudes liées à la mondialisation mais, « la France reste une grande puissance agricole, notamment vis-à-vis des États-Unis », a-t-il dit.

Il estime que pour peser davantage en Europe, la France doit renforcer la stabilité de ses institutions, réduire sa dette et mieux faire entendre sa voix au sein des instances européennes.

Lors des questions du public qui ont suivi la présentation de l’analyste, un participant a demandé un message positif à adresser aux étudiants présents et aux futures générations d’exploitants.

« Quels qu'ils soient, économiques, géopolitiques, climatiques, les défis sont tellement colossaux que ça vaut vraiment la peine de s'engager pour les relever et pour montrer qu'on est capable de faire des choses, et surtout, de ne pas être naïf et de ne pas se laisser marcher sur les pieds ».

Le président de la Chambre d’agriculture de l’Allier, Christophe Jardoux, a insisté sur la nécessité que l’enseignement agricole forme davantage les jeunes aux compétences nécessaires pour devenir chefs d’entreprise, comprendre les structures agricoles et les enjeux économiques : « il va falloir qu'on remette le paquet là-dessus », a-t-il appuyé.

Des compétences essentielles pour relever les défis futurs.