Michel Biero (Lidl) : « Je soutiens à 100% Egalim 2, mais... »

Directeur exécutif achats et marketing chez Lidl, Michel Biero loue les vertus de la future loi Egalim 2, tout en défendant les contrats tripartites mais en place par l’enseigne et sans équivalent dans la loi adoptée le 4 octobre en Commission mixte paritaire. Interview.

Quel est votre jugement sur la loi Egalim d’octobre 2018 ?

Michel Biero : la loi Egalim n’a pas fonctionné parce que les politiques ont oublié qu’il y avait la loi LME, la loi de modernisation de l’économie, qui gère environ 80% du business en France, c’est à dire celui des marques nationales. La loi Egalim et la loi LME ne peuvent pas coexister.

La loi Egalim 2 corrige-t-elle le tir ?

Michel Biero : il faudrait me laisser un peu de temps pour la décortiquer mais je soutiens cette loi, qui sanctuarise le coût de production de l’éleveur. Mais on reste sur des contrats bipartites entre agriculteurs et industriels d’une part et industriels et distributeurs d’autre part. Donc moi Lidl, je n’ai pas de lien avec l’éleveur comme je l’ai avec un contrat tripartite.

"Avec un contrat tripartite, j’ai le téléphone de l’éleveur, je l’appelle et je sais exactement ce qui tombe dans sa poche"

Un contrat tripartite, cela change quoi?

Michel Biero : dans un contrat tripartite, j’ai le numéro de téléphone de l’éleveur et je peux lui demander combien il veut, même si, bien évidemment, j’ai aussi des clients que je dois satisfaire au niveau des prix. Mais en donnant quelques centimes de plus à des éleveurs laitiers, bovins ou porcins, qui sont en grande difficulté, ça va mieux pour eux et ça va bien pour Lidl, d’autant que les Français veulent manger Français, c’est la grande leçon des contrats tripartite.

Au Sommet de l’élevage, Julien Denormandie, Grégory Besson-Moreau, auteur et rapporteur de la loi Egalim 2 et Michel Biero ont répondu aux questions des éleveurs
Au Sommet de l’élevage, Julien Denormandie, Grégory Besson-Moreau, auteur et rapporteur de la loi Egalim 2 et Michel Biero ont répondu aux questions des éleveurs

Quelle est la représentativité de vos contrats tripartites ?

Michel Biero : on a contractualisé avec plus de 5000 éleveurs mais cela ne fait que 20% de notre business en viande bovine. Mais cela a été très compliqué de trouver des opérateurs pour les mettre en place. Au départ, j’ai dû me tourner vers des industriels belges. Avec les contrats tripartites, les industriels sont rendus au rang de prestataires de services, ce qui ne les satisfait pas trop.

"Il faut arrêter avec les promos à 1,48 euros le kilo de porc vendu au consommateur"

La guerre des prix, c’est fini ?

Michel Biero : quand je passe le lait de 72 à 74 centimes, je n’en vends pas une brique de moins. Il faut arrêter avec les promos à 1,48 euros le kilo de porc vendu au consommateur, il faut arrêter les promos à 59 centimes le litre de lait. Ça, c’est la faute aux marques et c’est pour cela que je n’ai pas de marques et que je n’en veux pas. C’est une vraie usine à gaz les marques nationales.

Le consommateur est-il consentant pour payer plus ?

Michel Biero : une entrecôte limousine mâturée 14 jours, je la vends 6,49 euros la pièce de 300 grammes, donc on est à plus de 20 euros du kilo, on reste raisonnable. Résultat : le consommateur achète cette viande-là car elle est française, d’une qualité top et en plus, elle rémunère le monde agricole. Moi Lidl, je réalise une marge de 10% imposée par Egalim. C’est rien, mais j’ai 2000 autres produits à vendre. L’éleveur n’a que son lait, son bœuf ou son porc. Si on se prend tous la main, on peut y arriver.