Outils de gestion des risques climatiques : les grandes lignes du projet de loi

Le projet de loi repose sur une articulation entre auto-assurance, assurance récolte et solidarité nationale en cas de pertes exceptionnelles. La fixation des seuils de pertes entre ces trois étages s’opèrera par ordonnances, après concertation avec les parties prenantes. Toutes les cultures sont concernées. Le dispositif se veut « universel ».

L’Assemblée nationale examinera le 12 janvier le projet de réforme de la gestion des risques climatiques. C’est l’aboutissement, ou presque, d’un chantier ouvert sous le ministère de Didier Guillaume en 2019 et repris Julien Denormandie. Le ministre de l’Agriculture a d’abord confié une mission au député Frédéric Descrozaille début 2021 avant de faire de ce chantier l’un des trois thèmes du Varenne de l’eau.

"On ne pouvait pas laisser le monde agricole seul face aux aléas climatiques"

Mais c’est le président de la République qui a porté l’assaut et le sceau ultimes, devant les JA le 10 septembre dernier, en annonçant la refonte totale du système et surtout la participation financière de l’Etat au futur dispositif, au nom de la solidarité nationale, en la chiffrant à 600 millions d’euros par an. « La solution à cette réforme sans solution, c’était de démontrer qu’on ne pouvait pas laisser le monde agricole seul face aux aléas climatiques », a déclaré Julien Denormandie le 6 janvier en présentant le projet de loi devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, citant le secteur du logement comme bénéficiant déjà d’un tel dispositif de solidarité nationale.

Une architecture à trois étages

La solidarité nationale constitue le troisième étage de la fusée. Il sera déclenché en cas de pertes exceptionnelles et s’appliquera à toutes les cultures, sans exception. Le premier étage, c’est en quelque sorte l’auto-assurance, relevant de la responsabilité de l’exploitant pour des niveaux de pertes compris entre zéro et le taux de franchise. « C’est ce qui existe dans n’importe quel système assurantiel », précise Julien Denormandie.

Entre ces deux étages, il y a l’assurance multirisque climatique (MRC), qui se déclenchera au-delà du niveau de franchise et en-deçà du niveau de seuil exceptionnel. « Le fait que l’assurance récolte soit bornée va permettre aux assureurs de déterminer précisément le risque pris, selon le ministre. Ce risque étant borné, cela permet de diminuer le prix de l’assurance et donc de rendre le dispositif plus accessible qu’il ne l’est aujourd’hui ».

Outre cette architecture à trois étages, le projet de loi fixe le cadre d’une régulation actuarielle du secteur assurantiel dédié à la MRC. En clair, il s’agit de créer les conditions nécessaires à l’établissement de contrats en évitant, via différents instruments (partage des données, mutualisation des risques, tarification technique commune...) que les assureurs n’opèrent un tri entre les risques et les produits, ce qui pourrait nuire fortement au principe d’accessibilité recherché, mais tout en ménageant le droit de la concurrence.

Les seuils fixés par ordonnance, une décote pour les non assurés

Si le projet de loi définit l’architecture globale du dispositif, il ne dit rien de ses deux valeurs emblématiques que sont le taux de franchise et le seuil de pertes exceptionnelles entre lesquels va opérer la MRC. « Il me paraît très important que tout cela soit fixé au niveau règlementaire et pas législatif », a dit le ministre, « sans quoi il n’y aurait plus aucun outil de pilotage au fil des années ».

Établis culture par culture, ces seuils seront donc déterminés par le biais d’ordonnances, « en concertation avec tous les professionnels » a précisé Julien Denormandie.

En revanche, le projet de loi inscrit dans le marbre la décote de 50% des aides versées au titre des pertes exceptionnelles pour les agriculteurs n’ayant pas souscrit une assurance multirisque climatique. Une stricte application de la règlementation européenne, précise le Ministère, et déjà mise en oeuvre dans le cadre actuel.

"La réforme est incroyablement structurelle, probablement la plus structurelle depuis la Pac"

Julien Denormandie s’est prononcé pour utiliser « au maximum » le règlement Omnibus, qui fixe à 70% maximum le taux de subventionnement de la MRC et à 20% de pertes son seuil minimum de déclenchement. « Alors que le système actuel laisse sans réponse des pans entiers de l’agriculture française, cette refonte va aboutir à la création d’un système universel, accessible à tous les agriculteurs », devise Julien Denormandie, évoquant « une réforme incroyablement structurelle pour le monde agricole et qui probablement sera la réforme la plus structurelle depuis la Pac ».