Pénurie de GNR : après la sobriété, le sevrage ?

Conséquence des grèves affectant les raffineries, entrepreneurs de travaux et Cuma déplorent des situations de panne sèche, à l’heure où les travaux d’automne battent le plein. Avec des incidences agronomiques et économiques en cascade.

« Dans les Hauts-de-France, plusieurs entreprises de travaux agricoles sont d’ores-et-déjà à l’arrêt et je crains que la situation ne se dégrade dans les jours à venir », déclare Gérard Maréchal, président des EDT Hauts-de-France. « Les alertes nous remontent de toutes les régions de France », corrobore Stéphane Chapuis, responsable du service AgriEcoTech à la FNCuma. « Entre les chantiers de récolte de betterave, de légumes d’industrie et maïs grain ici ou là, les chantiers de préparation de sol et les chantiers de semis, on est aux prises aux trois opérations les plus énergivores, absorbant 75% de la consommation annuelle de carburant ».

"Si on ne récolte pas les betteraves, je ne sais pas comment on va semer le blé derrière"

ETA et Cuma redoutent des incidences au plan agronomique. « La fenêtre météo est actuellement très propice mais cela ne va pas durer, poursuit Stéphane Chapuis. Les travaux vont être décalés et s’agissant des semis par exemple, cela peut vite devenir compliqué à l’automne ». « Si on ne récolte pas les betteraves, je ne sais pas comment on va semer le blé derrière », abonde Gérard Maréchal. Ce dernier a en tête la date butoir de fin campagne fixée par les sucreries, que les entreprises d’arrachage pourraient ne pas tenir si le conflit social affectant les raffineries devait perdurer.

"Les livraisons de 5000 litres, c’est terminé"

Dans le meilleur des cas, le carburant est livré au compte-gouttes. « Les livraisons de 5000 litres, c’est terminé », indique Stéphane Chapuis. « Les livraisons de 1000 ou 2000 litres directement sur les chantiers ne sont plus assurées par les fournisseurs, déplore de son côté Gérard Maréchal. « Résultat, les entrepreneurs mobilisent un ou deux salariés et un fourgon pour assurer la navette entre les citernes et les chantiers, c’est autant de charges supplémentaires ».

Certains ETA font au passage une amère découverte. « On s’est aperçu que dans un même secteur, certaines entreprises étaient livrées normalement et d’autres non, ou rationnées, indique Gérard Maréchal. La raison tient au fait que certaines entreprises dépassent le seuil de l’assurance-crédit à laquelle sont assujetties les livraisons de carburant. Et bien entendu, la hausse des prix a pour effet de rabaisser d’autant les volumes livrables ».

De la sobriété au sevrage

Au-delà des problèmes de disponibilité, il y a bien entendu la question tarifaire. « La faible disponibilité n’amène jamais de baisse des prix », euphémise Stéphane Chapuis, évoquant une hausse moyenne et soudaine de 20 centimes du litre de GNR. Le président des EDT Hauts-de-France évoque la difficulté de ses adhérents à répercuter la hausse sur le prix des prestations. « La part du carburant dans les coûts de revient est passée de 15% à 30%, indique-t-il. Sachant que le prix du matériel a pris +20% et que l’entretien-réparation est à l’avenant, je redoute des dépôts de bilan en 2023 ».
A plus brève échéance, ETA et Cuma évoquent aussi l’échéance du 31 octobre, au-delà de laquelle la remise concédée par l’Etat sur les carburants sera moindre, soit 0,10€/l (jusqu’au 31 décembre 2022) contre 0,3€/l actuellement. Le bouclier énergétique est en passe de virer au boulet énergétique. La semaine dernière, le gouvernement a adopté un plan de sobriété visant à réduire de 10% en deux ans la consommation énergétique globale de notre pays. En deux semaines, on est rendu à un sevrage autrement plus radical.