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Pour la filière œufs, pas d’omelette tricolore sans casser le carcan administratif
Alors que la filière témoigne d’un « frémissement » de la part des porteurs de projet, l’interprofession réclame trois mesures de simplification, de nature à finaliser la transition des élevages et à assurer l’auto-approvisionnement du pays en œufs, dont la consommation ne cesse de croître.
« On ne demande pas d’argent à l’Etat français, on ne demande pas à faire moins de bien-être, on ne demande pas à faire moins d’environnement, on ne demande pas à faire moins de social, on demande à l’Etat de la simplification ». Au cours d’un conférence de presse mardi, le président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO) Yves-Marie Baudet a manifesté sa volonté d’accélérer le plan de filière visant à faire sortir de terre 300 poulaillers d’ici à 2030, équivalent à 6 millions de poules, le cheptel étant actuellement de 48 millions. Objectif ? « Assurer notre autonomie alimentaire, notre auto-approvisionnement, avec une valeur cible de 101% du fait que la France consomme un peu plus de jaune que de blanc et des écarts de ventes assez importants en grande distribution un mois sur l’autre », indique Yves-Marie Baudet. En 2024, le taux d’auto-approvisionnement s’est établi à 98,6%.
Légère érosion de la production sur fond de transformation des bâtiments
La France a produit 15,4 milliards d’œufs l’an passé selon l’Itavi, en baisse de 0,4% sur un an mais de 2,5% par rapport à 2019, année de référence avant les épisodes récurrents d’Influenza aviaire et particulièrement préjudiciables à l’ensemble des filières avicoles. « La baisse est imputable aux travaux de transformation en cours dans de nombreux poulaillers, abandonnant les cages aménagées au profit d’un mode de production alternatif », précise le président du CNPO. La filière vise un taux de poules pondeuses élevées au sol, en plein air ou en bio de 90% en 2030 contre 75% en 2024. Le CNPO rappelle que le mode d’élevage constitue le premier critère de choix des consommateurs français (43%), devant l’origine France (18%) et le prix (13%).
Si la production a légèrement baissé, l’appétence pour l’œuf ne se dément pas, avec une consommation équivalente à 226 œufs par personne contre 224 œufs en 2023, tous produits (œufs et ovoproduits) et tous circuits confondus (achats en magasin, restauration hors domicile). D’où la volonté de la filière ne rien lâcher sur la souveraineté. « A seulement 0,26 euro l’unité en moyenne en magasin en 2024, l’œuf est la protéine animale la moins chère du marché, comme le savent 88% des Français », martèle le CNPO, qui délivre au passage un satisfecit à la grande distribution, qui s’approvisionne à 95% en France.
Ce qu’attend la filière de l’Etat et de l’UE
Si les éleveurs et la distribution font le job, y compris sur le plan du bien-être animal avec l’accord interprofessionnel sur l’ovosexage entré en vigueur en 2023, une singularité partagée avec l’Allemagne, les exécutifs français et européen peuvent mieux faire, selon le CNPO. De Paris, la filière attend la fin d’une surtransposition, consistant à exiger une évaluation environnementale à partir de 40.000 poules quand l’Europe la fixe à 60.000. Le CNPO demande par ailleurs l’exclusion de l’élevage de la procédure d’autorisation environnementale issue de la loi « industrie verte » pour revenir à la procédure d’enquête publique qui s’appliquait précédemment.
De Bruxelles, la filière attend l’exclusion de l’élevage de la directive européenne sur les émissions industrielles (IED), qui prévoit de considérer les poulaillers de plus de 21.500 poules pondeuses comme des sites industriels à partir de juillet 2026, contre 40.000 actuellement. « Ce sont des petits élevages que l’on va faire rentrer dans une directive avec des agriculteurs qui n’ont pas les moyens financiers ou techniques pour faire les travaux d’adaptation, dénonce Yves-Marie Baudet. Et la France a du mal à avoir des appuis en Europe car c’est l’un des derniers pays à avoir des élevages de petite taille. Aujourd’hui se construisent en Pologne et en Espagne des unités de 600.000 et 500.000 poules ».
En France, la moyenne se situe à 20.000 poules et l’élevage conserve son caractère familial, ce qui a, entre autres avantages, de réduire la vulnérabilité aux risques sanitaires. La Pologne vient de perdre un élevage de 4,5 millions de poules contaminées par l’Influenza aviaire, fait savoir le CNPO. Cet hiver, la France a perdu de son côté deux élevages de 30.000 poules chacun. Sachant qu’il faut en moyenne deux ans pour faire émerger un bâtiment de poules pondeuses, le CNPO attend de l’Etat de la « simplification ». « Depuis le Space, on a un vrai frémissement au niveau du terrain, avec des porteurs de projet intéressés pour transformer ou construire des bâtiments », affirme Yves-Marie Baudet. Le CNPO s’apprête un lancer un observatoire des projets de construction. Et espère débloquer le compteur très rapidement.