Directive IED : « Vers une baisse très importante de la production d’œufs en France dans les 5 ans à venir »

Selon le CNPO, l’abaissement du seuil de 40.000 à 21.400 places va précipiter l’arrêt de la production chez nombre d’éleveurs dans l’incapacité d’amortir les investissements requis par les mises aux normes, hypothéquant la souveraineté de la filière œufs, au profit d’importations moins-disantes. La dinde est aussi sur la sellette.

Si l’élevage bovin a échappé au projet de réforme de la directive IED relatives aux émissions industrielles (IED), finalisé le 29 novembre dernier par le Conseil et le Parlement européens, ce n’est pas le cas des volailles et des porcs. Ces deux filières étaient déjà concernées par la directive actuelle mais la nouvelle mouture prévoit d’abaisser les seuils d’effectifs d’animaux. En ce qui concerne les poules pondeuses, le seuil passerait de 40.000 à 21.400 places. « L’abaissement du seuil va faire rentrer dans le champ de la directive de nombreuses petites exploitations, déplore Yves-Marie Beaudet, président du Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO). Cette directive va porter un coup à notre modèle d’élevage familial, qui a peu d’équivalent au sein même de l’UE et encore moins au-delà des frontières de l’UE ».

"On se dirige tout droit vers des fermetures administratives d’ateliers, y compris en plein air et en bio"

Le dépassement des seuils fixés par la directive IED implique, après la réalisation d’un diagnostic, la mise en œuvre des Meilleures techniques disponibles (MTD) pour réduire l’impact des excrétions en azote et en phosphore et des émissions atmosphériques, notamment d’ammoniac. « Beaucoup d’exploitations n’auront pas les moyens de se conformer aux normes, poursuit Yves-Marie Beaudet. On se dirige tout droit vers des fermetures administratives d’ateliers, y compris en plein air et en bio. Ce projet va accélérer la concentration de la production d’œufs, tout en mettant à mal notre souveraineté alimentaire ».

L’échéance 2025 des poules en cage

Le CNPO rappelle que le solde de la balance commerciale de la filière oeufs continue de se dégrader en 2023, après être passé en négatif en 2022, en volume (-43.000 tonnes contre + 10.000 tonnes en 2021) comme en valeur (-79 millions d’euros contre +17 millions en 2021). Selon l’ITAVI, alors que la France était encore auto-suffisante en œufs en 2021 (102,7%), son taux d’auto-approvisionnement est passé à 96,4% en 2022. La sortie de crise de l’Influenza aviaire, si elle se confirme, devrait avoir pour effet de renforcer le potentiel productif en 2024 mais 2025 se profile déjà à l’horizon. « De nombreuses enseignes de la grande distribution et de la restauration hors domicile se sont engagées à ne plus s’approvisionner en œufs issus de poules en cage, indique Yves-Marie Beaudet. Sur les 12 millions de poules concernées, on sait que 40 à 50% des places ne seront pas transformées, notamment du fait de la pyramide des âges ».

Selon le CNPO, le coup porté à la filière œufs va faire le jeu des importations, notamment ukrainiennes, avec des normes de production, s’agissant de l’environnement ou du bien-être animal, sans communes mesures avec les garanties françaises. A titre d’exemple, la France est le seul pays au monde, avec l’Allemagne, à proscrire le broyage des poussins mâles via l’ovosexage.

La dinde sur la sellette

En ce qui concerne les autres productions avicoles, si les poulets de chair passent sous les fourches caudines de la future révision de l’IED, ce n’est pas le cas des dindes, qui se voient imposer un seuil de 9.333 animaux, en lieu et place des 40.000 actuels. « En l’état, ce projet de directive préfigure l’arrêt de la production française de dindes », alerte Yann Nédélec, directeur de l’Anvol, l’interprofession des volailles de chair.