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Préservation des prairies permanentes : un écorégime dédié doublé d’un « Plan prairies » ?
Un rapport du CGAAER invite à repenser le logiciel de protection et de soutien des prairies permanentes en faisant table rase des BCAE 1 et BCAE 9 au profit d’un soutien dédié dans l’écorégime et d’un « Plan prairies » inspiré du Pacte en faveur de la haie. Le rapport préconise de réviser la définition des prairies permanentes en portant la durée de bascule de 5 à 7 ans.
Les rapports du CGAAER (*), l’inspection générale chargée d’aiguiller la politique du ministère de l’Agriculture, sont d’ordinaire policés et invitent rarement à renverser la table. La dernière livraison, consacrée à « la prise en compte des prairies permanentes dans le cadre de la Pac » relève du coup de pied dans la fourmilière. Jugez plutôt. La BCAE1, relative à l’obligation de maintien des prairies permanentes ? « Le dispositif de protection BCAE1 est inefficace, contre-productif et complexe en raison de son calcul au niveau régional sur l’ensemble des surfaces mais amenant des sanctions individuelles pour les agriculteurs, encourageant ainsi le retournement anticipé des prairies (…) Incompris et non accepté par les agriculteurs, il n’atteint pas l’objectif général de maintien des prairies ni son objectif principal, à savoir la préservation des stocks de carbone ».
La BCAE 9, interdisant la conversion et le labour des prairies sensibles en zone Natura 2000, qui a certes été aménagé dans le Plan stratégique national 2014 ? « La mise en place des exemptions avec demande d’autorisation génère de la lourdeur pour les agriculteurs et l’administration, ce qui est contraire à l’objectif de simplification ».
Moralité : pour la prochaine programmation de la Pac, le CGAAER recommande de remplacer la BCAE 1 par la mise en place d’un dispositif incitatif en faveur des prairies sinon de retenir un ratio national. Quant à la BCAE 9, il préconise carrément de la supprimer, au motif que les objectifs sont atteints au travers des ERMG 3 et 4 (Exigences réglementaires en matière de gestion). « Les prairies et en particulier les prairies permanentes, par la multitude des services écosystémiques qu’elle rendent à la société, sont une composante essentielle de la transition agri-écologique des exploitations agricoles et du respect des stratégies nationales telles que la Stratégie nationale biodiversité (SNB), la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), Plan eau. Dès lors, il est nécessaire que les politiques publiques valorisent ces surfaces plutôt que de les réduire à une somme de contraintes à respecter ». Depuis 2020, la surface toujours en herbe s’est stabilisée autour de 10,3 millions d’ha, auxquels il faut ajouter 2,3 millions d’ha de prairies non permanentes.
Autre coup de pied dans la fourmilière : le rapport préconise de réviser la définition des prairies permanentes en portant la durée de bascule de 5 à 7 ans. Si cette révision n'est pas possible, il est suggéré de prendre en compte le labour dans la définition pour réinitialiser le compteur d'âge d’une prairie.
A l’échelon européen, une MAEC renforcée et un écorégime surfacique dédié…
Le CGAAER invite à se saisir des instruments de la Pac pour préserver les prairies, à commencer par les MAEC, ciblant en priorité les élevages herbagers extensifs, avec un montant d’aides incitatif et un seuil minimal de contractualisation (surfaces engagées et/ou nombre d’exploitations) pour permettre une transition globale vers des systèmes herbagers. Mais c’est surtout l’écorégime que cible le rapport, estimant que « l’écorégime français n’est pas un dispositif de soutien aux prairies permanentes », même si le pourcentage de non labour des prairies permanentes permet d’y accéder (80 % pour le niveau de base, 90 % pour le niveau supérieur ; néanmoins, dans la voie des pratiques, le pourcentage de non labour des prairies permanentes est une des pratiques qui permet d’y accéder (80 % pour le niveau de base, 90 % pour le niveau supérieur). « L’écorégime encourage le non-labour sur les prairies permanentes mais il n’encourage pas leur maintien ni n’interdit leur conversion en une autre culture ».
Le CGAAER se prononce en faveur d’un écorégime surfacique dédié, d’un minimum de 80€/ha, conditionné à certains pratiques (zéro phyto, minimas et maximas de chargement…), soit un budget annuel de 640 millions d’euros, à comparer aux 1684 millions d’euros de l’écorégime actuel, et qui serait abondé par une diminution du montant à l’ha de l’écorégime sur les surfaces en prairies permanentes et une diminution calibrée et mesurée du budget consacré aux MAEC prairies et enfin une diminution ou un meilleur ciblage des soutiens couplés, notamment de l’aide bovine. « Le financement à consacrer à cette mesure est important et la diminution du montant pour les surfaces primées en ICHN ne sera pas aisée à justifier », lit-on dans le rapport. « La mission estime néanmoins qu’au regard des réalités socio-économiques actuelles liées au monde de l’élevage et de son environnement, cette mesure ferait l’unanimité compte-tenu des attentes exprimées, tant par le monde agricole lui-même que par les acteurs des territoires sur lesquels les prairies permanentes disparaissent. Néanmoins, les entretiens mettent en avant que les acteurs souhaiteraient une rémunération à hauteur des services rendus, donc supérieure, et non pas à hauteur des surcoûts et manque à gagner ».
… sinon un bonus « prairies permanentes »
Si l’hypothèse d’un écorégime surfacique dédié « nécessitera de réaliser un calcul du surcoût et manques à gagner », le rapport mentionne deux autres écueils, consistant à repenser l’articulation avec les MAEC dédiées et à refondre l’écorégime actuel, pour y introduire des catégories de cultures. Le rapport suggère une voie alternative, consistant à instaurer un bonus « prairies permanentes », à l’instar du bonus « haies » en vigueur, pour les prairies permanentes gérées durablement, à raison de 30€/ha, soit un budget annuel maximal de 240 millions d’euros, abondé la diminution de l’enveloppe de l’aide bovine et de la diminution de financements pour les MAEC prairies, certains engagements de ces MAEC étant repris dans ce bonus « prairies permanentes ».
A l’échelon national, un « Plan prairies »
En plus de remodelage des aides de la Pac, le CGAAER l’instauration d’un « plan prairies », à l’instar du « Pacte en faveur de la haie », doté de toute une série de mesures de formation et d’accompagnement des agriculteurs, ainsi que de recherche-développement sur la production et la gestion de l’herbe. Et de citer des formations dédiées des exploitants agricoles sur la gestion de l’herbe au sein de l’appareil de formation agricole (formation initiale et continue), l’accompagnement des agriculteurs afin de leur permettre de mettre en place ou d’améliorer leur système d’élevage en s’appuyant sur la production herbagère, la vulgarisation des travaux de recherche-développement, notamment en lien avec le changement climatique (adaptation de la prairie aux évolutions du climat), des investissements via des dispositifs nationaux ou régionaux afin de faciliter les systèmes d’élevage en production herbagère (abreuvement, accès aux pâturages…), des actions avec les filières, les signes de qualité, les Plans Alimentaires Territoriaux (PAT), une politique foncière en faveur des systèmes herbagers…
(*) Conseil général de l’agriculture de l’alimentation et des espaces ruraux