Quand la France bovine refait un peu de gras

[Edito] Sous l’effet, notamment, de la mise en place d’ateliers d’engraissement, la décapitalisation et les importations ont marqué le pas en 2023, tandis que le déséquilibre entre l’offre et la demande ont soutenu les cours, malgré tout sous pression. Le licol se desserre mais pas encore suffisamment pour inverser la tendance de fond.

« La demande des marchés français et européens, en animaux vifs, comme pour l’abattage, est restée dynamique, et en parallèle l’offre est toujours plus réduite. Tous les signaux de marché sont au vert ». Les satisfécits de la FNB sont assez rares pour être soulignés mais c’est pourtant l’exercice auquel s’est livrée cette semaine l’association spécialisée de la FNSEA. Depuis la sortie du Covid-19 en 2021, la filière bovine évolue en effet dans un environnement inédit, à peine contrarié par l’inflation et l’envolée des coûts de production, pesant respectivement sur la consommation et les marges des éleveurs. « Le manque d’offre important de vaches allaitantes a soutenu les cours tout au long de l’année autour des niveaux de 2022, sans décrochage important. C’est pourquoi le prix moyen annuel de la carcasse de la « vache modèle » ­ a augmenté de 0,15 €/kg, par rapport au record déjà atteint en 2022 », relève l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) dans son rapport 2024.

Des indicateurs un peu moins dans le rouge

Pour autant, les principaux indicateurs de la filière bovine sont demeurés dans le rouge en 2023, avec une baisse de 5,3% du nombre de bovins produits (après -0,6% en 2021 et -4,3% en 2022) et une baisse de 1,1% du cheptel (après 2,0% en 2022 et -2,7% en 2021). La décapitalisation est donc toujours à l’œuvre. Mais il y a aussi des signaux positifs, tel que le recul des importations (-6,0%), lesquelles avaient bondi de 12,3% en 2021 et de 21,4% en 2022 après la crise du Covid-19 et la fermeture de la restauration hors domicile, grande consommatrice de viande importée. Une performance toute relative car la consommation de viande bovine a baissé de 3,7% en 2023. Deux autres indicateurs que sont les abattages et les exportations de broutards témoignent par ailleurs d’un début de relance de l’engraissement sur notre territoire, non sans lien avec la refonte des aides couplées animales et l’instauration d’une aide à l’UGB dans la programmation de la Pac 2023-2027 (mais aussi avec la baisse des naissances). La France n’est cependant pas à la veille de rééquilibrer les comptes de la filière bovine, qui se caractérisent bon an mal an par un déficit commercial de 700 à 800 millions d’euros en viande et un bénéfice dépassant 1,5 milliard d’euros pour ce qui est des animaux vifs.

« Des pressions inexpliquées sur leurs prix de vente »

La filière est par ailleurs sous la menace de jugements simplistes et caricaturaux à propos des supposés désordres climatiques, environnementaux ou de santé publique générés par l’élevage. « Si la France devait un jour basculer dans le tout végétal, on se presserait d’étudier le moyen de réintroduire l’élevage afin de bénéficier de ses apports nutritionnels, écologiques et socio-économiques », lit-on dans un rapport Conseil général de l’agriculture de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) publié en juillet dernier, consacré aux externalités positives de l’élevage et qui rappelle quelques fondamentaux de l'élevage tricolore, à savoir  « un modèle d’élevage plus extensif qu’ailleurs, assis sur un lien au sol et une large part d’autonomie alimentaire, supérieurs la plupart du temps à ceux de nos concurrents, qui a en outre comme mérite d’avoir conservé des élevages de dimension humaine, sources de bénéfices territoriaux objectifs ». On y lit aussi que l’élevage est « le secteur où la rémunération à l’heure travaillée est la plus basse ». « Les signaux de marché sont au vert : Stop à la pression sur les prix ! » : telle était en réalité l’intégralité du message délivré cette semaine par la FNB, déplorant « des pressions inexpliquées sur leurs prix de vente » et des éleveurs restant « éternellement la variable d’ajustement ». Une durabilité dont on se passerait.